Habitat indigne : note de jurisprudence sur le droit des occupants
À jour au 16 décembre 2016
Éléments de jurisprudence récente relative au droit des occupants en insalubrité ou péril
La jurisprudence relative au droit des occupants lorsque les logements ou les hôtels meublés font l’objet d’injonction, d’arrêtés d’insalubrité, de péril, de mesures de sécurité s’enrichit de nombreux jugements et arrêts qui donnent un éclairage utile sur l’application de ces nouveaux textes (CCH : L.521-1- et suivants).
Les bénéficiaires du droit à l'hébergement et au relogement
CCH : L.521-1 : « Pour l’application du présent chapitre, l’occupant est le titulaire d’un droit réel conférant l’usage, le locataire, le sous-locataire ou l’occupant de bonne foi des locaux à usage d’habitation et de locaux d’hébergement constituant son habitation principale…».
Les occupants sont les titulaires d’un droit réel conférant l’usage, les locataires, les sous-locataires, les occupants de bonne foi, les résidents des foyers et autres établissements d’hébergement (tel un hôtel meublé), dès lors que le logement constitue leur habitation principale.
Les tribunaux apportent les précisions suivantes sur la notion d’occupant :
- les résidents d’hôtels meublés pouvant justifier de quittances de «loyer» et d’occupation réelle des lieux à titre de résidence principale sont des occupants de bonne foi. Leur relogement doit être assuré par l’exploitant de l’hôtel meublé (Ordonnance de référé TI Marseille : 4.12.03, TI Marseille : 9.10.03, TI Paris XI° : 7.7.06, TI Paris XX° : 29.2.08, CA Paris : 17.9.08).
- la Cour de cassation a eu l’occasion de confirmer des arrêts ayant condamné les exploitants et propriétaires d’hôtels meublés à reloger les occupants dont le caractère de locataires ou d’occupants de bonne foi a été reconnu (Cass. Civ : 4.3.09, 16.12.09, Cass. Civ III : 4.11.09 en matière d’expropriation d’hôtels meublés).
Un locataire qui a reçu un congé régulier pour une date antérieure à la prise d’effet de l’arrêté bénéficie-t-il du droit au relogement prévu par les articles L.521-1 et suivants du CCH ?
Si dans les textes, la question semble recevoir une réponse négative (sauf détournement de procédure), les tribunaux ont pu en juger autrement.
Ainsi, des occupants depuis 23 ans d’un logement, sans incident de paiement, et auxquels un congé a été régulièrement adressé avant la signature d’un arrêté d’insalubrité irrémédiable (7 mois avant) ont été qualifiés d’occupants de bonne foi ayant droit au relogement à la charge de leur bailleur, étant entendu, par ailleurs, qu’aucune cause d’insalubrité ne pouvait leur être imputable (TI Douai : 23.2.07). Le juge a rappelé cette obligation au bailleur et a refusé d’ordonner leur expulsion.
La personne tenue d'assurer la charge du relogement ou de l'hébergement
CCH : L.521-1 : «Le propriétaire ou l'exploitant est tenu d'assurer le relogement ou l'hébergement des occupants ou de contribuer au coût correspondant dans les conditions prévues à l'article L.521-3-1 dans les cas suivants :
- lorsqu'un immeuble fait l'objet d'une déclaration d'insalubrité, d'une mise en demeure ou d'une injonction prise en application des articles L.1331-22, L.1331-23, L.1331-24, L.1331-25, L.1331-26-1 et L.1331-28 du code de la santé publique, si elle est assortie d'une interdiction d'habiter temporaire ou définitive ou si les travaux nécessaires pour remédier à l'insalubrité rendent temporairement le logement inhabitable ;
- lorsqu'un immeuble fait l'objet d'un arrêté de péril en application de l'article L.511-1 du présent code, si l'arrêté ordonne l'évacuation du bâtiment ou s'il est assorti d'une interdiction d'habiter ou encore si les travaux nécessaires pour mettre fin au péril rendent temporairement le logement inhabitable ;
- lorsqu'un établissement recevant du public utilisé aux fins d'hébergement fait l'objet de mesures destinées à faire cesser une situation d'insécurité en application de l'article L.123-3 ».
CCH : L.541-2 : « Lorsqu’un arrêté pris en application de l’article L.1331-28 du code de la santé publique ou des articles L.123-3, L.129-2 ou L.511-2 du présent code a été publié à la conservation des hypothèques ou au livre foncier, les propriétaires successifs qui ont acquis l’immeuble postérieurement à cette publicité sont solidairement tenus avec le propriétaire de l’immeuble à la date de l’arrêté du paiement des sommes résultants des mesures exécutées d’office et des frais d’hébergement ou de relogement des occupants ».
Lorsqu'un arrêté pris en application de l'article L.1331-28 du code de la santé publique ou des articles L.123-3 ou L.511-2 du présent code et portant sur un immeuble dans lequel est exploité, à la date de l'arrêté, un fonds de commerce aux fins d'hébergement, a été publié sur le registre public tenu au greffe du tribunal de commerce dans le ressort duquel le fonds est exploité, les exploitants successifs du même fonds dans les mêmes locaux postérieurement à cette publicité sont solidairement tenus avec l'exploitant du fonds à la date de l'arrêté du paiement des sommes résultant des mesures exécutées d'office et des frais d'hébergement ou de relogement des occupants».
CCH : L.541-3 : «…le propriétaire de l’immeuble et l’exploitant du fonds de commerce ainsi que leurs cessionnaires successifs visés à l’article L.541-2 sont solidairement tenus du paiement des sommes résultant des mesures exécutées d’office et des frais d’hébergement ou de relogement des occupants. Le propriétaire de l’immeuble et l’exploitant du fonds de commerce sont solidairement tenus à compter de la notification qui leur a été faite de l’arrêté par l’autorité administrative ».
Le bailleur, et non la collectivité, est tenu de l’obligation de relogement lorsque les travaux nécessaires pour remédier à l’insalubrité ou au péril rendent provisoirement inhabitable un logement
Dans une affaire de relogement lié à un péril imminent, le juge a débouté le bailleur de sa demande tendant à faire assurer par l’Etat le relogement des occupants et à le faire condamner pour le préjudice subi (Ordonnance de référé, TA Marseille : 2.8.04).
En hôtel meublé, la charge du relogement pèse indifféremment sur le propriétaire ou sur l’exploitant
La loi nouvelle (ordonnance du 15 décembre 2005) s’applique immédiatement aux effets à venir des situations juridiques non contractuelles en cours au moment où elle entre en vigueur. Sur pourvoi en cassation du propriétaire des murs d’un hôtel meublé, la Cour de cassation a confirmé cette analyse : «Attendu, d’autre part, que la Cour d’appel a retenu, à bon droit, qu’il résultait des articles L.521-1 et L.521-3-1 du code de la construction et de l’habitation tels que modifiés par l’ordonnance précitée, que l’obligation de relogement incombait indifféremment au propriétaire ou à l’exploitant et que la mairie de Saint-Denis ayant sollicité en vain la société exploitante pour qu’elle assure le relogement des occupants, ces derniers étaient fondés à saisir aux mêmes fins la SCI, également tenue d’assurer cette obligation...» (Cass. Civ III : 4.3.09, n°07-20.578).
Dans cette situation, tant l’arrêté de péril du 27 juillet 2005 que l’arrêté d’insalubrité du 14 décembre 2005, qui avaient donné naissance à l’obligation de reloger les locataires de l’immeuble concerné et étaient donc constitutifs de la situation juridique litigieuse, étaient antérieurs à la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance du 15 décembre 2005, soit le 17 décembre 2005.
L’obligation de relogement pèse sur l’acquéreur en cas de mutation d’un logement insalubre avec interdiction d’habiter
L’acquéreur d’un logement, lorsque celui-ci est sous arrêté d’insalubrité et d’interdiction d’habiter prend la qualité de bailleur et en assure les obligations dont celle de relogement. Dans le cas d’espèce, l’acquéreur avait connaissance de la situation ainsi que du bail en cours et avait déclaré faire son affaire de l’interdiction d’habiter (il s’était ainsi engagé à ne pas intenter d’action sur ce point contre le vendeur) : l’accord des parties n’est pas opposable au locataire. Les dommages et intérêts sont partagés entre le vendeur et l’acquéreur. Le juge rappelle également que le fait que le locataire perçoive une allocation logement ou que celle-ci soit perçue par un tiers payant est sans incidence sur les rapports contractuels liant le bailleur et son preneur, la caisse d’allocations familiales ne se substituant pas dans les rapports de ce dernier avec son bailleur (TI Douai : 8.3.06).
Une SEM n’a pas moins de devoir qu’un bailleur privé
La société d’économie d’une ville ayant racheté des logements insalubres sous interdiction définitive d’habiter a été condamnée à reloger les occupants. Pour justifier sa carence, la SEM se prévalait du défaut de titre de séjour des locataires ainsi que d’une convention passée avec une association pour assurer le relogement des requérants. Or, le juge releva que «les articles L.521-1-, L.521-2 et L.521-3 du code de la construction et de l’habitation n'imposent pas que le locataire soit titulaire d’un titre de séjour en cours de validité ni que le relogement soit effectué dans le parc de logements sociaux, que l’argument de la SEM aux termes duquel le relogement est impossible en raison de l’absence de titre de séjour des familles…ne saurait prospérer, d’autant que ceux-ci justifient être parents d’enfants nés en France, que l’existence d’associations diverses et variées et d’une convention signée avec l’Etat afin d’assurer le relogement des requérants dans le parc de logement social ne saurait dispenser le bailleur de son obligation de reloger qui, comme le relève fort justement les requérants, est une obligation de résultat et non de moyens», «…le fait que la SEM soit une émanation d’une volonté publique de la ville… de réhabiliter les anciens quartiers …ne saurait lui conférer moins de devoirs qu’un bailleur personne privée et qu’en acquérant des logements insalubres, la société Aménageur a pris la qualité de bailleur ainsi que toutes les obligations y afférant». Le tribunal a condamné la SEM à reloger les occupants sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans un délai de 15 jours (TI Marseille : 26.11.03).
Le bailleur devenu usufruitier
La charge pèse sur l’usufruitier, précédemment propriétaire de l’immeuble, seule personne ayant eu un lien de droit avec le locataire. Le bailleur, devenu usufruitier du bien en cours de bail, reste néanmoins tenu de son obligation de délivrance d’un logement décent. En effet, le démembrement de propriété ne modifie en rien ses rapports avec le locataire qui n’a de lien de droit qu’avec le bailleur. Dès lors, le bailleur usufruitier est tenu de réparer le trouble de jouissance découlant des grosses réparations, normalement à la charge du nu-propriétaire, comme des désordres provenant de la toiture et de l’installation électrique vétuste et non conforme (CA Bordeaux : 14.11.06).
