Prêts immobiliers et assurances emprunteurs : vers la vérité des prix
ANIL (avec le concours de l'Observatoire des Pratiques du Conseil National de l'Habitat), extrait d'Habitat Actualité n° 99, janvier 2007
Le marché de l'assurance des emprunteurs devient de plus en plus concurrentiel. Face aux contrats de groupe mis au point par les établissements prêteurs, les emprunteurs disposent d'alternatives. Depuis longtemps déjà, la plupart des mutuelles de fonctionnaires proposent à leurs adhérents des assurances à des tarifs inférieurs à ceux des contrats de groupe. Plus récemment, on a vu apparaître et se développer une offre d'assurances individuelles auprès de compagnies concurrentes. Ces assurances visent la clientèle à faible risque à laquelle elles proposent des tarifs très attractifs. Cette politique repose évidemment sur une démutualisation des risques : les emprunteurs jeunes et bien portants paient moins cher, mais les emprunteurs à plus fort niveau de risque se voient appliquer des tarifs prohibitifs et sont de facto rejetés vers les assurances de groupe. Pour lutter contre l'anti-sélection, ces dernières ont réagi en proposant des tarifs différenciés en fonction de l'âge de l'emprunteur. Mais comme une tarification proportionnelle au risque réel conduirait à exclure, ou du moins à faire payer très cher, les ménages plus âgés que la moyenne des emprunteurs (et pas seulement les très âgés), leurs tarifs restent supérieurs à ceux des assurances individuelles pour les emprunteurs à faible risque.
Un pas supplémentaire est franchi avec le développement sur Internet du courtage en assurances emprunteurs. Les courtiers proposent à des tarifs attractifs des contrats " personnalisés ". Toutefois, leurs arguments de vente ne se limitent pas au prix, même si c'est incontestablement le facteur essentiel dans la décision des emprunteurs. Ils mettent également en avant la qualité des garanties invalidité et incapacité de travail : on sait en effet que c'est lorsqu'il s'agit de mettre en œuvre ces garanties que les difficultés sont les plus fréquentes.
Les établissements de crédit généralistes voient d'un mauvais œil cette évolution, car cela remet en cause leur propre politique de tarification. En effet, le crédit proprement dit est vendu sans marge bénéficiaire, voire à perte, et la commission que perçoivent les établissements sur l'assurance décès-invalidité est un élément essentiel de leur rémunération. C'est ce qui explique que dans certains établissements, le taux nominal du crédit est plus élevé si l'emprunteur ne souscrit pas l'assurance de groupe proposée. Autrement dit, la sous-facturation du crédit est compensée par une sur-facturation des assurances de groupe, et si l'emprunteur s'assure individuellement, le prêteur doit vendre le crédit plus cher.
D'une façon générale, le marché français du crédit immobilier manque de clarté dans l'affichage des prix : pour les banques généralistes, dont la position est largement dominante, les prêts immobiliers sont des produits d'appel qui permettent non seulement de vendre un contrat d'assurance décès-invalidité, mais également de proposer ensuite au client d'autres services bancaires ou contrats d'assurances (le nombre de produits vendus à un emprunteur serait en moyenne de sept). C'est la raison pour laquelle ces établissements attachent tellement d'importance à la domiciliation du salaire des emprunteurs. Certains d'entre eux ont d'ailleurs mis au point des contrats de prêts qui prévoient une augmentation du taux si l'emprunteur interrompt la domiciliation de ses revenus.
Si, comme il n'est pas interdit de le penser, le courtage en assurances connaît le même succès que le courtage en prêts immobiliers, le découplage de la vente du prêt et de celle de l'assurance pourrait inciter les établissements financiers à s'engager vers une politique de vérité des prix : la conséquence serait, sans aucun doute, l'augmentation des taux nominaux du crédit.