Les ménages menacés d'expulsion locative dans le Gard : profil et parcours logement
Mars 2011
Se situant au carrefour de l’action sociale et du traitement judiciaire, la question des expulsions locatives mettait en œuvre, jusqu’à la récente mise en place des Commissions de Coordination des Actions de Préventions des Expulsions (CCAPEX), un jeu d’acteurs complexe, dont chacun ne possédait qu’une information partielle sur les ménages en situation d’expulsion.
Pourtant, la connaissance de ces ménages, de leur situation, des éléments qui les ont conduits à ne plus pouvoir assurer le paiement de leur loyer, représente un enjeu majeur pour l’amélioration de la prévention des expulsions. C’est l’objectif initial de cette enquête, impulsée par l’ANIL en 2009, dans un contexte de crise économique dont l’acuité a pu mettre en péril le fragile équilibre financier, non seulement des plus démunis, mais aussi des salariés précaires et de certains travailleurs indépendants.
Dans le département du Gard, un travail partenarial considérable, source de nombreux échanges entre les principaux acteurs institutionnels, avait été mis en place depuis plusieurs années autour de la question de la prévention des expulsions. C’est cette armature institutionnelle qui a permis d’apporter un éclairage sur les caractéristiques des ménages
« menacés d’expulsion », et sur leur parcours résidentiel.
Dans cette enquête, l’ADIL du Gard s’est intéressée au profil des ménages menacés d’expulsion : Qui sont-ils ? Où vivent-ils ? Quelles sont les causes de l’impayé de loyer ? La procédure d’expulsion, et les pratiques des différents intervenants, ont été analysées étape par étape. Le parcours des ménages, à partir du départ du logement concerné par la menace d’expulsion, a été suivi jusqu’en décembre 2009.
Il ressort de cette étude que plus de la moitié des ménages « menacés d’expulsion » sont locataires du parc privé ; ces derniers, assignés pour une dette locative dont l’ancienneté est inférieure à 2 ans, occupent en grande majorité leur logement depuis plus de 4 ans.
La menace d’expulsion frappe principalement les tranches d’âge correspondant au milieu de la vie d’adulte (25-54 ans), les jeunes de moins de 25 ans et les personnes âgées de plus de 65 ans étant très faiblement représentées (3 et 5% des ménages). Ce sont les personnes seules qui sont les plus touchées (48%), le reste de la population observée se répartissant entre les couples avec ou sans enfant (25%) et les familles monoparentales (27%).
L’analyse socioéconomique des ménages menacés d’expulsion montre que 35% d’entre eux sont des salariés dont le revenu médian est de 1200 euros, tandis que 53% sont au chômage ou sans activité. 45% des ménages enquêtés perçoivent une allocation liée à la précarité (RMI, AAH, API), et plus des deux tiers perçoivent des revenus mensuels inférieurs au niveau du SMIC. En moyenne, 56% des revenus de ces ménages sont consacrés au paiement du loyer.
Seulement la moitié des ménages a pu être rencontrée dans le cadre d’une enquête sociale avant audience. Il existe pourtant une évidente corrélation entre la rencontre avec un travailleur social et sa présence à l’audience : le taux de ménages comparants est nettement influencé par la participation à l’enquête sociale : 75% des ménages n’ayant pas fait l’objet d’une enquête sociale ne vont pas à l’audience, alors qu’ils ne sont plus que 46% parmi ceux qui ont répondu à l’enquête sociale. Très peu (10%) sont représentés par un avocat, alors qu’ils sont plus de la moitié à percevoir des revenus leur permettant de bénéficier de l’aide juridictionnelle.
Pour 57% des ménages, les juges ont prononcé une expulsion sans délai ; pour 33% d’entre eux, ils ont accordé des délais de paiement, et pour 10% d’entre eux, des délais de relogement.
L’observation des parcours résidentiels montre que la menace d’expulsion est réellement un facteur de départ : seule 14% de la population étudiée a pu se maintenir dans le logement sur lequel pesait initialement cette menace. Les autres ménages ont quitté le logement à différentes étapes de la procédure : plus de la moitié d’entre eux (51%) ont quitté leur logement avant la demande de réquisition de la force publique, un quart d’entre eux (25%) est parti au moment de la demande de réquisition de la force publique, 9 % sont partis après l’octroi mais avant l’expulsion effective avec concours de la force publique, et 15% des locataires ont quitté leur logement à la date programmée d’expulsion, avec l’intervention effective de la force publique.
En 2008, le Fond de Solidarité Logement (FSL), conçu dans le Gard pour intervenir le plus en amont possible des difficultés de paiement, a engagé près de 800 aides financières pour le maintien des ménages gardois dans leur logement. Cependant, seuls 28 ménages (soit 14% des ménages observés dans cette enquête) l’ont sollicité au stade de la menace d’expulsion (délivrance du CQL).
L’analyse du parcours résidentiel des ménages après le départ du logement sur lequel pesait la menace d’expulsion montre que ce départ est souvent suivi d’une période d’hébergement sans que les données statistiques puissent réellement l’identifier.
Entre le début de la procédure, démarrée pour la plupart en 2007 et 2008, et la fin de l’année 2009, près de 70% des ménages ont retrouvé un logement autonome après avoir quitté le logement dont ils risquaient d’être expulsés. Une grande majorité d’entre eux s’est relogée dans le parc privé et est restée dans sa commune d’origine.
A la fin de la période d’observation (décembre 2009), 14% des ménages menacés d’expulsion n’étaient toujours pas parvenus à accéder à un logement autonome.
Depuis le mois de janvier 2011, des Commissions de Coordination des Actions de Préventions des Expulsions (CCAPEX) sont mises en place dans chaque département. Rendues obligatoires par la loi du 25 mars 2009 (loi Boutin), ces commissions ont pour objectif d’optimiser le dispositif de prévention des expulsions en coordonnant l’action des différents partenaires concernés , tout en repositionnant le ménage au cœur du dispositif. Leur création entraîne, de plein droit et de façon concomitante, un transfert des compétences des Commissions Départementales des Aides Publiques au Logement (CDAPL) aux organismes payeurs, les Caisses d’allocations familiales et la Mutualité sociale agricole.
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