Le gérant d’un hôtel meublé
L’obligation de relogement pèse sur un «logeur» qui loue un studio de 15m² (pseudo hôtel meublé) à un couple et ses trois enfants. La suroccupation est manifeste. L’hébergement de cette famille était pris en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE) s’agissant d’une chambre d’hôtel. En réalité, l’ASE avait été supprimée laissant à la charge de la famille un loyer (de 2 600 euros) qu’elle était dans l’incapacité de payer, ce qui avait conduit le bailleur à demander en référé son expulsion. Le préfet a pris un arrêté sur le fondement de l’article L.1331-23 du code de la santé publique prescrivant au logeur de mettre fin à la situation de suroccupation manifeste et lui rappelant l’obligation de relogement des occupants. Le juge a débouté le demandeur de son référé constatant une contestation sérieuse sur le titre d’occupation et se déclarant, en conséquence, incompétent. Il a cependant jugé qu’il ne pouvait être fait droit à la demande d’expulsion, le logeur étant tenu au relogement suite à l’arrêté préfectoral et le loyer étant suspendu à compter de la notification dudit arrêté (TI Paris XI° : 7.9.07).
Substitution de l'autorité publique
CCH : L.521-3-1 : «… A défaut, l'hébergement est assuré dans les conditions prévues à l'article L. 521-3-2. Son coût est mis à la charge du propriétaire ou de l'exploitant…
A défaut, l'hébergement est assuré dans les conditions prévues à l'article L.521-3-2. Son coût est mis à la charge du propriétaire ou de l'exploitant».
CCH : L.521-3-2 : « I . - Lorsqu'un arrêté de péril pris en application de l'article L.511-1 ou des prescriptions édictées en application de l'article L.123-3 sont accompagnés d'une interdiction temporaire ou définitive d'habiter et que le propriétaire ou l'exploitant n'a pas assuré l'hébergement ou le relogement des occupants, le maire prend les dispositions nécessaires pour les héberger ou les reloger.
II. - Lorsqu'une déclaration d'insalubrité, une mise en demeure ou une injonction prise sur le fondement des articles L.1331-22, L.1331-23, L.1331-24, L.1331-25, L.1331-26-1 et L.1331-28 du code de la santé publique est assortie d'une interdiction temporaire ou définitive d'habiter et que le propriétaire ou l'exploitant n'a pas assuré l'hébergement ou le relogement des occupants, le préfet, ou le maire s'il est délégataire de tout ou partie des réservations de logements en application de l'article L.441-1, prend les dispositions nécessaires pour héberger ou reloger les occupants, sous réserve des dispositions du III.
III. - Lorsque la déclaration d'insalubrité vise un immeuble situé dans une opération programmée d'amélioration de l'habitat prévue par l'article L.303-1 ou dans une opération d'aménagement au sens de l'article L.300-1 du code de l'urbanisme et que le propriétaire ou l'exploitant n'a pas assuré l'hébergement ou le relogement des occupants, la personne publique qui a pris l'initiative de l'opération prend les dispositions nécessaires à l'hébergement ou au relogement des occupants ….
V. - Si la commune assure, de façon occasionnelle ou en application d'une convention passée avec l'Etat, les obligations d'hébergement ou de relogement qui sont faites à celui-ci en cas de défaillance du propriétaire, elle est subrogée dans les droits de l'Etat pour le recouvrement de sa créance.
VI. - La créance résultant de la substitution de la collectivité publique aux propriétaires ou exploitants qui ne se conforment pas aux obligations d'hébergement et de relogement qui leur sont faites par le présent article est recouvrée soit comme en matière de contributions directes par la personne publique créancière, soit par l'émission par le maire ou le préfet d'un titre exécutoire au profit de l'organisme ayant assuré l'hébergement ou le relogement….»
Le maire, est tenu de se substituer, en cas de carence de l’exploitant ou du propriétaire d’un hôtel meublé, en cas de prescription de sécurité
Suite à l’édiction de mesures de sécurité, le maire est tenu d’assurer l’hébergement décent ou le relogement des occupants. La Cour d’appel de Paris a rappelé cette obligation légale à un maire en explicitant toutes les dispositions applicables, y compris les obligations de la commune en matière de travaux ainsi que les garanties dont elle dispose : «qu’en vertu des dispositions de l’article L.521-3-2 I du même code (CCH), lorsque des prescriptions édictées en vertu de l’article L.123-3 de ce code sont accompagnées d’une interdiction temporaire ou définitive d’habiter et que le propriétaire ou l’exploitant n’a pas assuré l’hébergement ou le relogement des occupants, le maire prend les dispositions nécessaires pour les héberger ou les reloger ;
Qu’il résulte de ce qui précède que les occupants de l’Hôtel de ... ont conservé leur titre d’occupation, sans obligation de s’acquitter d’un paiement, jusqu’au constat de réalisation des travaux nécessaires à mettre fin à la situation qui a conduit à la fermeture de cet hôtel, et que la Commune de ... peut procéder à la réalisation de ces travaux, et qu’elle est tenue, du fait de la carence du propriétaire et de l’exploitant, de proposer un relogement à ces occupants, correspondant à leur besoin ;
Considérant que la commune, en produisant les propositions litigieuses, ne démontre pas que ces offres qui ne comportent aucune indication d’adresse, à l’exception d’une seule, de durée ou de coût, pour toutes, répondraient aux besoins des occupants considérés, le premier besoin manifeste de ces occupants étant d’être relogés pendant la durée des travaux dont il n’est pas prétendu qu’ils ont été entrepris ou le seront, alors que l’appelant souligne le caractère provisoire de la fermeture de l’Hôtel de ...» (CA Paris : 16.12.09).
C’est, semble-t-il, la première décision confirmant, en appel, l’obligation d’une collectivité publique à assurer l’hébergement ou le relogement des occupants suite à la carence du propriétaire.
Dans le cadre d’une opération programmée d'amélioration de l'habitat, le maître d'ouvrage initiateur de l’opération, est tenu de se substituer au propriétaire défaillant
Lorsque la déclaration d'insalubrité vise un immeuble situé dans une OPAH (CCH : L.521-3-2 III) et que le propriétaire ou l'exploitant n'a pas assuré l'hébergement ou le relogement des occupants, la personne publique qui a pris l'initiative de l'opération prend les dispositions nécessaires à l'hébergement ou au relogement des occupants. En cas de défaillance du propriétaire ou de l'exploitant, l'établissement public intercommunal, maître d'ouvrage de l'opération programmée, doit donc assurer de manière opérationnelle le relogement des occupants du logement frappé d'insalubrité (Rép. Min : JO AN du 20.9.11).
Sanctions en cas de non hébergement ou non relogement de l’occupant par l’autorité publique
Au titre du Droit au logement opposable (DALO)
Après saisine de la commission de médiation sur le fondement du DALO, l’occupant vivant dans un logement suroccupé et impropre à l’habitation, a été désigné comme prioritaire et devant être relogé d’urgence. En l’absence de proposition de relogement, il à saisi alors le Tribunal administratif qui a enjoint au préfet d’assurer le relogement de l’intéressé et de sa famille. Cette décision n’a pas été suivie d’effet, et un recours a été formé devant la Cour administrative d’appel. Les juges ont décidé que l’absence de relogement et la non-exécution de la décision du Tribunal administratif ordonnant au préfet le relogement de l’occupant constituaient une carence fautive, de nature à engager la responsabilité de l’Etat. Le préfet a été ainsi condamné à verser une indemnité de 4 000 € à l’occupant au titre du non relogement dans le cadre du DALO (CAA Paris : 20.9.12).
A titre de l’habitat Indigne
Par ailleurs, si l’occupant n’a pas été relogé ou hébergé par l’autorité publique dans les délais suite à la défaillance du logeur, il peut alors saisir le juge administratif pour faire valoir ses droits et voir condamner la commune ou l’Etat à le reloger, éventuellement sous astreinte. Une décision du tribunal administratif de Melun va dans ce sens. Dans le cadre d’un arrêté d’insalubrité assorti d’une obligation de reloger les occupants et d’une défaillance du débiteur de l’obligation, le préfet a été condamné à prendre les mesures nécessaires pour assurer le relogement, cela dans un délai de 8 jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard. En l’espèce, le caractère urgent du relogement avait été déclaré, car les locataires souffraient de pathologies liées à l’insalubrité du logement et que leur état de santé continuait à s’aggraver (TA Melun : 30.5.12).
Les modalités de l'hébergement
CCH : L.521-3-1
«I. - Lorsqu'un immeuble fait l'objet d'une interdiction temporaire d'habiter ou d'utiliser ou que son évacuation est ordonnée en application de l'article L.511-3, le propriétaire ou l'exploitant est tenu d'assurer aux occupants un hébergement décent correspondant à leurs besoins.
A défaut, l'hébergement est assuré dans les conditions prévues à l'article L.521-3-2. Son coût est mis à la charge du propriétaire ou de l'exploitant.
Si un logement qui a fait l'objet d'une déclaration d'insalubrité au titre du II de l'article L.1331-28 du code de la santé publique est manifestement sur occupé, le propriétaire ou l'exploitant est tenu d'assurer l'hébergement des occupants jusqu'au terme des travaux prescrits pour remédier à l'insalubrité. A l'issue, leur relogement incombe au préfet ou au maire dans les conditions prévues à l'article L.521-3-2. En cas de défaillance du propriétaire ou de l'exploitant, le coût de l'hébergement est mis à sa charge.»
CCH : L.521-2 «III….Les occupants qui sont demeurés dans les lieux faute d'avoir reçu une offre de relogement conforme aux dispositions du II de l'article L.521-3-1 sont des occupants de bonne foi qui ne peuvent être expulsés de ce fait».
De nombreuses interrogations subsistent autour de la notion de l’hébergement : Quelle forme peut-il revêtir ? A quel moment l’intervention de la collectivité locale devient-elle possible1 ? Les tribunaux apportent quelques éléments de réponse à ces questions.
Le propriétaire est tenu d’assurer un hébergement décent
Le propriétaire est tenu, en cas d’interdiction temporaire d’habiter et d’utiliser les lieux, d’assurer l’hébergement décent des occupants, lequel doit correspondre à leurs besoins (CCH : L.521-3-1). Il y est également tenu pendant les travaux suite à un arrêté d’insalubrité remédiable.
L’hébergement d’une durée de 8 mois dans un hôtel classé économique n’est pas adapté aux besoins d’une famille.
«Les offres de relogement des preneurs ayant deux enfants dont l’un est âgé de 9 ans, en hôtels classés économiques, sans précisions sur les conditions exactes des prestations fournies, notamment pour la préparation des repas, ne correspondent pas aux besoins des occupants, pour des travaux devant durer huit mois et alors que le bailleur est, par ailleurs, propriétaire d’autres immeubles dans la même commune. Sauf meilleur accord des parties, il y a lieu d’ordonner au bailleur de notifier aux preneurs, trois offres de relogement, portant sur un appartement de quatre pièces au moins, meublé ou non meublé, répondant aux normes réglementaires et usuelles d’habitabilité. Ces offres devront contenir une description détaillée du logement ainsi que les prestations comprises dans le relogement temporaire». Enfin, observant que le bailleur qui avait coupé l’eau- rétablie par réquisition du maire- n’avait toujours pas exécuté la condamnation du premier juge à reloger un autre locataire, la cour a assorti sa décision d’une astreinte afin d’en garantir l’exécution. La cour souligne «cette réticence manifeste» (CA Paris : 5.11.03).
