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Les enjeux de l'accession à la propriété aux yeux des ménages

Une enquête des ADIL, décembre 2009


Les accédants français ont, pour l’heure, été préservés des conséquences de la crise financière et immobilière mondiale. Cela ne les place pas à l’abri des conséquences de la crise économique et de la montée du chômage, mais cela met en lumière les vertus de certaines des caractéristiques de la filière française de l’accession à la propriété. En particulier, la preuve est faite que, dans une économie mondialisée, la réglementation des produits et les dispositions de protection du consommateur sont restées efficaces. A cet égard, la lecture de la littérature économique des pays les plus bousculés par la crise, Etats-Unis, Grande Bretagne, Espagne, montre que de très nombreux auteurs s’accordent, a posteriori, sur le caractère primordial de l’information des accédants dans la sécurisation des opérations d’accession, qu’il s’agisse de sécurité des accédants ou de sécurité des créances. L’ignorance des emprunteurs quant aux conséquences des engagements qu’ils souscrivaient a, en effet, lourdement pesé dans la crise des subprime.

S’inspirant d’un type d’études fréquemment mené à l’étranger sur la culture économique et financière des ménages, le réseau des ADIL a procédé, du 20 octobre au 5 novembre derniers, à un sondage auprès de ses visiteurs. Ceux-ci, en attendant leur entretien avec un conseiller, étaient invités à remplir un questionnaire qui mêlait les questions de connaissance, d’opinion et de préférence. L’objet était de cerner les a priori à l’égard de l’accession à la propriété, l’appréhension des enjeux et plus particulièrement la façon dont est perçue la logique de l’endettement. 2 478 questionnaires ont été remplis au cours de ces quinze jours. Cet échantillon n’a aucune prétention à la représentativité ; les réponses ont été simplement réparties en deux catégories selon qu’elles émanaient d’un candidat à l’accession à la propriété d’un logement, quel que soit son statut actuel, ou d’un visiteur déjà propriétaire de son logement.

Quatre constats forts ressortent de l’analyse des questionnaires.

Une incompréhension des mécanismes du crédit

Les personnes consultées perçoivent parfaitement le fait que l’accession est une opération qui engage le long terme. Le crédit est au cœur de l’opération. Mais là réside la principale difficulté. Une question simple était posée : « Si j’ai droit à un PTZ de 50 000 € sur 20 ans, je préfère : 1. Le rembourser progressivement – 2. Le rembourser en une fois au terme des 20 ans ».  
Dans un des cas, l’aide de la collectivité est presque 3,5 fois plus élevée que dans l’autre. Et pourtant 81 % des personnes consultées préfèrent la formule d’un remboursement progressif (84 % parmi ceux qui viennent à l’ADIL pour un projet d’accession). C’est toute l’intelligence, en termes de communication, du prêt à taux 0 : il permet à près de 70 %  de la population française de pouvoir bénéficier d’un prêt gratuit d’un montant identique. En réalité, du fait des modalités de remboursement définies, le montant de l’aide varie très fortement selon le niveau des ressources des emprunteurs. Il n’y a là aucune tromperie s’agissant d’une modalité de distribution de l’aide publique, mais cet exemple illustre le fait que le particulier n’est pas en mesure d’arbitrer entre des produits financiers sophistiqués. Or les montages destinés aux emprunteurs les plus modestes associent une multiplicité de prêts assortis de taux et de profils de remboursement divers. La loi française limite sérieusement les risques, mais on a pu voir, lors de la hausse des taux de 2007, que nombre des emprunteurs qui avaient souscrit des prêts à taux variables, n’avaient absolument pas compris leurs règles d’évolution. Dans tous les pays, les enquêtes sur les connaissances des ménages parviennent à des résultats du même ordre. Il a fallu la crise des subprime pour que l’on découvre, pour s’en émouvoir, que les emprunteurs n’avaient aucunement pris la mesure des engagements qu’ils avaient souscrits.

