Loi de modernisation de la justice du XXIème siècle
N° 2016-32 / À jour au 29 novembre 2016
Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle
La loi de modernisation de la justice du XXIème siècle, adoptée définitivement le 12 octobre 2016, renforce le rôle du service public de la justice en rendant la justice plus accessible notamment au travers la mise en place d’un service d’accueil du justiciable dans 342 juridictions.
Elle crée la possibilité d’introduire de nouvelles actions : une action en reconnaissance de droits, une action de groupe en matière de discrimination, de questions environnementales ou de protection des données personnelles. Le règlement amiable des litiges est facilité par la mise en place systématique d’une conciliation gratuite pour les litiges inférieurs à 4 000 €.
Plusieurs mesures concernent le droit de la famille. La procédure est facilitée, dans le cas d’un divorce par consentement mutuel où le passage devant le juge n’est plus obligatoire ; seuls interviennent les avocats des époux et un notaire. L’enregistrement du PACS n’a plus lieu au tribunal d’instance mais en mairie.
Enfin, en vue d’accélérer le traitement des dossiers de surendettement et d’alléger la charge des tribunaux, il est prévu la suppression de l’homologation judiciaire des décisions de la commission de surendettement à l’horizon 2018.
Ces mesures sont entrées en vigueur depuis le 20 novembre 2016 sauf lorsque leur application est reportée à une date ultérieure ou conditionnée à la publication d’un décret.
Cette analyse juridique propose une synthèse de l’ensemble des dispositions de la loi de modernisation de la justice du XXIème siècle intéressant les particuliers dans leur recours au système judiciaire, en ce qu’il peut concerner des questions de logement. Une attention particulière est portée sur les dispositions relatives aux modalités d’accès à la justice, à la procédure de surendettement, au changement irrégulier d’usage d’un local et aux procédures simplifiées.
Rapprocher la justice du citoyen (titre Ier)
Les trois premiers articles de la loi de modernisation de la justice du XXIème siècle sont consacrés à l’accès à la justice. Pour répondre à cet objectif, il est prévu de renforcer la politique d'accès au droit avec la consécration du service public de la justice et la mise en place d’un service d'accueil unique du justiciable (SAUJ).
Renforcer la politique d’accès (art. 1er / Code de l’organisation judiciaire : L.111-2, L.111-4 et L.141-1)
La loi consacre le caractère public du service de la justice et en tire les conséquences dans le Code de l’organisation judiciaire (L.111-2, L.111-4 et L.141-1) avec l’ajout de « public » à la notion de service de la justice.
L’accès au service public de la justice est par ailleurs gratuit (L.111-2), permanent, continu (L.111-4) et égal pour tous les citoyens (L.111-2). L’État est chargé d’assurer sa mise en œuvre dans le respect de ces principes. Les dommages causés par le fonctionnement défectueux du service public de la justice relèvent de la responsabilité de l’État et doivent être réparés par ce dernier (L.141-1).
Les conseils départementaux d'accès au droit (CDAD) voient leur composition modifiée avec la présence obligatoire d’associations œuvrant dans le domaine de l’aide aux victimes, de la conciliation ou de la médiation (loi du 10.7.91 : art. 55).
La vice-présidence des CDAD est assurée par le procureur de la République pour renforcer son rôle dans l'animation de la politique d'accès au droit du département. Les fonctions de commissaire du Gouvernement sont assurées par un magistrat du siège ou du parquet de la cour d'appel chargé de la politique associative, de l'accès au droit et de l'aide aux victimes, désigné conjointement par le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle siège le CDAD et par le procureur général de cette cour (auparavant, elles relevaient des fonctions du procureur de la République).
En outre, les missions des CDAD sont élargies aux modes amiables de résolution des litiges et à la possibilité de mettre en œuvre des actions communes avec d'autres CDAD (loi du 10.7.91 : art. 54).
Ces mesures sont applicables depuis le 20 novembre 2016.
Faciliter l’accès à la justice (art. 2 et 3)
Service d'accueil unique du justiciable (art. 2 / Code de l’organisation judiciaire : L.123-3 / loi du 10.7.91 : art. 13 / Code de procédure pénale : art. 48-1)
Un service d'accueil unique du justiciable (SAUJ) est institué pour permettre à tout citoyen d'obtenir des informations concernant une procédure ou d'introduire une instance judiciaire depuis n'importe quel site judiciaire. Chacun pourra, quel que soit son lieu de résidence ou de travail, s'informer de ses droits, engager des formalités et démarches, se renseigner sur les procédures, suivre le traitement de ses affaires, y compris celles relevant d'une autre juridiction. Pour mémoire, le SAUJ a fait l’objet d’une expérimentation depuis l'automne 2014 dans plusieurs ressorts judiciaires.
Le service informe les personnes sur les procédures qui les concernent et reçoit de leur part des actes afférents à ces procédures (Code de l'organisation judiciaire : L.123-3).
Les agents de greffe du SAUJ ont directement accès aux informations contenues dans l’outil de traitement automatisé des données judiciaires dénommé « Cassiopée » (Code procédure pénal : art. 48-1). Ces agents habilités à consulter les informations contenues dans cette base de données, informent les usagers pour les seuls besoins de fonctionnement de ce service.
Les dispositions nécessaires pour permettre au SAUJ de fonctionner sont inscrites dans le Code de procédure pénale et dans la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique.
Ces mesures sont applicables depuis le 20 novembre 2016.
Professionnels du droit (art. 3 / loi du 31.12.71 : art. 66-4)
Comme l’indique le rapport de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, « aujourd’hui les principales professions du droit et du chiffre ont mis en place des systèmes d’identification de leurs membres (identités numériques professionnelles) et parfois des « réseaux privés virtuels » (avocats, huissiers de justice, notaires) afin de communiquer de façon sécurisée entre eux. Toutefois, les différents systèmes demeurent non interopérables ce qui impose aux acteurs économiques d’utiliser des formats différents de transmission de pièces et documents selon leurs interlocuteurs et de recourir à une ou plusieurs ré-matérialisation de ces documents numériques. Les coûts financiers et de temps induits par la non interopérabilité sont ainsi très importants ».