Le propriétaire doit être en mesure de faire la preuve des offres effectivement proposées
Un arrêté d’insalubrité remédiable, assorti de l’interdiction temporaire d’habitation et de toute utilisation à compter du départ des occupants, imposait aux propriétaires d’exécuter des travaux expressément mentionnés.
Les bailleurs ont fait valoir qu’ils n’ont pas pu faire exécuter certains travaux en raison du maintien dans les lieux de la locataire. Cependant, ne démontrant pas en quoi ils avaient proposé à leur locataire une solution d’hébergement adaptée dans l’attente de l’exécution des travaux restant à effectuer, ils ne pouvaient prétendre que l’impossibilité de les exécuter serait imputable à la faute de leur locataire. Ils ont été déboutés de leur demande en résiliation du bail fondée sur le seul motif que le locataire aurait toujours refusé les propositions d’hébergement (CA Douai : 10.6.10).
Le propriétaire est tenu de prendre en charge la totalité du coût de l’hébergement en cas d’interdiction temporaire d’habiter
En cas d’interdiction temporaire d’habiter, le coût de l’hébergement est mis à la charge du propriétaire ou de l’exploitant, tenu d’assurer l’hébergement temporaire de l’occupant.
Prise en charge par le propriétaire du loyer du logement temporaire
Dès lors qu’un arrêté prévoit une interdiction temporaire d’habiter, l’hébergement du locataire doit être assuré par le propriétaire, dans les conditions prévues à l’article L.521-1 du CCH : «Qu’en rejetant la demande de relogement au motif que Mme M n’avait pas les revenus suffisants pour supporter le loyer des logements que le propriétaire lui proposait, le tribunal a méconnu les dispositions de l’article L.521-1 du code de la construction et de l’habitation qui mettent à la charge du propriétaire l’obligation de contribuer au coût correspondant au relogement dans les conditions de l’article L.521-3-1» (CA Douai : 17.3.05).
Prise en charge par le propriétaire des charges du logement temporaire
Suite à un arrêté de péril, un locataire est relogé gratuitement dans un appartement, propriété du bailleur. Une clause du contrat précise le montant de charges locatives en sus, dont ne s’acquitte pas le locataire. Le bailleur saisit alors le tribunal d’instance qui le déboute de sa demande en paiement des charges et en résiliation de bail nonobstant la clause du bail. La cour d’appel confirme la décision de première instance : «rien dans la formulation des articles L.521-1 à L.521-3-1 du CCH ne permet de dire que le législateur a entendu faire supporter au bailleur le coût du loyer…L’obligation qui est mise à la charge de ce dernier est une obligation d’hébergement temporaire et non de relogement à la suite d’une interdiction définitive d’habiter ; le fait qu’un bailleur, qui donne en location un logement soumis à un arrêté de péril, soit tenu de mettre temporairement à la disposition de ses locataires un logement décent dont il assume le loyer et les charges est donc conforme aux textes susvisés qui stipulent, notamment, selon l’art. L.521-1» (CA Versailles : 13.9.05).
La première orientation donnée par les tribunaux est donc très favorable aux occupants puisque ceux-ci seraient déchargés de toute obligation financière liée à l’occupation d’un logement temporaire jusqu’à main levée de l’arrêté et ainsi jusqu’à l’offre de réintégrer le logement ayant fait l’objet de l’arrêté.
Une réserve cependant : les consommations liées à des abonnements individuels resteraient à la charge de l’occupant (eau, électricité, gaz, téléphone).
Le juge peut rappeler au bailleur l’obligation de reloger les occupants
Un bailleur a pu être condamné à reloger les occupants sous un délai de 15 jours et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard (TI Toulon : 9.1.08).
Un hébergement décent doit permettre le retour dans le logement après travaux
La portée de l’obligation d’hébergement a été précisée : «le courrier envoyé par le bailleur à l’Office Départemental HLM 93 ne constitue pas une offre ferme de relogement,...n’étant pas établie en application des dispositions spécifiques rappelées, ne garantit pas le droit au retour dans les lieux des locataires relogés, mais peut, au contraire constituer, contrairement à leur souhait, une renonciation à leur ancien bail» (CA Paris : 5.11.03).
Le locataire doit pouvoir réintégrer son logement après la levée de l’arrêté de police
Le retour dans les lieux est de droit. Cela a été rappelé, par ordonnance de référé, à un bailleur refusant le retour dans le logement après réalisation des travaux et hébergement temporaire de la locataire et de ses deux enfants (ordonnance sous astreinte de 80 euros par jour de retard pendant un mois, assistance de la force publique et d’un serrurier) (Ordonnance référé, TI Paris XIX° :18.7.07).
Le locataire est tenu de réintégrer son logement après levée de l’arrêté de police
Le locataire qui, après avoir été hébergé par son propriétaire suite à cet arrêté, n’a pas réintégré son logement suite à la levée de l’arrêté de péril dont il avait eu connaissance, l’affichage de cet arrêté, valant notification, ayant été régulièrement effectué, est tenu au paiement des loyers dus suite à la levée de cet arrêté. Il est expulsé du logement mis à sa disposition par le propriétaire dans le même immeuble et dans lequel il demeure, sans droit ni titre, et est redevable d’une indemnité d’occupation, suite au non-paiement des loyers, alors qu’il était tenu de réintégrer son logement (CA Paris : 12.9.06).
Qu’en est-il si le locataire se reloge ailleurs ou est relogé ? Quelle est l’obligation du bailleur ?
L’occupant perd-il ses droits à hébergement gratuit et à sa réintégration dans le premier logement après réalisation des travaux s’il contracte un nouveau bail sur un autre logement avec le même propriétaire ou un autre ?
En l’espèce, un incendie a contraint un maire à prendre un arrêté portant interdiction temporaire d’habiter le bien loué. Quelques jours après, le bailleur et le locataire concluent un nouveau contrat pour un nouveau logement. A la suite d’impayés sur le nouveau logement, le bailleur demande la résiliation du bail et l’expulsion du locataire.
La Cour de cassation a relevé que la cour d’appel avait fait une juste application des articles L.521-2 et L.521-3 du CCH prévoyant que la charge de l’hébergement incombait au bailleur en cas d’interdiction temporaire d’habiter en l’absence de renonciation expresse des locataires à ce droit, nonobstant le fait qu’ils avaient signé un autre contrat de bail (Cass. civ III : 3.2.10).
Pour mémoire, selon un principe jurisprudentiel constant, la renonciation à un droit n’est possible que si trois conditions sont réunies :
- la renonciation doit intervenir postérieurement à l’acquisition du droit ;
- la renonciation doit être certaine et non équivoque ;
- la renonciation doit intervenir en connaissance de cause.
Il convient donc d’être particulièrement attentif au respect de ce principe dans les négociations entre le bailleur (ou l’autorité administrative) et l’occupant pour la mise en œuvre des solutions d’hébergement et de relogement. En effet, même après son départ, l’occupant, qui n’a pas renoncé à son droit dans le respect de ce principe, peut demander à bénéficier des protections prévues par le CCH (L.521-1 et suivants).
Le relogement des étrangers en situation irrégulière dans les opérations d’aménagement ou de lutte contre l’habitat indigne
Après la Cour d’appel de Paris (CA : 16.12.10) et le TGI (TGI : 26.5.08) la cour de Cassation (Cass. civ III : 12.9.12) confirme, que dans le cadre des expropriations et opérations d'aménagement, la réparation du préjudice et l'obligation de relogement s'imposent pour les occupants de bonne foi qu'ils soient ou non en situation régulière. Elle ne saurait contituer un délit d’aide au séjour irrégulier défini ainsi : « toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un étranger en France sera punie d’un emprisonnement de 5 ans et d’une amende de 30 000 euros » (CESEDA : L.622-1).
Le premier juge avait retenu que les occupants avaient droit au relogement en relevant que les dispositions du code de l’urbanisme ne posant aucune condition relative à leur situation administrative, seule devait être recherchée la nature de l’occupation.
La Cour d’appel souligne que l’obligation de reloger « relève de l’ordre public social et concerne tous les occupants de bonne foi au sens de l’article L.521- 1 lequel ne distingue pas suivant que l’étranger est ou n’est pas en situation irrégulière, que l’obligation de reloger n’impose pas à la personne publique que ce relogement soit effectué dans un logement attribué par un organisme HLM et que, en l’absence d’agissements intentionnels en vue de dissimuler l’identité de l’étranger ou de volonté de préserver la clandestinité , la seule circonstance pour quiconque de lui consentir malgré l’irrégularité de son séjour , un relogement n’est pas constitutive d’un délit au sens de l’article L.622-1 qui ne vise que l’aide directe ou indirecte à l’entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier de l’étranger et qui est comme toute loi pénale d’interprétation stricte » (CA Paris : 16.12.10).
Les dispositions relatives à l'obligation de reloger les occupants de bonne foi dans le cadre d'opérations d'aménagement urbain (Code de l’urbanisme : L.314-1 et L.314-2) ont fait l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) transmise au Conseil constitutionnel, la Cour de cassation ayant retenu le caractère sérieux de la question posée. (Cass. Civ III : 13.7.16).
Dans sa QPC, le demandeur faisait valoir que le relogement des occupants de bonne foi en situation irrégulière sur le territoire français en vue d’une opération d’aménagement, porterait une atteinte disproportionnée droit de propriété. En effet, le relogement de ces personnes ne peut intervenir légalement dans le parc social et est difficile à mettre en œuvre dans le parc privé (relogement dans le parc privé via l’intermédiation locative ou logement de transition dans l’attente d’un relogement définitif).
La constitutionnalité de l’obligation de reloger les occupants de bonne foi dans le cadre d’opérations d’aménagement est confirmée (CCH : L.314-2). (QPC n° 2016-581 du 05 octobre 2016).
Note
1. Les dispositions de l’ordonnance du 15.12.05 ont néanmoins précisé le point de départ de l’intervention du propriétaire et donc de la collectivité publique.
Les modalités du relogement
L’offre de relogement doit correspondre aux besoins et possibilités de l’occupant
«En l’espèce, les trois propositions écrites qu’invoque la SARL immobilier ne répondent pas à la notion de logement correspondant aux besoins et possibilités de Mme Q, eu égard au montant des loyers proposés et à l’éloignement par rapport à l’immeuble actuellement occupé par Mme Q qui a un enfant scolarisé» (TI Douai : 8.3.06).
Les faux et manœuvres diverses sont pris en compte par les tribunaux
Un bailleur qui arguait d’un congé donné par son locataire, manifestement faux, et qui avait, de plus, supprimé les portes, rendant le logement, déjà frappé d’un arrêté d’insalubrité et d’une interdiction définitive d’habiter, proprement inhabitable, a été condamné sous astreinte de 100 euros par jour de retard et à verser des dommages-intérêts aux locataires (Ordonnance référé, TI Toulon : 9.1.08).
