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L’augmentation de la part des ménages âgés explique en grande partie la progression du taux de propriétaires occupants

ANIL, extrait d'Habitat Actualité, juillet 2012

Après avoir stagné pendant une dizaine d’années, le taux de propriétaires occupants parmi les ménages français est de nouveau en augmentation quoique de façon modérée, depuis la deuxième partie des années 1990. Cette reprise est due pour une part à l’augmentation du nombre de nouveaux accédants : selon les enquêtes Logement de l’INSEE, 650 000 ménages en moyenne ont accédé à la propriété chaque année de 2002 à 2005, contre 480 000 de 1998 à 2001 et 360 000 de 1993 à 1996.
Cependant, d’autres facteurs, plus complexes, interviennent dans cette progression. L’un des plus importants est l’évolution de la structure par âge de la population. La part des ménages dont la personne de référence est âgée de 65 ans ou plus est de 26,3 % en 2006, elle n’était que de 22 % en 1984. C’est la conséquence de l’allongement de la durée de la vie, mais aussi de l’avancée en âge des classes issues du baby boom. Or cette génération, qui a atteint la trentaine vers 1975, a accédé à la propriété en masse dans le contexte économique euphorique de la fin des trente glorieuses et alors que les prix immobiliers évoluaient de façon très modérée. En vieillissant, elle remplace des ménages moins nombreux et moins fréquemment propriétaires. Ce phénomène est illustré par le graphique ci-après, où l’on voit que c’est parmi les plus de 65 ans que le taux de propriétaires a, de loin, le plus augmenté. A l’opposé, il a baissé parmi les plus jeunes et tend également à reculer chez les 35-44 ans. Le nombre de ménages propriétaires a augmenté de 50 % entre 1984 et 2006, mais son évolution est très différente selon la tranche d’âge : s’il a fait plus que doubler chez les 70 ans et plus, ainsi que pour la tranche 65-69 ans, sa progression a été nettement moindre (50 % environ) chez les 45-59 ans et surtout il a diminué chez les moins de 40 ans.

De même que la baisse de la nuptialité, dont l’interprétation - recul de l’âge au mariage ou désaffection pour celui-ci - a agité les démographes à partir des années 1970, on peut s’interroger sur les facteurs à l’œuvre dans l’évolution de l’accession à la propriété. A coup sûr, il ne s’agit pas ici de désaffection, tant le désir de devenir propriétaire continue à se manifester avec force au travers des différentes enquêtes. C’est donc plutôt à l’évolution des conditions de l’accession à la propriété qu’il faut attribuer ce tassement parmi les jeunes ménages. Malgré l’allongement de la durée des prêts et le bas niveau des taux d’intérêt, l’augmentation des prix (doublement en euros constants entre 1996 et 2007) s’est traduite par un alourdissement de la charge des accédants, notamment pour les plus modestes. Selon une récente étude(1), le coût moyen des opérations représentait en 2010 près de 8 années de revenu pour les ménages pauvres (1er décile de revenu par unité de consommation) et près de 7 années pour les ménages modestes (2ème et 3ème déciles). Plusieurs études ont par ailleurs souligné la difficulté croissante de franchir le pas du statut de locataire à celui de propriétaire, l’écart de revenu s’étant creusé au cours des 20 dernières années. Il ne faut donc pas s’attendre, dans les années à venir, à une progression sensible du taux de propriétaires, sauf à envisager une rapide baisse des prix de l’immobilier. Même dans ce cas, les sombres perspectives en matière de croissance économique et la dégradation de l’emploi freineront l’accession à la propriété.

Rappelons que dans plusieurs pays, notamment les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’Espagne, le taux de propriétaires a diminué au cours des années récentes, après une très longue période de progression. Aux Etats-Unis (graphique ci-après), l’évolution des taux de propriétaires par tranche d’âge présente d’ailleurs une certaine similitude avec celle observée en France : la baisse, plus marquée pour les jeunes générations, atteint également depuis 2009 tous les ménages de moins de 65 ans, et c’est le fort taux de propriétaires parmi les plus âgés - la génération du baby boom – qui a tempéré la baisse générale.

Certes, la France n’est pas les Etats-Unis. Les critères d’octroi du crédit à l’habitat y sont beaucoup plus stricts et l’emprunteur bien mieux protégé, ce qui explique qu’elle n’ait pas connu d’augmentation sensible du nombre de défaillances. Cependant, les mêmes facteurs démographiques sont à l’œuvre dans les deux pays, avec des conséquences similaires sur l’évolution de la part des propriétaires, amplifiées aux Etats-Unis par l’impact de la crise des subprime qui a mis en difficulté un grand nombre d’accédants récents.

Evolution du taux de propriétaires occupants par tranche d’âge aux Etats-Unis

Note

(1) Michel Mouillart, "L’accession à la propriété des ménages pauvres et modestes", La lettre de l’ONPES, mai 2012.

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