C’est la raison pour laquelle, la loi prévoit l’obligation pour les huissiers de justice, les notaires, les commissaires-priseurs judiciaires, les avocats, les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, les commissaires aux comptes et les experts-comptables, de proposer à leur clientèle « une relation numérique dans un format garantissant l'interopérabilité de l'ensemble des échanges ».
Ces professionnels doivent rendre librement accessibles les données figurant dans leurs annuaires et tables nationales de manière à garantir cette interopérabilité, notamment au moyen d'un outil standard ouvert et réutilisable, exploitable par un traitement automatisé. Ils sont autorisés à recourir à la sollicitation personnalisée, notamment par voie numérique, et à proposer des services en ligne.
Les conditions d'application notamment les adaptations nécessaires aux règles déontologiques applicables à ces professions dans le respect des principes de dignité, de loyauté, de confraternité et de délicatesse, seront fixées par décret en Conseil d'État.
Les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires doivent également proposer aux personnes intéressées, dans les limites de ce que leur permet leur mandat de justice et pour les besoins de celui-ci, « une relation numérique dans un format garantissant l'interopérabilité de l'ensemble des échanges ».
Le démarchage et la publicité en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes en matière juridique est sanctionnée depuis l’ordonnance du 14 mars 2016 par une peine d'emprisonnement de deux ans et une amende de 150 000 euros (loi du 31.12.71 : art. 66-4, modifié par l’ordonnance du 14.3.16). La loi de modernisation de la justice du XXIème siècle prévoit une dérogation pour certains professionnels du droit (avocats, conseils en propriété industrielle, huissiers de justice, notaires, commissaires-priseurs judiciaires, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, commissaires aux comptes et experts-comptables) qui peuvent recourir à la publicité et à la sollicitation personnalisée (loi du 31.12.71 : art. 3 bis modifié par la loi du 17.3.14).
Cette mesure est applicable depuis le 20 novembre 2016.
La présente loi comporte également deux dispositions spécifiques aux avocats (art. 22 et 23).
Un annuaire national des avocats doit être mis en ligne par le Conseil national des barreaux sur la base des informations recueillies auprès du conseil de l’ordre des avocats.
Par ailleurs, le texte donne une base législative à la dématérialisation des échanges entre avocats et avec les juridictions (loi du 31.21.71 : art. 21-1). Les conditions et les modalités de mise en œuvre de ce réseau seront décidées par le Conseil national des barreaux en concertation avec le ministère de la Justice.
Favoriser les modes alternatifs de règlement des différends (titre II : art. 4 à 11)
La loi de modernisation de la justice du XXIème siècle comporte des mesures pour favoriser le règlement de litiges avec le recours à la conciliation, à la médiation judiciaire et administrative, à la procédure participative ou aux transactions.
Ces dispositions sont applicables depuis le 20 novembre 2016, à l’exception de celles portant sur la médiation judiciaire pour lesquelles un décret doit être publié avant le 18 mai 2017.
Procédure de déclaration au greffe et tentative préalable de conciliation (art. 4 / CPC : art. 843 et 844)
La procédure de déclaration au greffe (CPC : art. 843 et 844) permet de saisir le juge de manière simplifiée sans faire appel à un avocat ou à un huissier pour des petits litiges dont le montant est inférieur à 4 000 €, comme la demande en restitution d’un dépôt de garantie. La présente loi systématise la tentative de conciliation préalable menée par un conciliateur de justice, à peine d’irrecevabilité de la demande que le juge peut prononcer d’office, sauf dans trois cas :
- si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord ;
- si les parties justifient d’autres diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige ;
- si l’absence de recours à la conciliation est justifiée par un motif légitime.
Médiation en matière administrative (art. 5 / CJA : L.213-1 à L.213-10)
Le titre Ier du livre II du Code de justice administrative (CJA) est complété par un chapitre relatif à la médiation. Il comprend la définition de la médiation identique à celle introduite par l’ordonnance n°2011-1540 du 16 novembre 2011 dans son article premier (CJA : L. 213-1), les conditions dans lesquelles le médiateur accomplit sa mission (CJA : L.213-2), le régime de la médiation à l’initiative des parties (L.213-5 et 6) et de la médiation à l’initiative du juge (L.213-7 à 10). Lorsque le Conseil d’État est saisi d’un litige en premier et dernier ressort, il peut, après avoir obtenu l’accord des parties, ordonner une médiation pour tenter de parvenir à un accord entre celles-ci.
Médiation judiciaire et liste des médiateurs (art. 8/loi du 8.2.95 : art. 22-1 A)
La loi n°95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile et pénale est modifiée. Une liste des médiateurs est établie par chaque cour d’appel, dans des conditions fixées par un décret en Conseil d’État pris dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi soit le 18 mai 2017.
Procédure participative (art. 9 / Code civil : art. 2062 et 2063)
Ce mode alternatif de résolution des différends en matière civile et commerciale (litiges entre bailleur et locataire, litiges liés à un contrat, litiges familiaux, …) permet aux parties de résoudre à l’amiable un conflit au moyen d’une « convention de procédure participative » avec l’assistance de leurs avocats.
Cette procédure alternative s’ajoute aux autres modes amiables de résolution des conflits et intervient avant toute démarche devant un juge. Les parties s’engagent dans la convention à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable d’un différend. En cas d’échec, rien n’interdit le recours à un autre processus ou une procédure judiciaire. Dans ce cas, le juge statue sur la base des échanges intervenus antérieurement. Ainsi, la loi de modernisation de la justice du XXIème précise que les pièces nécessaires à la mise en état du dossier doivent également figurer dans la convention sous peine de nullité (Code civil : art. 2063).