De la nécessité pour le locataire de justifier son refus de l’offre de relogement
Un bailleur demande la résiliation du bail en sanction de la défaillance de son locataire à répondre aux offres de relogement qu’il lui avait faites. Un arrêté préfectoral l’avait mis en demeure de mettre fin à l’habitation de la chambre qu’il louait.
Or, dans la mesure où le preneur est tenu d’accepter une offre de relogement proposée par son bailleur ou, au moins, expliquer les raisons de son refus des offres soumises à son approbation, ce manquement grave aux obligations imposées par l’arrêté préfectoral entraîne la résolution judiciaire du bail (TI Saint Germain en Laye : 15.7.10).
Le bailleur qui a proposé au locataire trois offres de logements situés dans le même immeuble, dont le dernier au même prix de loyer et de la même surface que celui que louait le locataire et que celui-ci a refusé, a bien rempli son obligation de relogement dans des conditions compatibles avec les besoins et les ressources du locataire. Dans le cas particulier, le bail est résilié sur le fondement de l’article 1722 du code civil (chose louée détruite), les locaux occupés étant inhabitables, et l’expulsion est ordonnée (Ordonnance référé TI Lille : 14.10.04).
Suite à un arrêté d’insalubrité irrémédiable, le bailleur a proposé à son locataire un relogement dans une maison modulaire. Bien que cette construction ne soit pas traditionnelle, le locataire a accepté par écrit de s’y installer avec sa famille, puis est revenu sur son accord par écrit.
Il appartient alors au locataire de démontrer en quoi le relogement proposé sur ce site n'est pas conforme aux exigences de relogement correspondant à ses besoins et possibilités. Dès lors que le locataire accepte par écrit le caractère modulable de l'habitation, qu’il demande la mise à disposition d’un terrain équipé d’un bloc sanitaire, d’un accès à l’eau potable et à l’électricité, et qu’il ne démontre pas que la parcelle mise à disposition en est dépourvue, il y a lieu de juger que le bailleur a respecté à ses obligations de relogement (CA Chambéry : 27.10.11 n° 11/00638).
A l’issue d’une analyse détaillée des propositions de relogement faites par le bailleur, le juge a prononcé l’expulsion du locataire, au motif qu’il n’a pas justifié le refus des offres de relogement qui lui ont été faites. En l’espèce, après la mise en demeure de mettre fin à la mise à disposition d’un local pour cause d’insalubrité et d’assurer le relogement définitif du locataire, le bailleur a fait plusieurs offres de relogement dont une liste de 8 logements adressée par LRAR, 4 propositions remises en mains propres par un technicien de l’ARS en sa présence et une proposition notifiée par LRAR. Certaines des propositions examinées par le juge concernent des relogements dans les communes limitrophes. Ces offres étaient certaines, précises et concrètes et correspondaient aux besoins et possibilités de l’occupant (Ordonnance référé, TGI Nantes : 22.11.12).
Le locataire qui a refusé un relogement correspondant à ses possibilités et à ses besoins peut être expulsé
Un ménage de locataires ayant refusé deux offres de relogement, l’une dans le même immeuble (3 pièces) et l’autre dans un immeuble proche (4 pièces) a été débouté de sa demande. L’état de santé du locataire, justifié par des éléments médicaux, permettait d’admettre que la première offre de relogement portant sur un logement au 4ème étage, en l’absence d’ascenseur, ne correspondait pas aux besoins des intéressés. Cependant, le preneur ne démontrait pas en quoi la seconde proposition ne satisfaisait pas ses besoins ou possibilités. En effet, le locataire doit justifier son refus des offres de relogement que lui fait son bailleur en conséquence d’un arrêté portant interdiction définitive d’habiter et d’utiliser les lieux.
«Considérant que si, eu égard à l’état de santé de M ou Mme D. justifié par des éléments médicaux versés aux débats, il peut être admis que la première offre de la SEM…portant sur un logement situé au 4ème étage alors que l’immeuble n’a pas d’ascenseur, ne correspondait pas aux besoins des intéressés, en revanche, ceux-ci ne démontrent pas en quoi la seconde proposition de la bailleresse ne pouvait satisfaire à leurs besoins ou à leurs possibilités, de sorte que leur refus n’est pas justifié» (CA Paris : 20.3.07).
La demande en expulsion doit être formée par le propriétaire
Il appartient au propriétaire, ou à l’exploitant, de demander l’expulsion des occupants qui auraient refusé trois offres de relogement et non au maire se substituant au propriétaire défaillant.
«Considérant que la commune n’invoque aucun texte ou principe de droit susceptible de lui permettre de se substituer au propriétaire d’un immeuble pour demander l’expulsion d’occupants sans droit ni titre y résidant, dans les circonstances ici examinées; qu’invoquant exclusivement des raisons d’opportunité à l’appui d’une telle demande, elle ne peut la voir accueillir par le juge des référés, juge de l’évidence» (CA Paris : 16.12.09).
Le propriétaire doit faire la preuve des offres de relogement
Il appartient au propriétaire demandant l’expulsion de justifier qu’il a formulé une proposition d’hébergement pour le temps de l’exécution des travaux. Il n’y a pas lieu d’inverser la charge de la preuve et de demander au preneur de faire la preuve des manquements du bailleur (CA Douai : 15.7.05).
Le propriétaire qui n’a pas satisfait à son obligation de relogement ne peut demander l’expulsion du locataire
Le fait de faire une demande auprès des bailleurs sociaux ne suffit pas. Encore faut-il présenter une offre de relogement certaine, précise et concrète (CA Paris : 5.11.03).
A défaut pour le bailleur d’avoir respecté cette obligation, sa demande d’expulsion du locataire est rejetée : «il n’y a donc pas lieu d’ordonner l’expulsion de la locataire dès lors que son maintien dans les lieux ne résultait pas de sa volonté, mais du non-respect par le bailleur de ses obligations» (Ordonnance référé, TGI Douai : 23.9.02 ; CA Douai : 2.9.04).
L’exploitant d’un hôtel meublé qui a fait l’objet d’une décision de fermeture suite à des problèmes de sécurité est tenu d’assurer l’hébergement ou le relogement en application de l’article L.521-1 du CCH.
Un exploitant a donc été condamné à offrir le relogement sous astreinte, les contrats étant suspendus jusqu’à réalisation des travaux. Sa demande d’expulsion a été rejetée (TI Paris XI° : 3.7.06).
L’exploitant d’un hôtel meublé a également été condamné, sous astreinte, à exécuter les travaux précisés, à assurer un hébergement décent et provisoire des occupants pendant la durée des travaux. En outre, les loyers ont été suspendus. Le bénéfice du départ définitif de tous les occupants moyennant indemnité de 1 500 euros à chacun, correspondant à 3 mois de loyer, a été refusé (Ordonnance référé, TI Paris XX° : 29.2.08; CA Paris : 17.9.08 et 16.12.09)2.
Le bailleur est tenu de verser une indemnité de réinstallation de trois mois du nouveau loyer aux occupants relogés à titre définitif
Le propriétaire est tenu de verser à l’occupant évincé une indemnité d’un montant égal à trois mois du nouveau loyer et destinée à couvrir ses frais de réinstallation (CCH : L.521-3-1 II).
Ce versement, destiné à couvrir les frais de réinstallation, est dû :
- aux occupants relogés suite à un arrêté de péril (TI Brignoles : 6.4.04) ;
- aux occupants d’un logement frappé d’un arrêté préfectoral d’insalubrité et d’une interdiction d’habiter (CA Douai : 2.9.04) ;
- aux occupants d’un hôtel meublé sous arrêté de fermeture pour danger (Ordonnance référé, TI Marseille : 4.12.03, TI Marseille : 9.10.03).
Ainsi des combles mis en location ont fait l’objet d’un arrêté préfectoral interdisant leur mise à disposition aux fins d’habitation (CSP : L.1331-22) et obligeant le bailleur à assurer le relogement des occupants. Dans la mesure où le relogement n’était pas encore réalisé et que le juge n’avait pas connaissance du nouveau prix, il a condamné le bailleur à verser une provision de 900 euros pour l’indemnité de réinstallation. En outre, il a prononcé une condamnation au versement d’une somme de 1 600 euros à titre de dommages-intérêts et la restitution du dépôt de garantie (TI Montpellier : 7.1.13).
La restitution du dépôt de garantie ainsi que la condamnation du bailleur au versement de dommages-intérêts au titre du préjudice de jouissance (TI Brignoles : 6.4.04) ou la restitution de loyers et charges indument perçus (TI Marseille : 9.10.03) ont pu être prononcées.
L’indemnité égale à trois mois du nouveau loyer est due nonobstant le fait que le locataire a quitté son logement sans avoir attendu la notification de l’arrêté d’insalubrité. «M. et Mme Le G. … sont donc fondés à demander l’application de l’article L.521-3 du code de la construction et de l’habitation. En effet, leur départ des lieux loués est bien la conséquence directe de cette décision même s’il a eu lieu avant sa notification car ils étaient déjà informés des conclusions de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales depuis le mois d’octobre 2004 et de la date à laquelle le rapport devait être soumis au conseil départemental d’hygiène le 25 novembre suivant avec demande d’approbation du caractère insalubre et irrémédiable du bâtiment, et nécessité de relogement des occupants avec application immédiate».« En application de l’article L.521-3 susvisé, la SCI…. est tenue de verser à ses locataires qui ont retrouvé, par leurs propres moyens, un logement à compter du mois de janvier 2005, une indemnité d’un montant égal à trois du nouveau loyer et destinée à couvrir leurs frais de réinstallation». «L’indemnisation prévue par le texte susvisé est forfaitaire», et les locataires ne justifiant pas de la réalité du préjudice supplémentaire allégué, ils sont déboutés de leurs autres demandes relatives au relogement (CA Toulouse : 18.4.06).
«Ce dispositif …ne peut s’appliquer qu’au relogement immédiatement postérieur au départ du logement insalubre» (CA Paris : 12.2.08).
Note
2. Ce point a été définitivement clarifié dans l’ordonnance du 15.12.05 : CCH L. 521-2.
La suspension des loyers
CCH : L.521-2
«I. - Le loyer ou toute autre somme versée en contrepartie de l'occupation cesse d'être dû pour les locaux qui font l'objet d'une mise en demeure prise en application de l'article L.1331-22 du code de la santé publique à compter de l'envoi de la notification de cette mise en demeure.
Le loyer en principal ou toute autre somme versée en contrepartie de l'occupation cessent d'être dus pour les locaux qui font l'objet d'une mise en demeure ou d'une injonction prise en application des articles L.1331-23 et L.1331-24 du code de la santé publique ou de mesures décidées en application de l'article L.123-3. Les loyers ou redevances sont à nouveau dus à compter du premier jour du mois qui suit le constat de la réalisation des mesures prescrites.
Pour les locaux visés par une déclaration d'insalubrité prise en application des articles L.1331-25 et L.1331-28 du code de la santé publique ou par un arrêté de péril pris en application de l'article L.511-1, le loyer en principal ou toute autre somme versée en contrepartie de l'occupation du logement cesse d'être dû à compter du premier jour du mois qui suit l'envoi de la notification de l'arrêté ou de son affichage à la mairie et sur la façade de l'immeuble, jusqu'au premier jour du mois qui suit l'envoi de la notification ou l'affichage de l'arrêté de mainlevée.
