Revenu, patrimoine et aides à l'accession à la propriété
ANIL, extrait d'Habitat Actualité, mai 2011
En matière d’accession à la propriété, l’aide à la pierre est distribuée en fonction du revenu du ménage bénéficiaire. La suppression du plafond de ressources avec la mise en place du PTZ+ ne remet pas en cause ce principe, puisque le montant de la subvention implicite qu’il véhicule est d’autant plus élevé que le «quotient familial» de revenu du ménage est plus faible.
Les critères d’éligibilité tiennent cependant compte du patrimoine des ménages, dans la mesure où ils réservent l’aide aux primo-accédants, excluant donc ceux qui sont propriétaires de leur résidence principale. Notons au passage que le fait d’être propriétaire d’un logement locatif ou d’une résidence secondaire n’empêche pas de bénéficier du PTZ+.
Il reste que si l’immobilier constitue la plus grande part du patrimoine des salariés (56% en 2004 selon l’enquête patrimoine des ménages de l’INSEE), ces derniers détiennent aussi des actifs financiers. D’une façon générale, s’il existe une relation entre le revenu et le patrimoine, celle-ci est plutôt lâche comme le montre le tableau ci-dessous extrait d’une récente publication(1) de l’INSEE.
Montants de patrimoine
Caractéristiques du ménage | Patrimoine moyen | Patrimoine médian (D5) | 1er décile (D1) | 9ème décile (D9) |
Revenu disponible | ||||
Premier quartile | 97 300 | 21 500 | 600 | 235 600 |
Deuxième quartile | 138 600 | 78 600 | 2 300 | 311 500 |
Troisième quartile | 208 400 | 135 700 | 7 000 | 443 100 |
Quatrième quartile | 437 700 | 261 600 | 58 400 | 910 300 |
Le patrimoine médian augmente, certes, fortement avec le revenu, mais au sein d’un même quartile de revenu disponible la dispersion est importante : ainsi, dans le deuxième quartile, dont on peut considérer que les ménages qui le composent sont la cible principale de l’aide à l’accession, l’écart est considérable entre le premier et le neuvième décile de patrimoine (respectivement 2 300 et 311 500 €).
D’autre part, et peut-être surtout, la capacité de financement d’un ménage ne dépend pas seulement du revenu et du patrimoine du ménage concerné, mais aussi de celui de sa famille : on sait en effet le rôle que peut jouer l’aide familiale dans la constitution de l’apport personnel, notamment dans les zones chères. En 2006, les accédants parisiens ayant obtenu un PTZ avec différé disposaient en moyenne d’un revenu mensuel de 2 000 € et d’un apport personnel de 47 000 € ! Nul doute que cet apport provenait pour une plus large part de la famille que de l’épargne des ménages concernés. Exiger une déclaration de patrimoine du ménage ne suffirait donc pas à assurer l’équité de la distribution de l’aide.
De surcroît, certains des bénéficiaires du PTZ profitent d’un effet d’aubaine du fait de la progression de leur revenu. Cela tient au fait que le document attestant des ressources est le dernier avis d’imposition, émis avec un délai de plus de six mois après la fin de l’année de perception du revenu. Le profil des PTZ+ accordés l’année n est donc déterminé en fonction des ressources de l’année n-2. Pendant ces deux années, le revenu a pu augmenter, notamment dans le cas des jeunes ménages en début de parcours professionnel. Cette progression est surtout importante pour les ménages à faible revenu, comme le constate la Société de gestion du fonds de garantie de l’accession sociale.
Evolution du revenu des bénéficiaires du PTZ entre l’année n-2 et l’année n (PTZ émis de janvier à mai 2009)
Tranches de revenus | Revenu mensuel moyen n | Evolution par rapport à n-2 |
Tranche 1 | 1 880 | 79 % |
Tranche 2 | 2 200 | 33,3 % |
Tranche 3 | 2 530 | 25,2 % |
Tranche 4 | 2 960 | 16,1 % |
Tranche 5 | 3 690 | 8,5 % |
Ensemble | 2 570 | 26,6 % |
Source : SGFGAS
Comment, dans ces conditions, faire en sorte que l’aide soit répartie en fonction du besoin réel qu’en ont les candidats à l’accession ? Il existe un système d’aide qui permet au moins de gommer l’inconvénient lié à l’évolution du revenu : celui de l’aide personnelle, qui prend en charge une partie du remboursement des mensualités d’emprunt et dont le montant est révisé chaque année en fonction de l’évolution du revenu. Les aides personnelles ont joué un rôle majeur dans le financement de l’accession sociale à la propriété au cours de la première partie des années 80, mais l’explosion de leur coût a conduit par la suite à jouer sur les barèmes pour enrayer la dérive budgétaire. De plus, au cours des dix années d’augmentation des prix à partir de 1997, le montant de l’aide versée n’a pas suivi la hausse. Le pouvoir solvabilisateur de l’APL et de l’AL s’est de ce fait fortement érodé et le nombre de ménages susceptibles d’en bénéficier a diminué, de sorte que ces aides ne jouent plus aujourd’hui qu’un rôle marginal.
Afin de limiter les effets d’aubaine, le barème du PTZ+ intègre un plafonnement du montant de l’opération pris en compte dans le calcul à 10 fois le revenu fiscal de référence. Mais ce plafonnement ne joue que dans des cas extrêmes. Sans aide et sans apport personnel, un ménage s’endettant à 4% sur 25 ans au maximum admis par les établissements prêteurs peut viser une opération représentant 5,2 fois son revenu courant, soit 5,8 fois son revenu fiscal de référence s’il s’agit d’un salarié. Le facteur 10 du barème est donc très élevé et ne peut être atteint qu’avec un revenu très faible ou avec un apport personnel d’au moins 40%. Pour agir de façon plus large, le facteur devrait être de l’ordre de 6 ou 7. En outre, la limitation ne joue pas sur les conditions de remboursement (durée du prêt et pourcentage de différé d’amortissement).
Une autre formule consisterait à corriger le revenu pris en compte en fonction du montant de l’opération, en instituant un revenu minimum égal à une fraction de ce montant, par exemple un sixième. Ainsi, le revenu fiscal de référence d’un ménage réalisant une opération de 300 000 € serait réputé au moins égal à 50 000 €. Appliquée de façon systématique, cette correction permettrait de limiter l’avantage accordé aux accédants dont le revenu a très fortement augmenté ou disposant d’un très gros apport personnel, rien n’empêchant d’ailleurs, pour tenir compte des disparités de prix, de moduler le coefficient selon la zone.
Note
(1) Les revenus et les patrimoines des ménages, INSEE références, édition 2011.