Droits des occupants en cas de démolition du logement
Logement loué par un bailleur : démolition hors opération d'aménagement / droits des locataires / loi du 6.7.89
Les logements appartenant à des propriétaires privés, personnes physiques ou morales, et loués non meublés à usage d’habitation ou à usage mixte professionnel et d’habitation principale sont soumis à la loi du 6 juillet 1989.
Les logements exclus du champ d’application de la loi sont les locaux meublés, les logements-foyers,- les logements attribués ou loués en raison de l’exercice d’une fonction ou de l’occupation d’un emploi, les locations à caractère saisonnier ainsi que les locaux commerciaux ou professionnels et les logements utilisés à titre de résidence secondaire. Sont également exclus partiellement de cette loi les logements encore soumis à la loi du 1er septembre 1948 pour lesquels les locataires ou occupants bénéficient de mesures de protection proches du statut des locataires HLM.
L’une des principales caractéristiques de cette loi est de prévoir une durée minimale du contrat de location, de 3 ou 6 ans selon que le bailleur est une personne physique ou morale. Un congé ne peut être délivré au locataire qu’à l’issue de chaque terme du bail pour l’un des trois motifs suivant : vente du logement, reprise pour habiter, motif légitime et sérieux. Il ne peut y avoir de congé en cours de bail, si le propriétaire désire que le locataire quitte les lieux alors que le bail est en cours il devra saisir le tribunal. Faute de congé motivé dans les conditions prévues par la loi, le contrat est renouvelé.
Les dispositions de la loi de 1989 sont d’ordre public, on ne peut y déroger, elles s’appliquent même en l’absence de contrat écrit ou de clauses contraires prévues expressément dans le contrat.
Afin d’analyser la situation des locataires en cas de démolition de l’immeuble dans lequel se situe le logement loué sous l’empire de la loi du 6 juillet 1989, il faut tout d’abord connaître la durée du bail en cours et sa date d’expiration, puis étudier la possibilité d’une résiliation du bail en cours et enfin connaître les conditions et les modalités à mettre en œuvre pour donner congé au terme du bail.
Durée du contrat
La durée du contrat varie suivant la nature du bailleur.
Bailleur personne physique
Le bailleur doit proposer un contrat de trois ans minimum. Lorsque le bailleur est une société civile constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu’au quatrième degré inclus ou lorsque le logement est en indivision, la durée du contrat est également de trois ans minimum.
Exception : contrat d’une durée inférieure à trois ans (loi du 6.7.89 : art. 11)
Le bailleur personne physique peut, sous certaines conditions, proposer un contrat d’une durée inférieure à trois ans. Ce contrat ne peut toutefois être inférieur à un an.
Pour proposer un contrat d’une durée inférieure à trois ans, il faut qu’un événement précis justifie que le bailleur ait à reprendre le logement pour des raisons professionnelles ou familiales exclusivement. La démolition de l‘immeuble ne rentrant pas dans ces cas, il est impossible d’invoquer cette raison pour conclure un contrat pour une durée inférieure à trois ans.
Bailleur personne morale : contrat de six ans minimum
Lorsque le bailleur est une personne morale, le contrat de location est de six ans minimum, sauf s’il s’agit d’une société civile constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu’au quatrième degré inclus, auquel cas la durée peut être celle prévue pour un bailleur personne physique.
A défaut de congé donné par l’une ou l’autre des parties dans les formes et délais légaux le contrat est soit tacitement reconduit, soit renouvelé expressément pour une durée de trois ans lorsque le bailleur est une personne physique ou assimilé; pour une durée de six ans lorsque le bailleur est une personne morale.
Résiliation du bail en cours
En dehors d’un congé délivré dans les conditions légales au terme du bail, le contrat de location ne peut être rompu que par une résiliation judiciaire ou par la mise en jeu de la clause résolutoire.
La clause résolutoire
Elle permet de mettre fin de manière automatique au contrat en cas d’inexécution d’une obligation et en principe le juge ne peut en tempérer les effets.
Le nombre de situations permettant la mise en jeu de la clause résolutoire est limité aux cas suivants :
- défaut du paiement du loyer et des charges ; (dans cette hypothèse, depuis la loi du 29 juillet 1998, le juge peut suspendre les effets de la clause résolutoire et accorder des délais au locataire en situation de régler sa dette locative. Le juge peut prendre cette décision dans le délai de deux mois du commandement de payer ou après l’expiration de ce délai, que le locataire soit présent ou non à l’audience et qu’il demande ou non le bénéfice de cette mesure. Les délais sont accordés dans les conditions de l'article 1244-1 et suivants du Code civil, c'est-à-dire en considération de la situation du débiteur et des besoins des créanciers et pour une durée qui ne peut excéder deux ans) ;
- non versement du dépôt de garantie ;
- non souscription d’une assurance garantissant les risques locatifs ;
- non-respect de l'obligation d'user paisiblement des locaux loués, résultant de troubles de voisinage constatés par une décision de justice passée en force de chose jugée (loi sur la prévention de la délinquance du 5.3.07 : art. 18 / loi 6.7.89 : art. 4-g).