Dans le cas où des locaux ont fait l'objet d'une mise en demeure prononcée en application de l'article L.1331-26-1 du code de la santé publique suivie d'une déclaration d'insalubrité prise en application de l'article L.1331-28 du même code, le loyer ou toute autre somme versée en contrepartie de l'occupation du logement cesse d'être dû à compter du premier jour du mois qui suit l'envoi de la notification de la mise en demeure ou son affichage jusqu'au premier jour du mois qui suit l'envoi de la notification ou l'affichage de l'arrêté de mainlevée de l'insalubrité.
Les loyers ou toutes autres sommes versées en contrepartie de l'occupation du logement indûment perçus par le propriétaire, l'exploitant ou la personne ayant mis à disposition les locaux sont restitués à l'occupant ou déduits des loyers dont il devient à nouveau redevable».
CCH : L.521-4
«I.-Est puni de trois ans d'emprisonnement et d'une amende de 100 000 euros le fait :
- en vue de contraindre un occupant à renoncer aux droits qu'il détient en application des articles L.521-1 à L.521-3-1, de le menacer, de commettre à son égard tout acte d'intimidation ou de rendre impropres à l'habitation les lieux qu'il occupe ;
- de percevoir un loyer ou toute autre somme en contrepartie de l'occupation du logement, y compris rétroactivement, en méconnaissance du I de l'article L.521-2 ;
- de refuser de procéder à l'hébergement ou au relogement de l'occupant, bien qu'étant en mesure de le faire.
II.-Les personnes physiques encourent également les peines complémentaires suivantes :
1° La confiscation du fonds de commerce ou des locaux mis à bail ;
2° L'interdiction pour une durée de cinq ans au plus d'exercer une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l'infraction….»
Les charges restent dues par le propriétaire
"Considérant que les charges récupérables, sommes accessoires au loyer principal, ne représentant pas la contrepartie de l’occupation mais celle des différents services et dépenses visées à l’article 23 de la loi du 6 juillet 1989, l’obligation du locataire au paiement desdites charges n’est pas suspendue par l’effet de l’arrêté d’insalubrité». La cour a refusé l’argument du locataire selon lequel les charges étaient dues en contrepartie de l’occupation d’un logement frappé d’un arrêté d’insalubrité. Toutefois, précisa-t-elle, ces charges doivent être justifiées : «considérant que si les charges locatives peuvent donner lieu au versement de provisions, ce n’est qu’autant qu’elles font l’objet d’une régularisation annuelle et qu’elles sont justifiées par la communication de résultats antérieurs, arrêtés lors de la précédente régularisation ou par le budget prévisionnel" (CA Paris : 20.3.07).
Constitutionnalité du principe de la suspension du paiement des loyers ?
A l’appui de la question prioritaire de constitutionnalité, le demandeur fait valoir que les dispositions du CCH sur la protection des occupants (CCH : L.521-1 et suivants), tendent à priver tout propriétaire de ses prérogatives, à savoir celles de percevoir les fruits, d’abuser de son bien ainsi que d’en disposer, méconnaissant par là même les dispositions des articles 2 et 17 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789.
La question était posée à l’occasion d’un arrêté de péril (CCH : L.511-1), l’autorité administrative demandant au propriétaire de faire cesser l’état de danger pour la sécurité publique résultant d’un immeuble menaçant ruine et d’effectuer les travaux nécessaires pour faire cesser le péril. La cour a considéré que la jouissance d’une propriété frappée d’un arrêté de péril, n’est pas conforme à un usage normal. La restriction apportée au droit de propriété du bailleur (soit l’impossibilité pour le bailleur de percevoir les loyers pour les locaux visés par l’arrêté de péril), est justifiée par un but légitime d’utilité publique. La nécessité publique est constatée par une décision réglementaire. La suspension du paiement des loyers étant la contrepartie de l’existence d’un péril auquel le propriétaire doit remédier, la privation des fruits de sa propriété n’appelle pas de juste indemnité. Il s’ensuit que la question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L.521-2 est dépourvue de caractère sérieux (CA Paris : 29.6.10, P4, ch4, n°10/06777).
Application aux situations en cours de la suspension des loyers, même si celle-ci résulte d’un arrêté pris avant la loi SRU du 13.12.00
Plusieurs décisions ont déjà confirmé ce point, implicitement et explicitement.
«Attendu,…, qu’une loi nouvelle s’applique immédiatement aux effets à venir des situations juridiques non contractuelles en cours au moment où elle entre en vigueur ; que la cour d’appel a exactement retenu que les dispositions applicables à la demande de relogement formée par les occupants de l’immeuble par assignations des 7 et 9 mars étaient celles de l’ordonnance n°2005-1566 du 15 décembre 2005 relative à la lutte contre l’habitat insalubre» (Cass. civ III : 4.3.09).
«Si, en vertu de l’article 2 du code civil, la loi n’est pas rétroactive, elle est d’application immédiate.» «Etant d’application immédiate, la loi nouvelle régit, indépendamment de l’existence d’un lien contractuel entre les parties les situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et se prolongeant ensuite, telle celle constituée par la prise, antérieurement à la loi SRU, d’un arrêté d’insalubrité, si celui-ci n’a pas été suivi d’exécution, ce qui est le cas en l’espèce, les travaux nécessaires n’ayant été effectués que courant et fin 2005…». «Les loyers ayant cessé d’être dus du 15 décembre 2000 au 26 février 2006,…» (CA Paris, civ VI : 9.9.08).
La notion de rétroactivité de la loi a été explicitée : «aux termes de l’article 2 du code civil, la loi n’est pas rétroactive, mais elle d’application immédiate. A cet égard, il n’est contesté par aucune des parties que l’article L.521-2 du CCH dans sa rédaction issue de la loi SRU n’a pas d’effet rétroactif, c'est-à-dire qu’elle n’entraîne pas la restitution par le bailleur des loyers perçus avant l’entrée en vigueur de la loi.
Pour autant, la loi est d’application immédiate, ce qui signifie qu’elle a des effets juridiques sur les situations juridiques déjà existantes, nonobstant la teneur de la circulaire du ministre de l’emploi et de la solidarité n°2002-36 et le courrier des services préfectoraux en date du 4 novembre 2003. Il convient de rappeler que ces documents administratifs n’ont pas de valeur quant à l’application de la loi par les juridictions» (TI Paris XVIII° : 21.9.06).
Suspension des loyers / Opposabilité des conséquences d’un arrêté aux acquéreurs successifs
Un propriétaire fait l’acquisition d’un bien et le met en location. Se fondant sur l’existence d’un arrêté d’insalubrité pris antérieurement à la vente, le locataire demande le remboursement des loyers versés indûment pendant le cours de cet arrêté.
En appel sa demande est rejetée, la Cour retient que l’arrêté n’est pas opposable à l’acquéreur dans la mesure où la preuve n’est pas rapportée que l’arrêté ait été notifié à l’acquéreur bailleur ou que celui-ci en ait eu connaissance, ni même qu’il ait fait l’objet d’un affichage sur l’immeuble et en mairie. L’acte de vente n’en mentionne pas l’existence et les vendeurs ne l’ont pas signalé à l’acquéreur.
Le pourvoi en cassation du locataire souligne que l’arrêté d’insalubrité avait été notifié à l’ancien propriétaire de l’immeuble dont le bailleur tient ses droits et que la Cour d’appel a ajouté à l’article L.521-2 du Code de la construction et de l’habitation, une condition qu’il ne prévoit pas.
La Cour de cassation retient cet argument considérant que la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision en rejet en statuant, sans rechercher si l’arrêté n’avait pas été notifié au précédent propriétaire de l’immeuble.
Il semble possible de déduire de cette décision que la notification de l’arrêté faite au propriétaire à ce moment-là suffit pour que ses effets de droit (ici, la suspension des loyers) continuent à s’appliquer même après une vente, sans que l’arrêté soit nécessairement notifié aux acquéreurs successifs, ou que ceux-ci en aient eu personnellement connaissance (Cass. Civ III : 22.9.16).
Immeuble en copropriété
Arrêté de péril sur les parties communes de copropriété et suspension des loyers
Les dispositions législatives de lutte contre l’habitat indigne prévoient, que lorsqu’un immeuble a été déclaré insalubre ou en état de péril, la suspension du paiement des loyers s’applique jusqu’à la levée de l’arrêté qui correspond à l’exécution des travaux (CCH : L.521-2).
S’agissant de l’arrêté de péril pris uniquement sur les parties communes de l’immeuble en copropriété (en l’espèce, la façade), certaines Cours d’appel refusaient d’appliquer cette suspension dès lors que la sécurité du locataire n’était pas compromise par l’état du bâtiment, qu’il ne subissait pas une privation dans l’occupation de son logement du fait des désordres ou des travaux à entreprendre pour y remédier, ou encore que l’arrêté ne prévoyait pas une interdiction d’habiter.
La Cour de cassation tranche cette question. Elle censure les juges du fond en ce qu’ils ont ajouté une condition à la loi : l’article L.521-2 du Code de la construction et de l’habitation ne subordonne pas la dispense de l’obligation de payer le loyer à ces conditions particulières. Ainsi, lorsqu’un arrêté de péril vise les parties communes d’un immeuble en copropriété, la suspension des loyers concerne la totalité des lots comprenant une quote-part dans les parties communes et s’applique même si l’arrêté ne porte que sur les parties communes de l’immeuble.
La solution aurait peut-être été différente et la suspension des loyers limitée au seul bâtiment visé par l’arrêté, si la copropriété, composée de plusieurs bâtiments, était soit organisée en plusieurs syndicats secondaires, soit comportait des parties communes spéciales à chaque bâtiment (Cass. Civ III : 20.10.16).
Dans le même sens, plusieurs arrêtés de péril concernaient directement certains logements, mais également les parties communes, dont les escaliers, et les travaux n’avaient pas été faits. Cela a amené la cour à considérer que le logement de la requérante était «concerné» par l’arrêté de péril et que «surabondamment, dans les parties communes, l’escalier permettant l’accès à l’appartement loué était concerné par cet arrêté ; qu’il convient de confirmer le jugement contesté en ce qu’il a condamné la SCI…à rembourser à Mme Z les loyers indûment perçus» (CA Paris : 13.11.08).
Le raisonnement de la cour est explicitement fondé sur le droit de la copropriété : pour fonder en droit l’application de la suspension des loyers à tous les logements situés dans un immeuble en copropriété dont seules les parties communes sont frappées d’un arrêté de péril ou d’insalubrité :
«Considérant que le premier juge ayant exactement relevé que l’arrêté de péril pris par le maire d’Aubervilliers…portait sur l’immeuble…dans lequel se trouvait l’appartement de Mme S, a fait une juste application de l’article L.251-2 du même code, en tirant la conséquence de ce texte, aux termes de motifs pertinents approuvés par la Cour, que le loyer en principal cessait d’être dû à compter du premier jour du mois qui suit la notification de l’arrêté précité;»
«que la circonstance que les travaux ordonnés à l’article 1 de l’arrêté de péril concernent les seules parties communes n’exonère pas, en effet, le copropriétaire dont le lot est composé de parties privatives et d’une quote part des parties communes de l’application de l’article L.251-2, qui a notamment pour objectif d’inciter les copropriétaires à effectuer les travaux nécessaires» (CA Paris : 22.10.09 qui confirme TI d’Aubervilliers :11.3.08).
