Procédure devant le juge des contentieux de la protection : les étapes avant une expulsion
Des échanges entre le bailleur et le locataire peuvent être engager pour trouver une solution amiable au règlement d’une dette de loyer ou de charges. Il est possible de faire appel à un conciliateur de justice pour faciliter la formalisation d’un accord.).
Le bailleur peut décider d’entamer une procédure devant le juge des contentieux de la protection qui se déroule en plusieurs étapes et peut aboutir à la résiliation du bail et à l’expulsion du locataire.
La clause résolutoire
Le bail (habitation à titre de résidence principale) doit prévoir une clause de résiliation de plein droit pour non-paiement de loyer, des charges ou non-versement du dépôt de garantie. Lorsqu’elle est mise en œuvre par un commandement de payer, elle ouvre un délai :
- permettant au locataire de régulariser sa dette ;
- interdisant au bailleur de saisir le juge.
Ce délai est de :
- six semaines pour les baux conclus, reconduits ou renouvelés depuis le 29 juillet 2023 ;
- deux mois dans les baux antérieurs.
Le commandement de payer
Un commandement de payer peut être adressé au locataire par un commissaire de justice.
Le commandement de payer doit obligatoirement mentionner, notamment :
- le décompte de la dette ;
- le délai légal laissé au locataire pour régler sa dette ;
- le montant mensuel du loyer et des charges ;
- l'avertissement qu'à défaut de paiement ou d'avoir demandé des délais de paiement, le locataire s'expose à une procédure de résiliation du bail et à l'expulsion ;
- la possibilité de demander au juge des délais de paiement ;
- la possibilité de saisir le FSL (Fonds de solidarité pour le logement) et ses coordonnées, etc.
Le commissaire de justice signale le commandement de payer à la Commission de coordination de prévention des expulsions (CCAPEX), lorsqu’il existe un impayé (de loyer ou de charges) sans interruption depuis deux mois ou lorsque la dette (de loyer ou de charges) est égale à deux fois le montant du loyers (hors charges). Il lui précise les coordonnées téléphoniques et électroniques et la situation socio-économique des occupants.
Il est important de réagir dès réception de ce document qui peut annoncer le déclenchement d’une procédure d'expulsion.
Soit le locataire est en capacité de payer sa dette dans le délai légal, soit il doit mobiliser les dispositifs d’accompagnement ou d’aides afin de solliciter un appui pour le règlement de sa dette (exemple : le Fonds de solidarité pour le logement). Il peut également saisir le juge pour solliciter un maintien dans le logement (c’est-à-dire la suspension des effets de la clause résolutoire) et l’octroi de délais de paiement (jusqu’à trois ans).
La suspension des effets de la clause résolutoire peut être sollicitée par le bailleur ou par le locataire. Il est donc important que ce dernier soit présent à l’audience pour la demander au juge.
Pour cela, le locataire devra justifier avoir repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience.
Cette suspension prend fin dès le premier impayé ou dès lors que le locataire ne se libère pas de sa dette dans les conditions prévues par le juge.
Le juge peut également accorder des délais de paiement au locataire, lorsqu’il est en situation de régler sa dette locative et qu’il a repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience. Ces délais peuvent également être accordés d’office ou à la demande du bailleur. Le préfet est dans l’obligation d’informer le locataire de son droit de demander au juge des délais de paiement.
L’assignation
Une assignation à comparaître devant le juge des contentieux de la protection marque la première démarche judiciaire du bailleur. Elle est délivrée par un commissaire de justice. Elle convoque le locataire à se présenter à une audience qui aura lieu dans un délai de six semaines minimum après la réception de l’assignation. Ce délai doit être mis à profit pour entamer les démarches visant à trouver une solution (mobilisation des aides, recherche de logement, etc.).
Cette assignation est accompagnée d’un document d’information qui mentionne la possibilité de saisir le bureau de l'aide juridictionnelle et les acteurs locaux de la prévention des expulsions.
Un diagnostic social et financier de la situation du locataire sera établi. Le préfet saisit l’opérateur compétent, afin qu’il réalise le diagnostic. Le locataire et le propriétaire peuvent présenter des observations écrites qui seront jointes au diagnostic. Ce dernier permet au juge de disposer d’éléments suffisants sur les ressources du locataire, ses charges, les causes de l’impayé et les solutions à l’apurement de la dette ou au relogement du locataire. Il est important de répondre rapidement à la demande du service chargé d’établir ce diagnostic social et financier destiné au juge.
Le DSF est transmis par l’opérateur à la CCAPEX avant l’expiration du délai de six semaines prévu entre l’assignation et l’audience
L’audience
Elle se déroule au tribunal des contentieux de la protection et permet au juge de prendre connaissance des arguments du bailleur et du locataire. Le jour de l’audience, il est indispensable de se présenter. En cas d’impossibilité à être présent, le locataire peut se faire représenter par un avocat ou un parent. Dans le cas contraire, le juge se prononce uniquement sur les arguments du bailleur et ne pourra donc, sauf à ce que le bailleur le demande, écarter l’application de la clause résolutoire, c’est-à-dire organiser un maintien dans le logement.
Sous certaines conditions, l’aide juridictionnelle peut aider le locataire à prendre en charge les frais de procédure. Renseignez-vous auprès de l’ADIL la plus proche de chez vous.
Lors d’un rendez-vous à l’ADIL, un conseiller informe gratuitement le locataire sur le déroulement de l’audience et sur les délais que peut accorder le juge (délais de paiement et délais pour quitter les lieux). Le jour de l’audience, le juge est à l’écoute du locataire et du bailleur.
Les règles de procédure imposent au locataire de remettre l’ensemble des pièces justificatives (qui seront numérotées et listées) avant l’audience au bailleur ou à son avocat par courrier. La même démarche sera faite par le bailleur. Ce dossier sera remis au juge.