Transactions (art. 10 / Code civil : art. 2044)
La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître dans le cadre d’une transaction (Code civil : art. 2044). Le recours à la transaction est fréquent dans le domaine des assurances, du droit des affaires ou du droit du travail, mais peu utilisé par les particuliers. La loi de modernisation de la justice du XXIème siècle modifie le régime de la transaction :
- elle intègre la notion de concessions réciproques entre les parties dans la définition de transaction ;
- elle supprime la notion de « l’autorité de la chose jugée » de la transaction qui représentait jusqu’à présent une source de confusion ;
- elle confirme que l’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant.
Estimation du prix (art. 11 / Code civil : art. 1592)
En cas de vente ou cession lorsque le prix n’est pas déterminé par les parties et qu’elles ont l’intention de soumettre à un tiers la mission de détermination de ce prix, l’article 1592 prévoit qu’il a un rôle d’estimation et non plus d’arbitrage. Ce texte s’applique rarement dans les rapports entre les particuliers mais cette modalité de fixation du prix peut être utile par exemple pour évaluer des biens successoraux, ou dans le cas de certaines promesses unilatérales de vente.
Dispositions relatives à l’organisation et au fonctionnement du service public de la justice (titre III)
Suppression des juridictions et des juges de proximité au 1er juillet 2017 (art. 15 IV et V/ Loi du 13.12.11 : art. 1er, 2 et 70)
La loi de modernisation de la justice du XXIème siècle reporte la suppression des juridictions de proximité au 1er juillet 2017. Les procédures civiles en cours devant les juridictions de proximité sont en effet transférées en l'état au tribunal d'instance à partir du 1er juillet 2017. Les procédures pénales relevant des tribunaux de police et des juridictions de proximité sont également transférées en l'état aux tribunaux de police territorialement compétents à partir de cette même date (loi du 18.11.16 : art. 15 V).
Dans les deux cas, il sera possible de délivrer aux parties, avant le 1er juillet 2017, des convocations, assignations ou citations aux parties et témoins pour une comparution postérieure à cette date devant le tribunal d'instance pour les procédures civiles ou devant le tribunal de police nouvellement compétent pour les procédures pénales.
Cette suppression initialement prévue le 1er janvier 2013 (loi du 13.12.11 : art. 1er, 2 et 70, I) a fait l’objet de deux reports successifs au 1er janvier 2015 (loi du 13.12.11 : art. 70 modifié par la loi du 24.12.12), puis au 1er janvier 2017 (loi du 13.12.11 : art. 70 modifié par la loi du 24.12.12 : art. 99).
La loi abroge, par ailleurs au 1er juillet 2017, les articles L. 121-5 à L. 121-8, L. 212-3-1 et L. 222-1-1 du Code de l’organisation judiciaire, relatifs aux juges de proximité, créés par la loi du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allégement de certaines procédures juridictionnelles.
Il n'y a pas lieu de renouveler les actes, formalités et jugements régulièrement intervenus avant le transfert des procédures civiles et pénales, à l'exception des convocations et citations données aux parties et aux témoins qui n'ont pas été suivies d'une comparution devant la juridiction supprimée.
Les parties ayant comparu devant la juridiction supprimée sont informées par l'une ou l'autre des juridictions qu'il leur appartient d'accomplir les actes de la procédure devant le tribunal auquel les procédures sont transférées. Les archives et les minutes du greffe de la juridiction supprimée sont transférées au greffe des tribunaux de police ou d'instance compétents.
Les frais de transfert de ces archives et minutes sont imputés sur le crédit ouvert à cet effet au budget du ministère de la justice.
Procédure devant la Cour de cassation (art. 38 à 43)
Un chapitre IV est ajouté au titre Ier « Rapprocher la justice du citoyen », il est consacré à la procédure diligentée devant la Cour de cassation.
Prérogatives de la Cour de cassation (art. 38 à 41 / Code de l’organisation judiciaire : L.411-3, L.431-3-1, L.432-1, L.441-2, L.441-2-1, L.451-2)
Les prérogatives des magistrats de la Cour de cassation sont assouplies avec un élargissement des situations où une cassation sans renvoi est possible lorsque l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie. Cette mesure doit permettre de ne pas prolonger inutilement un litige et d’y mettre fin dans des cas où le renvoi à la juridiction ayant prononcé la décision cassée n’est pas opportun. Un décret en Conseil d’État déterminera les modalités d’application de cette disposition.
La Cour de cassation peut en matière civile, statuer au fond lorsque l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie. En matière pénale, elle peut, en cassant sans renvoi, mettre fin au litige lorsque les faits, tels qu’ils ont été souverainement constatés et appréciés par les juges du fond, lui permettent d’appliquer la règle de droit appropriée (Code de l’organisation judiciaire : L.411-3).
Par ailleurs, lors de l’examen du pourvoi, la Cour de cassation peut inviter toute personne dont la compétence ou les connaissances sont de nature à l’éclairer utilement sur la solution à donner à un litige à produire des observations d’ordre général sur les points qu’elle détermine (Code de l’organisation judiciaire : L.431-3-1).
Le procureur général peut rendre des avis dans l’intérêt de la loi et du bien commun pour éclairer la cour sur la portée de décisions (Code de l’organisation judiciaire : L.432-1).
La chambre compétente de la Cour de cassation se prononce sur la demande d’avis. Lorsque la demande relève normalement des attributions de plusieurs chambres, elle est portée devant une formation mixte pour avis (Code de l’organisation judiciaire : L.441-2).
Lorsque la demande pose une question de principe, elle est portée devant la formation plénière pour avis.
La formation mixte et la formation plénière pour avis sont présidées par le premier président ou, en cas d’empêchement, par le doyen des présidents de chambre (Code de l'organisation judiciaire : L.441-2).
Le renvoi devant une formation mixte ou plénière pour avis est décidé soit par ordonnance non motivée du premier président, soit par décision non motivée de la chambre saisie. Le renvoi est de droit lorsque le procureur général le requiert (Code de l'organisation judiciaire : L.441-2-1).
L’ensemble de ces mesures s’appliquent depuis le 20 novembre 2016. Toutefois l’élargissement des situations où une cassation sans renvoi est possible est conditionné par la publication d’un décret.