Les tribunaux d’instance adoptent la même position que la Cour d’appel de Paris :
- L’article L.521-2 du CCH indique que la suspension des loyers vise les locaux frappés d’un arrêté. En l’espèce, un arrêté de péril frappait les parties communes d’un immeuble et «il faut entendre par le terme -locaux- l’ensemble des lots compris dans l’immeuble en copropriété». «Cette règle, par essence protectrice du locataire, a pour effet, normalement, de permettre à l’ensemble de la copropriété d’agir avec diligence pour la sécurité et la salubrité de l’immeuble» (TI Paris XI° : 6.2.07).
- «Conformément à la jurisprudence du Conseil d’Etat, ledit arrêté vise l’ensemble des copropriétaires de l’immeuble, quelle que soit la localisation des désordres. En conséquence de quoi, le logement loué à M.M B par M.LB est bien frappé d’un arrêté de péril» (TI Paris XI° : 6.11.07).
- «Lorsque l’arrêté de péril concerne les parties communes d’un immeuble en copropriété ou lorsque l’immeuble en copropriété est composé de plusieurs bâtiments, les dispositions de l’article L.521-2 du CCH relatives à la suspension des loyers s’appliquent à la totalité des lots ou bâtiments composant la copropriété» (TI Paris XVIII° : 7.3.08).
- «La lecture de l’arrêté de péril permet, en conséquence, d’affirmer que l’ensemble des lots compris dans l’immeuble en copropriété est concerné par la suspension de l’obligation de payer les loyers» (TI Aubervilliers : 11.3.08).
Ensemble immobilier en copropriété composé de plusieurs bâtiments : l’arrêté d’insalubrité ne porte que sur l’un des bâtiments
Les tribunaux ne se sont pas encore prononcés sur cette situation. Cependant, les principes posés en doctrine sont les suivants :
- L’ensemble immobilier est géré par plusieurs syndicats secondaires : la suspension des loyers est limitée aux seuls lots du ou des bâtiments gérés par le syndicat secondaire ;
- L’ensemble immobilier est géré par un seul syndicat : les loyers sont suspendus pour les lots de l’ensemble des bâtiments, sauf application du principe de spécialisation des charges prévu au règlement de copropriété qui pourrait conduire à limiter l’application de la suspension des loyers.
Copropriété composée de deux bâtiments / particularité / un bâtiment est composé d’un seul lot détenu entièrement par une société civile immobilière copropriétaire
Un arrêté de péril met en demeure le syndicat des copropriétaires (donc l’ensemble des copropriétaires) d’effectuer des travaux de réparation de la toiture de l’un des deux bâtiments d’une copropriété.
Ce bâtiment présente la particularité d’être composé d’un seul lot détenu entièrement par une société civile immobilière copropriétaire. Le règlement de copropriété, ne détermine pas expressément les parties communes et les parties privatives, et prévoit que «les charges d'entretien, de réparation et de reconstruction de chaque corps de bâtiment seront réparties exclusivement entre les copropriétaires des lots qui les composent».
Le syndicat de copropriétaires demande la nullité de l’arrêté de péril devant le tribunal administratif qui rejette sa demande et juge que le gros oeuvre de ce bâtiment doit être regardé comme une partie commune (application de l'article 3 de la loi du 6.7.65).
Cette décision est remise en cause par le Conseil d’Etat qui considère que le bâtiment étant affecté à l'usage et à l'utilité exclusifs de la SCI, répond à la définition des parties privatives de l’article 2 de la loi de 1965. Ainsi la SCI copropriétaire est donc tenue d’assumer seule les charges de réparation et, le cas échéant, de reconstruction.
L’arrêté de péril mettant à la charge du syndicat des copropriétaires les travaux de réparation est, en conséquence, annulé (CE : 22.10.10).
Immeuble en indivision
Un ensemble immobilier composé de plusieurs bâtiments est en indivision, l’arrêté d’insalubrité ne portant que sur un bâtiment, les loyers des locataires de ce seul bâtiment sont suspendus.
La Cour de cassation a confirmé par deux arrêts successifs concernant le même immeuble qu’un arrêté de péril affectant un seul des deux bâtiments distincts composant un immeuble, propriété indivise4 des consorts M, n’avait d’effet que sur les logements de ce bâtiment : «Attendu que, pour débouter les consorts X de leur demande, l’arrêt attaqué retient que l’arrêté de péril d’immeuble du préfet de police de Paris en date du 22 août 2002 se réfère expressément, en marge, à la propriété sise à Paris (20ème)…/…que si les travaux à entreprendre concernent des désordres localisés dans une partie de l’ensemble immobilier, l’immeuble faisant l’objet de l’arrêté de péril vise la propriété dans son entier, peu importe le nombre et la situation juridique des propriétaires et que M.Y..était fondé à invoquer le bénéfice de l’article L.521-2 du code de la construction et de l’habitation ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’il résultait clairement de l’arrêté de péril que le bâtiment situé …n’était pas affecté par les mesures de sécurité prescrites, la cour d’appel, qui a refusé de faire application d’un acte administratif individuel non sujet à interprétation, a violé les textes susvisés;» (Cass civ I : 19.3.08 et 11.3.09).
Quid des hôtels meublés ?
Les tribunaux ont appliqué ces dispositions lorsque des prescriptions de sécurité ont été ordonnées à l’encontre d’exploitants d’hôtels meublés. La suspension des loyers et redevances des occupants, ainsi que le remboursement des loyers indument perçus ont été admis tant par les tribunaux d’instance que par la Cour d’appel de Paris (CA Paris : 17.9.08, 16.12.09).
Mise en œuvre du principe de suspension du paiement des loyers
Le paiement des loyers est suspendu au premier jour du mois suivant l’envoi de la notification de l’arrêté au propriétaire.
Le cachet de la poste fait foi de l’envoi de la notification.
Suspension des loyers vaut réparation du trouble de jouissance
Les manquements du bailleur à ses obligations ont causé un trouble de jouissance au preneur dont la preuve résulte de l’arrêté d’insalubrité. La suspension des loyers est suffisante pour réparer le trouble de jouissance. Pour la période antérieure à l’arrêté d’insalubrité, il convient d’allouer au preneur la somme de 1 000 euros au titre de dommages-intérêts, compte tenu du fait que l’état des lieux d’entrée mentionne que l'appartement a été refait à neuf et que l’insalubrité est apparue au cours des 9 ans de location, le locataire n’ayant jamais fait de réclamation officielle avant la réception du congé délivré par le bailleur (CA Montpellier : 22.10.08, ch1, section D, n° 08/01320).
Mais à défaut d’arrêté permettant la suspension des loyers, le juge ne peut faire qu’une compensation entre le loyer et l’indemnité pour troubles de jouissance.
Alors que les services compétents en matière d’hygiène et de salubrité (ARS ex DDASS…) sont intervenus à plusieurs reprises (au moins 5 fois), ils n’ont pas pris d’arrêté, mais ont constaté divers désordres (humidité, moisissures, infiltration d’eau, défaut de ventilation, effondrement de l’escalier…). Le locataire demande une indemnisation des troubles de jouissance depuis leur première intervention et l’obtient. Toutefois, étant, par ailleurs, condamné à payer ses arriérés locatifs, le juge ne peut que prononcer la compensation entre les deux sommes. Le fait que les services n’aient pas pris d’arrêté empêche le locataire de bénéficier de la suspension des loyers (CA Versailles : 15.6.10)
Les préjudices se compensent à condition d’avoir été liquidés
En l’espèce, la Cour de cassation a rappelé la nécessité pour les juges du fond de liquider les préjudices subis par les deux parties (pour le bailleur, il s’agissait du défaut de paiement des loyers et pour le locataire, des troubles de jouissance), avant d’opérer le mécanisme de la compensation (Cass. Civ. III : 23.5.13).
Assimilation aux loyers des sommes exigibles au titre d’une indemnité d’occupation
CCH : article L.521-2 :
"Toute autre somme versée en contrepartie de l’occupation du logement cesse d’être due".
Les indemnités d’occupation payées, alors que le logement est frappé d’un arrêté de péril, doivent être restituées. Compte tenu de la mauvaise foi du bailleur, des dommages-intérêts sont octroyés au preneur (TI Paris XVII° : 10.5.05).
L’état des lieux-insalubres- peut justifier la réduction du montant de l’indemnité d’occupation due par l’occupante sans droit ni titre pour la période non couverte par l’arrêté d’insalubrité, cette indemnité n’étant pas due pour la période correspondant à la validité de l’arrêté d’insalubrité (CA Paris : 20.1.06).
L’indemnité d’occupation, comme le loyer, n’est pas exigible durant la période d’insalubrité (CA Paris : 8.4.08).
Pas de refus du droit au remboursement des loyers pour le locataire qui connaissait la situation de l’immeuble
En l’espèce, le locataire, se prévalant d’un arrêté préfectoral déclarant le logement en état d’insalubrité remédiable qui lui aurait été dissimulé, a assigné le bailleur en restitution des loyers indus et en allocation de dommages-intérêts. Le juge de proximité a retenu que le locataire occupait les lieux depuis plusieurs mois, avait signé tant le bail que le procès-verbal de conciliation en connaissance de la situation de l’immeuble et invoquait à tort un vice du consentement. Sa décision est annulée par la Cour de cassation qui considère, au contraire, le preneur comme fondé à agir en répétition des loyers indûment versés à son bailleur, du fait de l’existence de l’arrêté (Cass. civ III : 19.3.08).
L’acceptation par le locataire d’un accord par lequel il consent à payer un loyer pour un logement déclaré insalubre ne peut être lui être opposé
Le bailleur doit restituer au preneur le montant des loyers indûment perçus pour un logement sous arrêté d’insalubrité, nonobstant le fait que celui-ci avait signé un engagement à payer un loyer, tout en ayant pleine connaissance du caractère insalubre du logement. Les dispositions législatives applicables sont d’ordre public. Dès lors, cet écrit ne peut être opposé au locataire (Ordonnance référé, TI Paris XI° : 6.5.08).
Les loyers indûment perçus doivent être restitués au locataire
L’obligation de paiement des loyers est suspendue pour les locaux visés par une déclaration d’insalubrité (CCH : L. 521-2). Le paiement des loyers cesse d’être dû jusqu’au premier jour du mois suivant l’envoi de la notification ou l’affichage de l’arrêté de main levée.
En l’espèce, le premier juge a , à bon droit, alloué au preneur la somme de 7 500 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice de jouissance, cette somme comprenant les loyers versés à tort jusqu’à la main levée de l’arrêté d’insalubrité (CA Montpellier : 21.10.08).