Résiliation judiciaire
Si l’une des parties ne respecte pas ses obligations, l’autre partie peut toujours exercer une action en justice auprès du tribunal d’instance :
- soit pour forcer l’autre partie à exécuter son obligation lorsque c’est possible,
- soit pour demander la résiliation du contrat avec dommages et intérêts.
Peut-il y avoir résiliation du bail pour cause de démolition ?
Les principales obligations du bailleur sont de délivrer au locataire le logement en bon état d’usage et de réparation, d’assurer au locataire la jouissance paisible du logement et de le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle, d’entretenir les locaux en état de servir à l’usage prévu par le contrat et d’y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l’entretien normal des locaux loués.
Il n’y a que si le logement est détruit en totalité par cas fortuit, c'est-à-dire par un événement irrésistible et imprévisible, que le bail est résilié de plein droit (Code Civil : art. 1722).
En conséquence, sauf cas d’expropriation du bien loué (cf. la démolition de logements en cas d’opération d’aménagement) le bail ne peut être résilié pour cause de démolition.
Dans l’hypothèse particulière d’une démolition suite à un arrêté d’insalubrité irrémédiable ou à un arrêté de péril, le bail ne prend fin qu’à la date du relogement définitif des occupants (cf. démolition de logements hors opération d’aménagement d’un bien appartenant à un propriétaire bailleur privé).
Congés au terme du contrat
Le bailleur ne peut pas donner congé en cours de bail, à moins que le locataire ne respecte pas ses obligations (cf. § résiliation du contrat).
Le bailleur a la possibilité uniquement à l’expiration du bail, de donner congé au locataire à condition que le congé soit motivé :
- soit par la reprise du logement aux fins d’habitation,soit par la vente,
- soit par un motif légitime et sérieux.
Une protection particulière est prévue pour les locataires âgés en cas de congé pour reprise, vente, ou motif légitime et sérieux (cf. § cas où le locataire est âgé de plus de 70 ans).
Congé pour vente (loi du 6.7.89 : art. 15 II)
Le congé doit être donné avec un préavis de six mois minimum avant le terme du contrat.
Le congé pour vente est assorti d’un droit de préemption en faveur du locataire. Seul le congé pour vente constitue le fait générateur du droit de préemption. Ainsi, lorsque la vente s’effectue en cours de bail, c’est à dire sans qu’un congé puisse être délivré, aucun droit de préemption ne peut être invoqué, sauf ceux applicables dans le cadre de la loi du 31.12.75 modifiée (loi du 13.6.06) : vente par lots consécutive à la mise en copropriété de l’immeuble, et vente de plus de dix lots en totalité et en une seule fois.
Motif légitime et sérieux
Le bailleur a la possibilité de donner congé à son locataire pour un motif légitime et sérieux, notamment l’inexécution par le locataire de l’une des obligations lui incombant.
Le congé doit être donné avec un préavis minimum de six mois avant le terme du contrat. Le congé doit pour être valable, indiquer le motif allégué ; celui-ci doit être un motif légitime et sérieux.
La démolition du bien est sans aucun doute un motif légitime et sérieux du congé.
La jurisprudence a d’ores et déjà admis que les travaux nécessités par l’état des parties communes, comportant l’amélioration des lieux, équipements, et nécessitant la libération de l’appartement constituent un motif légitime et sérieux de congé (Cass. Civ III : 7.2.96). Par ailleurs, en cas de litige sur la réalité et la sincérité du propriétaire de faire des travaux de démolition notamment, c’est au propriétaire de rapporter la preuve de ses intentions (CA Versailles 4ème Ch. : 13.12.91).
Protection des locataires âgés de plus de 70 ans et disposant de ressources inférieures à une fois et demie le montant annuel du SMIC (loi du 6.7.89 : art. 15 III)
En cas de congé pour reprise, vente, ou motif légitime et sérieux, le bailleur, âgé lui-même de moins de 60 ans ou dont les ressources annuelles sont supérieures à une fois et demie le montant annuel du SMIC, a l’obligation de fournir au locataire un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités et situé (loi du 1.9.48 : art. 13 bis) :
- dans le même arrondissement ou les arrondissements limitrophes ou les communes limitrophes de l’arrondissement où se trouve le local, objet de la reprise, si celui-ci est situé dans une commune divisée en arrondissements ;
- dans le même canton ou dans les cantons limitrophes de ce canton inclus dans la même commune ou dans les communes limitrophes de ce canton, si la commune est divisée en cantons ; dans les autres cas sur le territoire de la même commune ou d’une même commune limitrophe, sans pouvoir être éloigné de plus de 5 km.
L’âge du locataire et celui du bailleur sont appréciés à la date d’échéance du contrat ; le montant de leurs ressources est apprécié à la date de notification du congé.
Conclusion
En cas de projet de démolition d’un logement loué dans le cadre de la loi du 6 juillet 1989, il ne peut y avoir de congé en cours de bail. Au terme du bail un congé pour motif légitime et sérieux, fondé sur la démolition, peut être délivré dans les conditions de formes et de délais légaux. Certains locataires âgés de plus de 70 ans bénéficient d’un droit au relogement à la charge du bailleur.