Réexamen en matière civile (art. 42 / Code de l'organisation judiciaire : L.452-1 à L.452-6)
Les dispositions relatives au réexamen par la Cour de cassation d’une affaire civile sont modifiées.
Toute personne ayant été partie à l’instance peut demander le réexamen d’une décision civile définitive rendue en matière d’état des personnes (capacité, mariage, filiation, …). Cette dernière doit justifier d'un intérêt à agir résultant d'un arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme, constatant la violation de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ou de ses protocoles additionnels.
Le demandeur doit également justifier d’un préjudice qui au vu de sa nature et de sa gravité ne peut faire l'objet d’une indemnisation équitable accordée en application de l'article 41 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Le réexamen peut être demandé dans un délai d’un an à compter de la décision de la Cour européenne des droits de l’homme. Le réexamen d’un pourvoi en cassation peut être demandé dans les mêmes conditions.
Ce réexamen peut être demandé (Code de l’organisation judiciaire : L.452-2) :
- par la partie intéressée ou, en cas d’incapacité, par son représentant légal ;
- après la mort ou l’absence déclarée de la partie intéressée, par son conjoint, le partenaire lié à elle par un pacte civil de solidarité, son concubin, ses enfants, ses parents, ses petits-enfants ou arrière-petits-enfants ou ses légataires universels ou à titre universel.
La demande en réexamen est adressée à la Cour de réexamen. Celle-ci est composée de treize magistrats de la Cour de cassation, dont le doyen des présidents de chambre, qui préside la Cour de réexamen (Code de l’organisation judiciaire : L.452-3). Les douze autres magistrats sont désignés par l’assemblée générale de la Cour de cassation pour une durée de trois ans, renouvelable une fois.
Chacune des chambres de la Cour de cassation y est représentée par deux de ses membres.
Douze magistrats suppléants sont désignés dans les mêmes conditions.
Le président de chambre le plus ancien après le doyen des présidents de chambre est désigné suppléant de celui-ci.
Lorsque la demande est manifestement irrecevable, le président de la Cour de réexamen peut la rejeter par une ordonnance motivée non susceptible de recours (Code de l’organisation judiciaire : L.452-4).
Le parquet général près la Cour de cassation assure les fonctions du ministère public devant la formation de jugement. Ne peuvent siéger au sein de la formation de jugement ou y exercer les fonctions du ministère public les magistrats qui, dans l’affaire soumise à la Cour de réexamen, ont, au sein d’autres juridictions, soit assuré les fonctions du ministère public, soit participé à une décision sur le fond (Code de l’organisation judiciaire : L.452-5).
La Cour de réexamen rejette la demande si elle l’estime mal fondée. Si elle estime la demande fondée, elle annule la décision mentionnée à l’article L.452-1, sauf lorsqu’il est fait droit à une demande en réexamen du pourvoi du requérant (Code de l’organisation judiciaire : L.452-6).
La Cour de réexamen renvoie le requérant devant une juridiction de même ordre et de même degré, autre que celle qui a rendu la décision annulée. Toutefois, si le réexamen du pourvoi du requérant, dans des conditions conformes à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, est de nature à remédier à la violation constatée par la Cour européenne des droits de l’homme, elle renvoie le requérant devant l’assemblée plénière de la Cour de cassation.
Ces dispositions sur le réexamen en matière civile entreront en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État et au plus tard le 18 mai 2017 (six mois après la promulgation de la loi). Des dispositions transitoires sont prévues par la loi pour les demandes de réexamen présentées et motivées à l’appui d’une décision rendue avant cette date par la Cour européenne des droits de l’homme (art. 42 III).
Les décisions du Comité des ministres du Conseil de l’Europe rendues, après une décision de la Commission européenne des droits de l’homme, en application de l’article 32 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ou du paragraphe 6 de l’article 5 de son protocole n° 11, sont assimilés aux décisions de la Cour européenne des droits de l’homme.
Ouverture du recours pénal aux fondations reconnues d’utilité publique (art. 43 / Code de procédure pénale : art. 2-1 à 2-6, 2-8 à 2-23 et 807 / Code du patrimoine : L.114-6 / Code de l’urbanisme : L.480-4)
La loi de modernisation de la justice du XXIème siècle ouvre la possibilité aux fondations reconnues d’utilité publiques d’exercer les droits de parties civiles (CPC : art. 2-1 à 6 et 2-8 à 2-23), y compris pour certaines infractions relevant du Code de l’urbanisme (L.451-3) lorsqu’elles causent un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs que la fondation a pour objet de défendre (CU : L.480-4).
Une fondation reconnue d'utilité publique est une association dont l’objet est la gestion, le plus souvent sur le long terme, d’un patrimoine important afin de réaliser une mission d'intérêt général. Son fonctionnement est réglementé et contrôlé de façon très précise.
Cette mesure est applicable depuis le 20 novembre 2016.
Recentrer les juridictions sur leurs missions essentielles (titre IV)
Successions (art. 44 à 47 / Code civil : art. 788, 804, 809-1, 1007, 1030-2)
Le rôle du notaire est renforcé lorsque le testateur n’a pas d’héritiers réservataires. Le notaire doit vérifier les conditions de la saisine du légataire au regard du caractère universel de sa vocation et de l’absence d’héritiers réservataires. Il doit porter la mention de ces vérifications sur le procès-verbal d'ouverture et d’état du testament (Code civil : art. 1007 et abrogation de l’art. 1008). Le procès-verbal est adressé au greffier du tribunal de grande instance.
Dans le mois suivant la réception de ce procès-verbal, tout intéressé pourra s’opposer à l’exercice de ses droits par le légataire universel. En cas d’opposition, ce légataire se fera envoyer en possession (il s’agit d’une requête formulée devant le tribunal de grande instance afin d’opérer un contrôle judiciaire de la validité apparente des dispositions du legs et permettre au légataire d’entrer en possession effectivement des biens légués par testament). Les modalités d’application seront déterminées par décret en Conseil d’État.