«Le fait que Mme S ait perçu l’APL est indifférent en l’espèce, Monsieur M étant dans l’obligation de rembourser ce qu’il avait lui-même perçu» (TI Aubervilliers : 11.3.08).Les juges rappellent souvent que les aides personnelles au logement bénéficient au locataire, et non au bailleur, qui ne peut se prévaloir ni du fait que le locataire ne payait en réalité qu’un loyer minime, dans la mesure où lui-même perçoit cette aide en tiers payant, pour mettre en cause la suspension du loyer, ni pour contester la nécessité de rembourser au locataire ce qu’il a lui-même perçu.
«Il convient de sanctionner en premier lieu la mise à profit par la bailleresse de l’hébergement dans des locaux insalubres et indignes, tout en percevant les aides publiques versées par la CAF» (CA Douai : 6.11.08, CA Aix en Provence : 13.12.05).
Conséquences du retard à notifier l’arrêté
Les juges du fond font une stricte application de ce point, même lorsqu’un temps anormalement long s’écoule entre la signature de l’arrêté et sa notification. La suspension du paiement des loyers s’impose dès lors qu’est notifié au propriétaire un arrêté d’insalubrité, ici, remédiable. Il n’y pas lieu de dissocier l’aspect «interdiction d’habiter» de l’aspect «insalubrité», surtout lorsque l’arrêté est parfaitement clair (CA Douai : 17.3.05).
Si, en raison de difficultés à notifier l’arrêté, l’opposabilité de cet acte est retardée de quelques mois, le locataire est fondé à obtenir des dommages-intérêts en réparation du trouble de jouissance subi sur la période où il est resté redevable des loyers (CA Douai : 17.3.05).
L’exception d’inexécution est exceptionnellement admise
La Cour d’appel de Paris a admis qu’une locataire d’un logement non décent, qui a fait l’objet d’un arrêté d’insalubrité irrémédiable deux ans après la cessation de paiement des loyers, justifiait ce non-paiement par l’exception d’inexécution. Elle a constaté que les désordres du logement (d’une surface de 7,50 m² de surcroît) n’étaient pas brutalement survenus au moment de la prise de l’arrêté et que le caractère non décent du logement était attesté antérieurement. Dès lors, elle a annulé la résiliation du bail prononcée en première instance (CA Paris : 21.3.06).
En admettant le jeu de l’exception d’inexécution, cette décision revient à justifier le non-paiement des loyers, antérieurement à la prise d’un arrêté d’insalubrité, par l’état de dégradation du logement, existant évidemment avant l’arrêté qui le constate.
La réalisation par le bailleur des travaux prescrits par l’arrêté de péril ordinaire ne l’autorise pas à demander de façon rétroactive le paiement des loyers suspendus (TI Aubervilliers : 7.05)
Incidence sur la clause résolutoire et sur la procédure d'expulsion
Logement mis en location et faisant l’objet d’un arrêté préfectoral
Après que le logement mis en location ait fait l’objet d’un arrêté préfectoral d’interdiction d’occuper avec obligation de relogement, le bailleur adresse au locataire un commandement de payer pour une dette de loyer antérieure à l’arrêté. Le juge considère qu’au jour du commandement, le bailleur ne pouvait pas ignorer l’arrêté préfectoral et son obligation de reloger l’occupant. Par conséquent, la mesure d’expulsion se heurte à une contestation sérieuse (CPC : 848), en raison de la connaissance du bailleur du caractère impropre à l’habitation du local et donc de sa mauvaise foi. En revanche, les loyers sont dus jusqu’à notification de l’arrêté (ordonnance référé, TI Montpellier : 29.8.12).
Un locataire d’un logement ayant fait l’objet d’un arrêté préfectoral d’insalubrité remédiable est assigné pour arriéré de loyer. Le juge annule le commandement de payer du fait de l’absence de justification des charges locatives et déboute la bailleresse de sa demande d’acquisition de la clause résolutoire (TI Paris XII° : 18.7.13).
La clause résolutoire doit être mise en œuvre de bonne foi par le bailleur
Le tribunal d’instance, saisi d’une demande en résiliation de bail sur le fondement d’une clause résolutoire, est tenu de vérifier que cette dernière a été mise en œuvre de bonne foi par le bailleur. Le fait de réclamer, sous la menace d’un constat de résiliation du bail, des sommes non exigibles par l’effet du plan de surendettement exécutoire est assimilable à une erreur égale au dol. Le commandement de payer fait également abstraction de l’arrêté municipal de péril qui suspendait l’exigibilité du loyer jusqu’à la date de main levée. La mauvaise foi du bailleur est ainsi caractérisée.
Dans ces circonstances, le commandement de payer, délivré de mauvaise foi, est insusceptible de produire effet. Il n’y a pas lieu à indemnisation du locataire pour son préjudice de jouissance résultant des manquements du bailleur à ses obligations. Le préjudice subi par le locataire a été justement compensé par la suspension des loyers résultant de l’arrêté municipal de péril (CA Nîmes : 22.9.09).
La clause résolutoire mise en jeu dans un bail commercial
La demande de nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire et de restitution des loyers indus doit être tranchée par le juge du fond et non par le juge des référés. En effet, la nature du bail est remise en cause, puisque le bail porte sur un local à usage commercial ainsi que sur un local à usage d’habitation et que le preneur soutient que les conditions sur l’affectation des locaux n’ont pas été respectées (CCH : L.631-7). Or, la question de savoir si les loyers sont suspendus depuis l’arrêté de péril, en application de l’article L.521-2 du CCH, dépend de la nature du bail.
Il n’en reste pas moins que le bailleur doit garantir au preneur une jouissance paisible des lieux et que cette obligation n’a pas été, en l’espèce, respectée puisque le plafond du local d’habitation s’est effondré. La preuve n’étant pas apportée par le preneur de l’impossibilité d’exploiter le local commercial, il convient d’ordonner la suspension du loyer à hauteur de 50% à compter de l’effondrement du plafond, jusqu’à décision contraire du juge du fond (CA Paris : 19.5.09).
Astreinte au relogement ou aux travaux
Rien ne s’oppose à ce qu’un occupant demande au juge d’ordonner au bailleur l’exécution des travaux prescrits par l’arrêté et non exécutés.
Ainsi, la demande d’un locataire d’un logement frappé d’un arrêté d’insalubrité remédiable a été reçue : le bailleur a été condamné, sous astreinte de 15 euros par jour de retard, à effectuer les travaux prescrits à compter de l’échéance du délai indiqué dans l’arrêté (CA Douai : 13.9.07).
Un bailleur demandant la résiliation du bail et l’expulsion du locataire pour non-paiement des loyers, prétendait avoir réalisé les travaux prescrits dans l’arrêté d’insalubrité et arguait du refus du locataire de quitter les lieux pendant les travaux pour expliquer pourquoi il ne les avait pas terminés. Le juge a estimé que la suspension des loyers était bien fondée et a ordonné, sous 6 mois et astreinte de 50 euros par jour de retard, la réalisation des travaux conformément aux conclusions de l’expert qui affirmaient que leur réalisation était compatible avec le maintien dans les lieux du locataire (TI Loudun : 6.3.08).
Un bailleur a été condamné, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à effectuer les travaux prescrits par l’arrêté d’insalubrité. De plus, compte tenu de l’état d’insalubrité et de l’ampleur des travaux, il a également été condamné, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à assurer l’hébergement des locataires pendant la durée des travaux et ce, jusqu’à leur achèvement. Le jugement a été assorti de l’exécution provisoire (TI Paris XX° : 16.9.08).
Un couple occupant un logement déclaré impropre à l’habitation par arrêté préfectoral mettant en demeure la SCI propriétaire d’assurer le relogement, est expulsé en dehors du cadre légal. La SCI propriétaire cède le bien comme « vide de toute occupation ». La nouvelle SCI propriétaire assigne les occupants pour occupation sans droit ni titre. Le juge reconnaît qu’il n’a jamais été mis fin au bail verbal qui s’est poursuivi avec la nouvelle SCI propriétaire et que celle-ci a l’obligation d’assurer le relogement des occupants sous astreinte de 100 euros par jour de retard, trois mois après la signification du jugement (TI Paris XX° : 15.10.13).
Notes
3. La Cour d’appel de Paris avait une position contraire en jugeant que la locataire d’un logement situé dans un immeuble frappé d’un arrêté de péril, du fait des dangers présentés par certains balcons, ne pouvait se prévaloir de la suspension de son loyer, son propre logement n’étant pas affecté par le péril et sa jouissance non perturbée… (CA Paris : 27.4.06).
4. Une propriété indivise constitue une propriété unique au contraire de la copropriété.
5. Code de procédure civile : art.668 et 669.
Les incidences de l'arrêté d'insalubrité ou de péril sur les baux en cours
CCH : L.521-2 III : «… Lorsque les locaux sont frappés d'une interdiction définitive d'habiter et d'utiliser, les baux et contrats d'occupation ou d'hébergement poursuivent de plein droit leurs effets, exception faite de l'obligation de paiement du loyer ou de toute somme versée en contrepartie de l'occupation, jusqu'à leur terme ou jusqu'au départ des occupants et au plus tard jusqu'à la date limite fixée par la déclaration d'insalubrité ou l'arrêté de péril.
Une déclaration d'insalubrité, un arrêté de péril ou la prescription de mesures destinées à faire cesser une situation d'insécurité ne peut entraîner la résiliation de plein droit des baux et contrats d'occupation ou d'hébergement, sous réserve des dispositions du VII de l'article L.521-3-2…».
L’arrêté d’insalubrité ou de péril ne met pas fin au bail
Par ordonnance, le juge ordonne l’expulsion d’un locataire et de tous les occupants de son chef à la suite d’un arrêté d’insalubrité remédiable avec interdiction temporaire d’habiter. L’ordonnance est infirmée par la cour d’appel, l’arrêté d’insalubrité ne mettant pas fin au contrat de bail liant propriétaire et preneur (CA Douai : 15.12.05).
«L’arrêté d’insalubrité, motivé par la hauteur et la taille des pièces du logement, oblige le bailleur à mettre fin au bail et à reloger le preneur, …situation toutefois sans incidence sur l’obligation du bailleur de respecter ses obligations jusqu’à la fin du bail. Le bailleur ne pouvait se substituer à la justice en coupant l’eau et l’électricité dans le logement loué pour forcer le preneur à libérer les lieux. Ce faisant, il a manqué à l’obligation de délivrer au preneur un logement décent, prévue par l’article 1719 du Code civil. Par application de l’article 809 alinéa 2 du Nouveau code de procédure civile, le juge des référés était donc compétent pour ordonner au bailleur, sous astreinte, de rétablir l’eau et l’électricité et pour le condamner au paiement d’une indemnité provisionnelle en réparation du trouble de jouissance subi par le preneur» (astreinte de 200 euros par jour de retard, indemnité provisionnelle de 2 500 euros). Le bail portant sur un immeuble frappé d’un arrêté d’insalubrité irrémédiable court et ses dispositions doivent être respectées jusqu’au départ de ses occupants (CA Paris : 23.5.07).