Une méfiance à l’égard de l’endettement

Mais ce qui est vraiment caractéristique de l’attitude française, c’est la forte méfiance à l’égard de l’endettement que dénote le fait de vouloir rembourser le plus rapidement possible, même s’il s’agit d’un prêt sans intérêt. Une autre question l’illustre encore mieux : à la condition d’en avoir les moyens, 55 % des visiteurs disent vouloir rembourser leur emprunt « dès qu’ils peuvent » (61 % des candidats à l’accession et 49 % des personnes déjà propriétaires), et seuls 16 % déclarent qu’ils poursuivraient leurs remboursements jusqu’au terme du prêt (15 % des candidats et 20 % des propriétaires).  A noter que seuls 11 % n’envisagent un remboursement anticipé que s’ils revendent leur logement, donc contraints. Certains ont cru voir dans l’allongement général de la durée des crédits qui a accompagné de 1996 à 2006 le mouvement de baisse des taux, une évolution de l’attitude des Français à l’égard du crédit. Il s’agissait avant tout d’un phénomène d’offre. Les prêteurs ont présenté cette évolution de leurs produits comme un service rendu aux ménages, destiné à leur permettre de s’adapter à la hausse des prix. Ce faisant, ils l’ont alimentée. Ils ont été encouragés par les pouvoirs publics qui ont permis cet allongement pour les prêts réglementés. Les taux d’effort des plus modestes restant calibrés sur la première année, leur effort global s’est trouvé alourdi, puisque supporté sur une durée plus longue.  Or ce que montrent les réponses des ménages, c’est la volonté de se désendetter le plus rapidement possible. On est loin de la gestion active de leur endettement par les ménages qui empruntent sur de longue durée, voire en ne payant que les intérêts, et qui font chaque année des arbitrages entre amortissement et autres dépenses.

Une conception patrimoniale de la propriété

Cette méfiance à l’égard de l’endettement va de pair avec une conception de la propriété qui suppose l’absence de dette. A la question « Quand serai-je vraiment propriétaire ? », le nombre des personnes interrogées qui affirment devenir propriétaires immédiatement est égal à celui des personnes qui pensent ne devenir propriétaires qu’à l’issue du remboursement du prêt : respectivement 43 % et 42 %.  
On passera outre les autres réponses surprenantes – au bout de 5 ou 10 ans, ou bien lorsque la moitié du capital est remboursé, par exemple. Cette question comportait volontairement une ambiguïté. Juridiquement, l’accédant est parfaitement propriétaire dès la signature du contrat, mais il n’est pas faux de considérer qu’au démarrage de son opération, son actif net se réduit au montant de son apport personnel, lorsqu’il existe. Les réponses illustrent le fait que, pour l’accédant français, la propriété c’est à la fois un statut qui garantit la liberté d’usage et de disposition de son bien, le choix d’un type de logement, voire de quartier, mais aussi la propriété patrimoniale de la valeur représentée par son logement, libérée de toute dette. L’hypothèque rechargeable n’est pas prête de rentrer dans les mœurs en France. Vu d’ici, l’accédant, c'est-à-dire le propriétaire occupant qui n’a pas fini de rembourser la banque n’est pas pleinement propriétaire. La progression mondiale du nombre de propriétaires, si l’on excepte les anciens pays socialistes, c’est la progression de l’accession et donc de l’endettement. Si les modèles les plus avancés, notamment ceux des pays anglo-saxons comptent une forte proportion de propriétaires occupants, nombre d’entre eux restent en permanence locataires d’argent auprès de la banque. En France, la collectivité est lourdement endettée, les ménages très peu.

L’appréciation des risques : d’abord le chômage

Quels sont les risques majeurs pesant sur une opération d’accession ? La crainte du chômage y apparaît au premier plan (30 %), bien avant le divorce ou la séparation des couples (15 %). Il est logique que les couples engagés dans un projet d’accession n’évoquent pas spontanément le divorce ; Toujours est-il que la pondération des risques anticipés ne recoupe pas du tout les informations que donnent les établissements de crédit sur les causes de sinistres. Quel que soit l’objet de la visite à l’ADIL des personnes sondées, et qu’ils soient locataires ou déjà propriétaires, ces proportions sont identiques. Le risque de perte d’emploi semble le principal souci de l’emprunteur. Il convient de répondre.

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