Une modification sur les modalités de renonciation à une succession est également apportée. Pour être opposable aux tiers, cette renonciation doit être adressée ou déposée au tribunal dans le ressort duquel la succession s'est ouverte. Cette renonciation peut désormais être réalisée devant le notaire qui doit en adresser la copie au tribunal dans le ressort duquel la succession s’est ouverte dans le mois suivant la renonciation (Code civil : art. 804).
Ces mesures sont applicables depuis le 20 novembre 2016 sauf celles concernant l’opposition à l’exercice des droits du légataire universel par tout intéressé pour laquelle un décret doit être publié.
Droit de la famille (unions et séparations) (art. 48 à 50)
PACS (art. 48 / Code civil: art. 461, 462, 515-3, 515-3-1)
La conclusion et la rupture du Pacte civil de solidarité (PACS) relève désormais de la compétence de l’officier de l’état civil et non plus du greffe du tribunal d’instance (Code civil : art. 461, 462 et 513-3).
Les personnes qui concluent un PACS doivent ainsi faire leur déclaration conjointe devant l’officier de l’état civil de la commune dans laquelle elles fixent leur résidence commune ou, en cas d’empêchement grave à la fixation de celle-ci, devant l’officier de l’état civil de la commune où se trouve la résidence de l’une des parties. La convention passée entre les futurs partenaires doit, désormais, être portée à la connaissance de l’officier de l’état civil afin qu’il y apporte son visa sous peine d’irrecevabilité (Code civil : art. 515-3).
Pour les personnes de nationalité étrangère nées à l'étranger, cette information est portée non plus sur le registre tenu au greffe du tribunal de grande instance de Paris mais au service central d’état civil du ministère des affaires étrangères (Code civil : art. 515-3-1).
Cette mesure s’appliquera aux PACS conclus à partir du 1er novembre 2017, sous réserve de la publication d’un décret en Conseil d’État en définissant les modalités d’application.
Il est, en outre, applicable aux déclarations de modification et de dissolution des PACS enregistrés avant la date prévue au premier alinéa du présent IV par les greffes des tribunaux d'instance. Ces déclarations sont remises ou adressées à l'officier de l'état civil de la commune du lieu du greffe du tribunal d'instance qui a procédé à l'enregistrement du PACS.
Mariage (art. 49 et 50 / CGCT : L.2131-30-1)
Célébration du mariage
Le mariage peut être célébré sur décision du maire dans tout bâtiment communal situé sur le territoire de la commune, autre que celui de la mairie. Le procureur de la République a la possibilité de s’opposer à cette décision (Code général des collectivités territoriales : L.2121-30-1). Il veille également à ce que la décision du maire garantisse les conditions d’une célébration solennelle, publique et républicaine. Il s’assure également que les conditions relatives à la bonne tenue de l’état civil sont satisfaites (Code général des collectivités territoriales : L.2121-30-1).
Cette mesure a pour objet de donner un fondement législatif à la possibilité de célébrer des mariages dans des annexes de la mairie, auparavant les maires accordaient cette dérogation sur la base d’une instruction générale.
Cette mesure s’appliquera à partir du 1er janvier 2017, sous réserve de la publication d’un décret fixant les conditions d’information et d’opposition du procureur de la République.
Divorce (Code civil : art. 229-1 et suivants, 247, 260 / Loi du 10.7.91 : art. 10)
Les modalités pour divorcer sont également modifiées : désormais, les époux peuvent divorcer par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire.
Une nouvelle partie intitulée « Du divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée » est inséré dans le Code civil aux articles 229-1 et suivants.
La procédure est la suivante : lorsque les époux s’entendent sur la rupture du mariage et ses effets, ils constatent, assistés chacun par un avocat, leur accord dans une convention prenant la forme d’un acte sous signature privée contresigné par leurs avocats. Cette convention est déposée au rang des minutes d’un notaire, qui contrôle le respect des exigences formelles prévues au Code Civil (art. 229-3 1° à 6°). En effet, la convention doit comporter expressément, sous peine de nullité certaines informations comme l’identité des parties (nom, prénom, profession, nationalité, …), l’accord des époux sur le divorce, les modalités de règlement complet des effets du divorce, état liquidatif, … (Code civil : art. 229-3).
L’avocat adresse ensuite à l’époux qu’il assiste, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, un projet de convention, qui ne peut être signé, à peine de nullité, avant l’expiration d’un délai de réflexion d’une durée de quinze jours à compter de la réception. Ce dépôt donne ses effets à la convention en lui conférant date certaine et force exécutoire. Le notaire vérifie également le respect de ce délai de réflexion de quinze jours qui part à compter de la réception de la convention.
Le recours à cette nouvelle procédure de divorce n’est pas possible lorsque l’enfant mineur, informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge, demande à être auditionné par ce dernier ou, lorsque l’un des époux se trouve placé sous protection juridique des majeurs (curatelle, sauvegarde de justice, tutelle).
Les époux peuvent modifier le fondement de la demande en divorce, à tout moment de la procédure (Code civil : art. 247).
Le mariage est dissous par la convention de divorce conclue par acte sous signature privée contresigné par avocats, à la date à laquelle elle acquiert force exécutoire ou par la décision qui prononce le divorce, à la date à laquelle elle prend force de chose jugée (Code Civil : art. 260).
L’aide juridictionnelle peut être accordée à l’un ou l’autre des époux qui engage une procédure de divorce selon cette forme simplifiée (loi n° 91-647 du 10.7.91 relative à l’aide juridique : art. 10). Lorsque le bénéficiaire de l’aide juridictionnelle renonce à divorcer selon cette procédure, son montant est déterminé selon l’état d’avancement de la procédure.
De même si les époux reviennent sur leur engagement, le versement de la rétribution due à l’avocat, dont le montant est fixé par décret en Conseil d’État, est subordonné à la justification, avant l’expiration du délai de six mois à compter de la décision d’admission, de l’importance et du sérieux des diligences accomplies par cet avocat.
