Congé et obligation de relogement : application immédiate de la disposition abaissant l’âge du locataire à partir duquel il est protégé
Cass. Civ. III : 23.11.17
N° 16-20475
Un bailleur adresse un congé pour reprise, en date du 25 septembre 2014, à son locataire afin d’y loger sa fille. Ce locataire, âgé de 66 ans, soulève la nullité dudit congé au motif qu’il aurait dû bénéficier d’une proposition de relogement. En effet, la loi ALUR du 24 mars 2014 a modifié l’article 15 de la loi de 89 abaissant l’âge du locataire protégé de 70 ans à 65 ans. Le bailleur, au contraire, estime que cette nouvelle disposition ne peut pas s’appliquer à son contrat conclu antérieurement à cette loi. En appui de son pourvoi, le bailleur indique que l’article 15 précité ne figure pas au nombre des articles rendus applicables immédiatement aux baux en cours par les dispositions transitoires de la loi ALUR (art.14). Les arguments du bailleur sont rejetés par la Haute juridiction au motif que "la loi nouvelle régit immédiatement les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées". La Cour de cassation opère une distinction entre les dispositions impératives de la loi nouvelle qui s’imposent aux parties immédiatement et celles qui leur laissent la liberté de négocier.
Pour les dispositions impératives de la loi nouvelle, elles n’ont un effet immédiat que si la situation juridique considérée n’est pas encore née au moment de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle. En l’espèce, la modification de l’âge du locataire est considérée comme un impératif de protection et la date du congé, date à laquelle l’âge du locataire est apprécié, intervient après la date d’entrée en vigueur de la loi. Par ailleurs, dans son avis du 16 février 2015, publié au Bulletin, la Cour de cassation, sollicitée pour une question similaire au cas d’espèce, utilise cette jurisprudence et précise qu’elle se fonde sur l’article 2 du Code civil qui s’applique indépendamment de l’existence des dispositions transitoires prévues par l’article 14 de la loi ALUR. De plus, la Cour précise que le report dans le temps d’une loi nouvelle ayant un objectif de protection lui ferait perdre son efficacité et aurait abouti à la coexistence, pendant plusieurs années, de deux régimes distincts de clause résolutoire, ce qui aurait entraîné une inégalité de traitement des locataires selon la date de signature de leur bail. Cette analyse s’applique également à l’arrêt commenté.