Le locataire doit-il respecter le délai de préavis de congé de trois mois lorsqu’il veut quitter son logement insalubre ?
Cette question se pose, notamment, lorsque le preneur quitte son logement, insalubre, mais pas nécessairement à titre irrémédiable, sans avoir donné congé et respecté le préavis de trois mois prévu par l’article 12 de la loi du 6 juillet 1989, ni explicitement fondé le congé en application de l’article 1724 du code civil.
Trois arrêts récents rendus par des Cours d’appel viennent de répondre par la négative.
«Compte tenu de l’insalubrité du logement, attesté par rapport des services de la ville, les locataires n’avaient pas à respecter le délai de préavis de trois mois» (CA Metz : 8.9.05).
«Le logement ayant été déclaré insalubre et non louable en l’état, …., M. ne peut prétendre à un préavis» (CA Rennes : 8.5.06).
«Attendu, cependant, que le locataire n’a pas à respecter le préavis de départ légalement imposé lorsque le logement est insalubre», «qu’en conséquence, M., au regard de sa situation locative, était en droit de quitter les locaux loués sans avoir à respecter le délai légal initialement fixé à trois mois» (CA Chambéry : 23.1.07).
La Cour de cassation confirme cette nouvelle orientation : sur le fondement d’un manquement grave du bailleur à ses obligations, le locataire peut être dispensé de son préavis. Ainsi, le preneur n’est pas redevable d’un préavis dès lors qu’il quitte son logement en raison d’une coupure de l’alimentation en eau qui s’est prolongée sur plusieurs mois alors que le bailleur s’était engagé à rétablir l’alimentation en eau par décision de justice (Cass. civ III : 2.5.07).
Le bailleur ne peut donner congé pour vente lorsque le bail est prorogé de la durée de l’interdiction temporaire d’habiter, suite à arrêté de péril
Suite à un arrêté de péril, comportant une interdiction temporaire d’habiter, l’échéance du bail est prorogée. Dès lors, aucun congé pour vente ne peut être signifié au locataire tant que le bail n’est pas échu : «Cet article (CCH : L.521-2) indique également que dans les locaux frappés d’une interdiction temporaire d’habiter comme en l’espèce, la durée résiduelle du bail à la date du premier jour du mois qui suit celle de l’achèvement des travaux est celle qui restait à courir au premier jour suivant l’envoi de la notification de l’arrêté de péril ou de son affichage.
En définitive, cet article prévoit une prorogation du bail égale à la durée de l’arrêté portant interdiction d’habiter. La date d’échéance du bail est donc reportée d’autant, ce qui signifie bien que durant l’interdiction d’habiter, le bail est suspendu et par voie de conséquence, le bailleur ne peut faire notifier à son locataire un congé tant que l’interdiction d’habiter n’a pas été levée. Les consorts B seront donc déboutés de leur demande tendant à voir valider le congé notifié le 27 février 2004, à une période où l’arrêté de péril du 10 octobre 2003 était toujours en vigueur, empêchant ainsi de connaître la nouvelle date d’échéance du bail» (TI Tarascon : 24.2.05).
La mise en œuvre du congé pour vente suppose que le congé soit délivré pour la date d'échéance du bail (Loi 89 : art.15).
En l’espèce, la prise de l’arrêté de péril était antérieure à la conclusion du bail. Le bail a été conclu le 1 septembre 2003 pour une durée de 6 ans, et l’arrêté de péril n’a été notifié au locataire qu’au 1er juin 2010.
En signifiant le 6 février 2009, un congé pour vendre pour la date d'échéance du bail au 31 août 2009, le bailleur a délivré un congé pour une date prématurée. Les effets du bail, du fait de l’arrêté, sont reportés à la date pour laquelle il aurait dû être donné, soit le 31 août 2016 (CA Paris : 22.5.12).
Un bailleur peut-il donner congé pour reprise, ou pour vente, avant notification d’un arrêté ?
Juridiquement, le bail n’est suspendu qu’à compter du premier jour du mois suivant la notification d’un arrêté d’insalubrité ou de péril. De fait, certains bailleurs donnent congé avant que l’arrêté d’insalubrité ou de péril ait été pris ou notifié. En admettant que le délai de préavis de congé concorde avec la procédure d’insalubrité ou de péril, un tel congé est-il valable ?
En droit strict, la réponse peut être positive, à condition que, comme tout acte, celui-ci ait été fait de bonne foi, le juge contrôlant la bonne foi. Hors cas d’insalubrité ou de péril, à titre d’exemple, un congé pour reprise est nul lorsque le véritable motif est autre et qu’il y a donc fraude : «considérant que la fraude est caractérisée lorsqu’il est établi que l’intention du bailleur est d’évincer le locataire pour un motif autre que la reprise aux fins d’habitation» (CA Paris : 7.4.09).
En matière d’insalubrité et de péril, le même raisonnement peut être soutenu. En ce sens, un tribunal d’instance a déclaré nul un congé pour reprise effectué un mois avant la notification au bailleur d’un arrêté d’insalubrité. En l’espèce, le propriétaire d’un logement soumis à la loi de 1948 avait donné congé pour reprise personnelle (art.19) en janvier 2008 avec effet en juin 2008. Un arrêté d’insalubrité irrémédiable lui est notifié en février 2008. Le juge a considéré que ce bailleur, qui avait acheté ce logement, déjà vétuste, 10 ans auparavant, n’avait jamais effectué les travaux signalés par l’inspecteur de salubrité depuis plusieurs années, avait donné congé pour reprise personnelle au moment où il savait qu’un arrêté d’insalubrité lui serait très prochainement notifié. Dans ces conditions, le droit de reprise ne saurait être validé (TI Paris XX° : 5.5.09).
Situation de l'occupant sans droit ni titre
Conséquence du congé délivré avant arrêté
Le congé délivré au locataire met fin au bail. L’ arrêté postérieur à la résiliation du bail est sans effet sur la situation de l’occupant devenu sans droit ni titre et qui ne peut, par conséquent, revendiquer une obligation au relogement (CA Montpellier : 22.2.11).
Le bail conclu postérieurement à un arrêté d’insalubrité frappant un logement est nul
Le bail d’habitation doit être annulé pour réticence dolosive de la part du bailleur dès lors que celui a sciemment dissimulé l’état d’insalubrité de la maison louée, cette dernière ayant fait l’objet d’un arrêté d’insalubrité avant la conclusion du bail. A l’évidence, l’insalubrité est déterminante du consentement du locataire (TI Angers : 28.12.06). Les travaux prétendument effectués sont insuffisants et les factures qui en attestent douteuses6.
Note
6. Ces situations ne devraient plus survenir, au civil, l’ordonnance du 15.12.05 ayant précisé que des locaux vacants sous arrêté de péril ou d’insalubrité ne pouvaient pas être loués. Ces locations sont, aujourd’hui, pénalement sanctionnées.
Droits à dommages et intérêts et responsabilités
De nombreux juges octroient des dommages-intérêts pour trouble de jouissance lorsqu’un immeuble est insalubre : «Attendu que l’arrêté d’interdiction d’habiter justifie à lui seul la demande de dommages-intérêts pour trouble de jouissance» (CA Colmar : 14.12.05 ; CA Douai : 2.9.04).
Une compensation entre les impayés de loyers, 18 121 euros, dus par le locataire et les dommages-intérêts, 17 064 euros, dus par le bailleur du fait des désordres constatés et la non décence du logement peut être effectuée par le juge (CA Douai : 13.9.07).
Preuve du trouble de jouissance
Les rapports « explicites » de l’inspecteur de salubrité peuvent suffire pour permettre au juge d’apprécier les troubles de jouissance sans avoir à recourir à une expertise complémentaire (CA Paris : 8.4.08).
Sont retenus à titre de preuves du trouble de jouissance, le rapport du technicien des services sanitaires (mentionnant l'absence de ventilation suffisante de la maison, qui est à l'origine de l'humidité et de l'insalubrité par présence de moisissures) et le certificat médical produit par le locataire attestant qu'il souffre d'une affection chronique incompatible avec un environnement insalubre et des moisissures. Le bailleur est condamné à régler 5 000 euros aux locataires en réparation de leur préjudice de jouissance (CA Amiens : 3.4.12).
Reconnaissance du préjudice moral et matériel du locataire
Suite aux mauvais fonctionnements du système de VMC ayant entraîné une humidité des locaux loués et rendus les locaux insalubres, les juges ont reconnus le trouble de jouissance subis par le preneur. Celui-ci de santé fragile, se voit reconnaitre un préjudice moral du fait de l'insalubrité des locaux loués et des mauvaises conditions de jouissance du logement. Le bailleur doit réparer également le préjudice matériel subi (dégradation du mobilier) (CA Versailles : 14.2.12).
Partage de responsabilité entre le locataire et le propriétaire
Le juge peut apprécier le trouble de jouissance et en tirer les conséquences financières en partageant les responsabilités entre le bailleur et le preneur selon la nature des désordres et des causes d’insalubrité. Ainsi, a pu en juger une Cour d’appel en retenant une suroccupation du fait des locataires (11 personnes dans 74m2) ayant aggravé la dégradation de certains éléments du logement et relevant un manque de soin flagrant des occupants (CA Paris : 18.3.08).
La demande d’un locataire tendant à l’allocation de dommages-intérêts équivalant à la moitié des loyers et charges effectivement dus par lui et dont il est redevable, depuis son entrée dans un logement manifestement insalubre, selon constat d’huissier et un rapport d’insalubrité, jusqu’à la date de notification de l’arrêté d’insalubrité, a été admise. Cela a permis une compensation avec les sommes dues par le bailleur.
Dans cette même affaire, le juge a annulé la résiliation du bail prononcée en première instance estimant que «si les deux parties ont failli l’une et l’autre à leurs obligations, il convient de sanctionner en premier lieu la mise à profit par la bailleresse de l’hébergement dans des locaux insalubres et indignes, tout en percevant les aides publiques versées par la CAF, plutôt que la défaillance du locataire dans le paiement des loyers» (CA Douai : 6.11.08).
Responsabilité exclusive du locataire
Le rapprochement de l'état des lieux d'entrée et du constat établi à la libération des lieux démontre les nombreuses dégradations imputables à la locataire. Celle-ci doit payer le coût des réparations (1739 euros) et la perte de loyers résultant de l'impossibilité de relouer de suite le logement en raison des travaux de réparation nécessaires (530 euros, évaluée à un mois de location). La preuve de l'insalubrité du logement n'est pas apportée, le preneur doit alors être débouté de sa demande d'indemnisation pour troubles de jouissance (CA Versailles : 27.3.12).
Accès au logement
L’occupant est tenu d’autoriser l’accès à son logement aux services compétents, afin qu’ils puissent vérifier que le bien ne constitue pas un danger pour sa santé ou celle des voisins. Le juge accorde l’autorisation d’accéder à un logement dans la seule perspective de procéder au diagnostic technique et financier préalable à la prise d’un arrêté préfectoral d’insalubrité, et au besoin avec le concours de la force publique (Ordonnance référé, TGI Havre : 12.6.12).