Lorsqu’une instance est engagée après l’échec de la procédure de divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire, la rétribution versée à l’avocat à raison des diligences accomplies durant ladite procédure s’impute, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, sur celle qui lui est due pour l’instance (loi n° 91-647 du 10.7.91 relative à l’aide juridique : art. 39-1).
Cette mesure s’appliquera à partir du 1er janvier 2017, sous réserve de la publication d’un décret fixant en fixant les modalités d’application.
Suppression de l’homologation judiciaire des décisions de la commission de surendettement (art. 58 et 103 / Code de la consommation : Livre VII)
La loi supprime l’homologation judiciaire des décisions des commissions de surendettement touchant à « la substance même des créances » c’est-à-dire les mesures visant à l’effacement partiel ou total de dettes (dans le cadre d’un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire) et à la réduction du solde du prêt immobilier.
Actuellement, ces mesures sont recommandées par la commission de surendettement et n’acquièrent force exécutoire qu’après avoir été homologuées par le juge du tribunal d’instance.
À compter du 1er janvier 2018, la décision de la commission imposant un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire ou prononçant l’effacement partiel des dettes ou la réduction du solde du prêt sera immédiatement exécutoire. Elle pourra toutefois être contestée devant le juge du tribunal d’instance.
La loi renforce ainsi les moyens d’action de la commission qui peut déjà imposer certaines mesures : rééchelonnement, remise ou suspension de l’exigibilité des créances. Elle permet par ailleurs de désengorger les tribunaux qui homologuent actuellement 98% des recommandations des commissions.
Ces nouvelles dispositions entreront en vigueur le 1er janvier 2018. Elles s’appliqueront aux procédures de surendettement en cours à cette date, sauf lorsque le juge d’instance aura été saisi par la commission aux fins d’homologation. Dans ce cas, l’affaire sera poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne.
Par ailleurs, l’article 103 modifie la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation (dite « loi Hamon ») s’agissant de la mise en œuvre de la réduction de 8 à 7 ans de la durée maximale des plans de surendettement applicable depuis le 1er juillet 2016. Le critère d’application de la loi nouvelle aux procédures en cours devient celui de la date de saisine du juge par la commission de surendettement (en remplacement du critère de la recevabilité du dossier). Si le juge est saisi avant la date d’entrée en vigueur de la loi, il statue conformément à la loi ancienne, y compris si sa décision intervient après le 1er juillet 2016.
Dispositions relatives au changement irrégulier d’usage d’un local (art. 59/ CCH : L.651-2)
L’article 59 modifie les dispositions relatives à la sanction d’un changement d’usage irrégulier d’un local. Pour mémoire « le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens du présent article » (CCH : L.631-7).
Dans certaines communes (communes de plus de 200.000 habitants, des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne notamment), le changement d’usage d’un local doit faire l’objet d’une autorisation préalable délivré par la commune.
On notera qu’à Paris1, il existe un régime d’autorisation préalable avec compensation. La compensation consiste en la transformation en habitation de locaux ayant un autre usage. Toute surface à usage d’habitation supprimée doit être compensée, c’est-à-dire « recréée ».
NB : des règles particulières existent selon les arrondissements notamment dans les « secteurs de compensation renforcée ».
Le non-respect de la procédure d’autorisation de changement d’usage est sanctionnée par (CCH : L.651-2):
- une amende civile prononcée par le président du tribunal de grande du lieu de l’immeuble ;
- une astreinte : le président du tribunal ordonne le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation dans un délai qu'il fixe. A l'expiration du délai, il prononce une astreinte d'un montant maximal de 1 000 euros par jour et par mètre carré utile des locaux irrégulièrement transformés.
Les produits de l’amende et de l’astreinte sont intégralement versés à la commune dans laquelle est situé l'immeuble.
La loi de modernisation de la justice du XXIème siècle donne compétence aux maires et à l'Anah pour engager ces procédures, en qualité de partie principale, rôle qui incombait auparavant au ministère public. Le ministère public, informé de la procédure et partie jointe à cette dernière, demeure compétent pour solliciter le prononcé de l’amende civile.
Le montant maximal de l’amende est par ailleurs augmenté passant de 25 000 à 50 000 euros.
Ces dispositions s’appliquent depuis le 20 novembre 2016.
1 - Règlement municipal fixant les conditions de délivrance des autorisations de changement d’usage de locaux d’habitation et déterminant les compensations en application de la section 2 du chapitre 1er du titre III du livre VI du Code de la construction et de l’habitation
Action de groupe (titre V : art. 60 à 85 et 89 à 92)
La loi de modernisation de la justice du XXIème siècle ouvre l’action de groupe à de nouveaux domaines.
Initialement, la possibilité de recourir à une action de groupe a été introduite dans le Code de la consommation par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation et précisée par le décret du 24 septembre 2014. Elle permet à des consommateurs, victimes d’un même préjudice de la part d’un professionnel, de se regrouper et d’agir en justice en missionnant une association de défense de consommateurs. Cette action vise à obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs placés dans une situation similaire ou identique et ayant une cause commune (manquement d’un ou des mêmes professionnels à leurs obligations légales ou contractuelles à l’occasion de la vente de biens ou la fourniture de services ou lorsque ces préjudices résultent de pratiques anticoncurrentielles).
Ensuite, la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a introduit une action de groupe en matière de santé. Ses modalités de mise en œuvre sont précisées par le décret n° 2016-1249 du 26 septembre 2016.
La présente loi crée un cadre légal commun aux actions de groupe en matière judiciaire et administrative.
Action devant le juge judiciaire (art. 60 à 74 /Code de l’organisation judiciaire : L.211-9-2)
Sous réserve des dispositions particulières prévues pour chacune des actions, les règles de procédures pour les actions de groupe devant le juge judiciaire sont les mêmes dans cinq domaines : la santé, les discriminations en général, les discriminations au travail, l’environnement et les données personnelles numériques. Les règles prévues au Code de procédure civile s’appliquent pour introduire ces actions devant le tribunal de grande instance.