La décision de justice
Le juge peut :
- suspendre les effets de la clause résolutoire à la demande du locataire ou du bailleur, c’est-à-dire organiser un maintien dans le logement ;
- accorder des délais de paiement dans la limite de 3 ans maximum, lorsque le locataire a repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience et qu’il est en mesure de régler sa dette locative. Dans ce cas, le locataire doit respecter le plan d’apurement prononcé par le juge, et continuer à payer le loyer courant. Dans le cas contraire, le bail sera résilié ;
- résilier immédiatement le bail, fixer les modalités du paiement de la dette (loyers et charges impayés, indemnités d’occupation, frais de procédure) et du départ du locataire, avec ou sans délai. Ce qui sera décidé par le juge est détaillé dans le jugement que le locataire reçoit par commissaire de justice après l’audience.
Si la décision condamne le locataire au paiement des sommes dues, résilie le bail et prononce l’expulsion du logement, un commandement de quitter les lieux lui sera délivré en même temps que le jugement ou quelque temps après.
Le commandement de quitter les lieux
L’expulsion ne peut être poursuivie qu’après la signification par le commissaire de justice à l’occupant d’un commandement à libérer les lieux. Elle ne peut avoir lieu qu'à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la signification de ce commandement.
Le juge peut réduire ou supprimer ce délai dans certains cas (par exemple en cas de mauvaise foi de la personne expulsée, ou si elle est entrée dans le logement à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte).
L’occupant doit trouver une solution de relogement en se renseignant auprès de son ADIL (recherche d’un logement dans le parc privé, demande de logement social en ligne ou auprès des organismes HLM, de la mairie ou d’Action Logement Services pour les salariés d’une entreprise privée) ; il peut également contacter les services sociaux (mairie, centre communal ou intercommunal d’action sociale, services sociaux du département) qui l’orienteront et l’aideront à mobiliser les solutions adaptées et les aides dont il peut bénéficier (exemple : le FSL). Ils pourront également l’aider à trouver un accueil dans une structure d’hébergement temporaire au besoin.
Si, entre temps, l’occupant peut régler l’intégralité de sa dette, une négociation peut être entamée avec le propriétaire bailleur, afin de signer un nouveau bail pour rester dans le logement et éviter l'expulsion.
Si l’occupant n’est pas en mesure d’accéder à un logement décent et indépendant par ses propres moyens ou de s’y maintenir, il peut saisir la commission de médiation DALO pour faire valoir son droit au logement opposable
L’occupant peut saisir le juge de l’exécution. En fonction de sa situation et de celle du propriétaire bailleur, il peut accorder un délai d’un mois à un an pour quitter le logement ("délai de grâce"). Cette possibilité est exclue dans certains cas (par exemple, lorsque ce dernier est de mauvaise foi ou lorsqu’il est entré dans les locaux à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte). Cette démarche peut se faire sans commissaire de justice et sans avocat (un modèle de lettre est disponible auprès de l’ADIL ou sur internet).
Après ces délais, si l’occupant n’a pas quitté le logement, l’expulsion peut intervenir.
Si l’occupant s’y oppose, le propriétaire bailleur doit demander le concours de la force publique pour procéder à l’expulsion. Par l’intermédiaire d’un commissaire de justice, il demande au préfet l’intervention de la police ou de la gendarmerie. Mais, en aucun cas, il n’a le droit de le forcer à quitter le logement sans avoir obtenu l'autorisation de recourir à la force publique.
Le locataire qui refuse de quitter le logement après une décision d’expulsion commet un délit (amende de 7.500 euros). Il peut être poursuivi par le bailleur, sauf s’il bénéficie de la trêve hivernale, s’il a demandé au juge un délai de grâce ou si le logement appartient à un bailleur social ou à une personne morale de droit public.
Le préfet doit répondre à la demande du bailleur de recourir à la force publique dans un délai de deux mois. S’il accepte, l’expulsion aura lieu. En cas d’absence de réponse ou de refus, la responsabilité de l’État peut être engagée.
Du 1er novembre au 31 mars, aucune expulsion ne peut intervenir. Toutefois cette trêve hivernale ne s’applique pas aux squatteurs occupants le domicile d’autrui ou un lieu autre que le domicile ou lorsque le relogement de la famille est assuré dans des conditions normales, ni au logement étudiant occupé sans satisfaire les conditions d’octroi et ni aux logements frappés d’un arrêté de péril.
Il est également possible en amont de la procédure et à tout moment de saisir la commission de surendettement.
De même, à chaque étape, la Commission de coordination des actions de prévention des expulsions (CCAPEX) est informée de la situation des locataires, et notamment, en cas de notification d’un commandement de payer par un commissaire de justice (lorsque l’impayé est sans interruption depuis deux mois ou lorsque la dette locative est égale à deux fois le montant du loyer mensuel (hors charges)). Elle regroupe l’ensemble des acteurs locaux engagés dans la prévention des expulsions, elle peut être saisie, notamment, par le locataire et le bailleur.
Le commissaire de justice chargé de l’expulsion transmet une copie du procès-verbal d’expulsion signifié ou remis à la personne expulsée, à la CCAPEX et au préfet.
Locataire du parc social : un dispositif spécifique prévoit la mise en place d’un protocole de cohésion sociale qui a pour effet de suspendre la procédure d’expulsion. Renseignez-vous auprès de votre ADIL.
Locataire du parc social : un dispositif spécifique prévoit la mise en place d’un protocole de cohésion sociale qui a pour effet de suspendre la procédure d’expulsion en contrepartie de la reprise du paiement du loyer et de l’apurement échelonné de la dette. Renseignez-vous auprès de votre ADIL.
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