La définition introduite dans le Code de la consommation à l’article L.623-1 par la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation est reprise en partie et l’action de groupe pour ces matières est définie de la manière suivante: « lorsque plusieurs personnes placées dans une situation similaire subissent un dommage causé par une même personne, ayant pour cause commune un manquement de même nature à ses obligations légales ou contractuelles, une action de groupe peut être exercée en justice au vu des cas individuels présentés par le demandeur. Cette action peut être exercée en vue soit de la cessation du manquement mentionné au premier alinéa, soit de l’engagement de la responsabilité de la personne ayant causé le dommage afin d’obtenir la réparation des préjudices subis, soit de ces deux fins ».
Le déroulement de la procédure est similaire à celui prévu en matière de consommation : exercice de l’action par des associations agréées, rôle du juge statuant sur la responsabilité du défendeur, définition du groupe… Une différence est à souligner, celle de la mise en demeure préalable de la personne mise en cause. En effet, l’action de groupe ne peut être introduite dans les cinq domaines cités qu’après l’expiration d’un délai de 4 mois à compter de la réception de la mise en demeure de cesser ou de faire cesser le manquement ou de réparer les préjudices subis.
Action devant le juge administratif (art. 85 et suivants / CJA : L.77-10-1)
Le titre VII du livre VII du Code de justice administrative (CJA) est complété par un chapitre X qui reprend les règles en matière d’action de groupe : objet de l’action, qualité pour agir et introduction de l’instance.
Des dispositions particulières sont prévues en matière environnementale.
Action de groupe en matière de discrimination (article 86 / loi du 27.5.08 : art. 1er, 2, 4, 10 et 11 / Code pénal : art. 225-1 et 225-3)
L’article 86 ouvre l’action de groupe en matière de discrimination (une action individuelle existe déjà) et modifie la définition de la notion de discrimination contenue dans la loi du 27 mai 2008.
Une association régulièrement déclarée depuis cinq ans au moins intervenant dans la lutte contre les discriminations ou œuvrant dans le domaine du handicap ou dont l’objet statutaire comporte la défense d’un intérêt lésé par la discrimination en cause pourra agir devant une juridiction civile ou administrative afin d’établir que plusieurs personnes physiques font l’objet d’une discrimination directe ou indirecte, au sens de la loi du 27 mai 2008.
La nouvelle action de groupe en matière de discrimination vise à la cessation du manquement et, le cas échéant, en cas de manquement, à la réparation des préjudices subis.
Par ailleurs, la loi de modernisation de la justice du XXIème siècle ajoute de nouveaux motifs permettant de qualifier une discrimination directe : l’identité de genre (au lieu de l’identité sexuelle), la perte d’autonomie et la capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.
Ainsi, au sens de la loi, constitue dorénavant une discrimination directe « la situation dans laquelle, sur le fondement de son origine, de son sexe, de sa situation de famille, de sa grossesse, de son apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son patronyme, de son lieu de résidence, de son état de santé, de sa perte d’autonomie, de son handicap, de ses caractéristiques génétiques, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable ».
À noter : l’article 225-1 du Code pénal est modifié dans le même sens. Pour mémoire, l’article 1er de la loi du 6 juillet 1989 prévoit qu’« aucune personne ne peut se voir refuser la location d’un logement pour un motif discriminatoire défini à l’article L. 225-1 du Code pénal ». La discrimination, lorsqu’elle consiste par exemple à refuser la fourniture d'un bien ou d'un service est punie de trois ans d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende (Code pénal : 225-2).
Action en reconnaissance de droits (titre VI : art. 93 / CJA : L.77-12-1 à L.77-12-5)
Le titre VI de la loi, composé d’un article unique, est consacré à l’action en reconnaissance de droits.
L’action en reconnaissance de droits a été introduite dans le projet de loi au cours des débats parlementaires sur proposition du Sénat afin de compléter le dispositif de l’action de groupe dans le domaine du contentieux administratif et en permettre un traitement plus efficace.
Le Défenseur des droits, auditionné par les rapporteurs de la commission des lois de l’Assemblée Nationale, a émis le 7 avril 2016 un avis (voir) dans lequel il estime que «l’introduction d’une telle procédure pourrait revêtir une grande utilité pour certains justiciables pour lesquels une action de groupe (…) n’est pas ouverte ou n’apparaît pas adaptée du fait de la complexité de la procédure.»
La procédure d’action en reconnaissance de droits a été introduite dans le Code de justice administrative avec un chapitre XII, composé de cinq articles (CJA : L.77-12-1 à L.77-12-5).
Définition (CJA : L.77-12-1)
L’action en reconnaissance de droits permet à une association régulièrement déclarée ou à un syndicat professionnel régulièrement constitué de déposer une requête tendant à la reconnaissance de droits individuels résultant de l’application de la loi ou du règlement en faveur d’un groupe indéterminé de personnes ayant le même intérêt (groupe d’intérêt), à la condition que leur objet statutaire comporte la défense dudit intérêt.
Elle permet le paiement d’une dette ou la décharge d’une somme d’argent illégalement réclamée. Elle ne peut tendre à la reconnaissance d’un préjudice.
En pratique, cette action pourrait notamment être utilisée dans des litiges concernant la fonction publique et la fiscalité.
Procédure (CJA : L.77-12-2)
La présentation d’une action en reconnaissance de droits interrompt, à l’égard de chacune des personnes susceptibles de se prévaloir des droits dont la reconnaissance est demandée, les prescriptions et forclusions édictées par les lois et règlements en vigueur, sous réserve qu’à la date d’enregistrement de la requête, sa créance ne soit pas déjà prescrite ou son action forclose.
Un nouveau délai de prescription ou de forclusion court, dans les conditions prévues par les dispositions législatives et réglementaires applicables, à compter de la publication de la décision statuant sur l’action collective passée en force de chose jugée. Les modalités de cette publication sont définies par décret en Conseil d’État.
Postérieurement à cette publication, l’introduction d’une nouvelle action en reconnaissance de droits, quel qu’en soit l’auteur, n’interrompt pas, de nouveau, les délais de prescription et de forclusion.
Prérogatives du juge (CJA : L.77-12-3)
Le juge qui fait droit à l’action en reconnaissance de droits détermine les conditions de droit et de fait auxquelles est subordonnée la reconnaissance des droits. S’il lui apparaît que la reconnaissance de ces droits emporte des conséquences manifestement excessives pour les divers intérêts publics ou privés en présence, il peut déterminer les effets dans le temps de cette reconnaissance.
Toute personne qui remplit ces conditions de droit et de fait peut, sous réserve que sa créance ne soit pas prescrite ou son action forclose, se prévaloir, devant toute autorité administrative ou juridictionnelle, des droits reconnus par la décision ainsi passée en force de chose jugée.
L’autorité de chose jugée attachée à cette décision est soulevée d’office par le juge.
Appel d’un jugement en reconnaissance de droits (CJA : L.77-12-4)
L’appel formé contre un jugement faisant droit à une action en reconnaissance de droits a un effet suspensif.
Une cour administrative d’appel peut connaître, en premier ressort, d’une action en reconnaissance de droits, dans le cas où elle est déjà saisie d’une requête dirigée contre un jugement rendu par un tribunal administratif sur une action en reconnaissance de droits ayant le même objet.
Inexécution d’une décision en reconnaissance de droits (CJA : L.77-12-5)
En cas d’inexécution d’une décision faisant droit à une action en reconnaissance de droits, toute personne qui estime être en droit de se prévaloir de cette décision peut demander au juge de l’exécution d’enjoindre à l’autorité compétente de prendre les mesures d’exécution qu’implique, à son égard, cette décision, après en avoir déterminé, s’il y a lieu, les modalités particulières.
Le juge peut fixer un délai d’exécution et prononcer une astreinte, dans les conditions prévues au livre IX. Il peut également infliger une amende à la personne morale de droit public ou à l’organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public intéressé, dont le montant ne peut excéder une somme déterminée par décret en Conseil d’État.
Publicité foncière (titre VIII : art. 102 / Décret du 4.1.55)
L’article 5 du décret du 4 janvier 1955 indique que « tout acte ou décision judiciaire sujet à publicité dans un service chargé de la publicité foncière doit contenir les nom, prénoms dans l'ordre de l'état civil, domicile, date et lieu de naissance et profession des parties, ainsi que le nom de leur conjoint. ». Il précise par ailleurs les personnes habilitées à certifier les mentions devant être contenues dans tout acte ou décision judiciaire sujet à publicité foncière.
La loi ajoute les avocats à la liste de ces personnes (parmi lesquelles figurent déjà les notaires, huissiers de justice, administrateurs ou autorités administratives). Elle supprime par ailleurs la référence aux « syndic(s) de faillite ».
Il est par ailleurs ajouté que « les avocats sont habilités à procéder aux formalités de publicité foncière, pour les actes prévus au dernier alinéa de l’article 710-1 du Code civil2, pour les actes dressés par eux ou avec leur concours.
2 - Il s’agit « des assignations en justice, des commandements valant saisie, des différents actes de procédure qui s'y rattachent et des jugements d'adjudication, des documents portant limitation administrative au droit de propriété ou portant servitude administrative, des procès-verbaux établis par le service du cadastre, des documents d'arpentage établis par un géomètre et des modifications provenant de décisions administratives ou d'événements naturels ».
Procédure simplifiée de recouvrement des petites créances (art. 105 / Code des procédures civiles d’exécution : L.111-3)
La procédure de recouvrement simplifié des petites créances a été créée par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité, et l’égalité des chances économiques (art. 208). Elle a pour objectif de permettre, depuis le 1er juin 2016, le règlement d’une dette de moins de 4 000 € avec l’accord des parties et l’intervention d’un huissier de justice (voir analyse juridique n°2016-12 « Procédure simplifiée de recouvrement des créances inférieures à 4 000 € »).
La loi de modernisation de la justice du XXIème siècle apporte une correction au dispositif en supprimant la nécessité d’une homologation par un huissier de l’accord intervenu entre le créancier et le débiteur sur le montant et les modalités du paiement de la dette.
Cet accord constitue un titre exécutoire permettant à un huissier de mettre en œuvre des mesures de d’exécution forcée pour en obtenir le paiement, comme une saisie sur salaire ou sur les meubles du débiteur.
Cette mesure entre en vigueur à partir du 20 novembre 2016.
Habilitations à prendre des mesures par ordonnance (art. 109 I 5°)
La loi autorise le Gouvernement à prendre des ordonnances dans les 18 mois qui suivent la promulgation de la loi, soit avant le 18 mai 2018.
Cette habilitation porte sur certains domaines du droit, notamment sur la réglementation de la profession d’avocats.
L’ordonnance aura pour objectif de définir, d’une part, les conditions dans lesquelles les avocats inscrits aux barreaux d’États non membres de l’Union européenne, liés à celle-ci par un traité international le prévoyant, pourront être autorisés à donner des consultations juridiques et à rédiger des actes sous seing privé pour autrui en droit international et en droit étranger et, d’autre part, les modalités d’exercice de ces activités.
Le projet de loi de ratification de l’ordonnance devra être déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de sa publication au Journal officiel.
Le Conseil Constitutionnel a censuré la seconde habilitation qui concerne la formation professionnelle et les voies d’accès à la profession d’avocat, en raison du caractère contraire à la Constitution de la procédure d’adoption (voir points 87 à 89 de la décision du 17.11.16).
Ratification et modification de l’ordonnance portant simplification du droit de la famille (art. 111)
La loi ratifie l’ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 portant simplification et modernisation du droit de la famille (lire Habitat Actualité n° 147).
Elle modifie également à la marge le dispositif sur l’habilitation familiale créé par l’ordonnance du 15 octobre 2015, en ouvrant au conjoint la possibilité de demander au juge des tutelles de représenter son époux hors d’état manifester sa volonté dans les actes de la vie courantes (Code civil : art. 494-1 et 494-2).
Lire également la décision du conseil constitutionnel n° 2016-739 DC du 17 novembre 2016