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Bientôt des "subprime lenders" en France ?

Anil, Habitat Actualité, juillet 2007
(Avec le concours de l'Observatoire des Pratiques du Conseil National de l'Habitat)


Le Président de la République a demandé à Christine Lagarde, Ministre de l’économie, des finances et de l’emploi de préparer des propositions pour faciliter l’accès au crédit du plus grand nombre, en particulier afin de permettre à ceux qui ont des revenus irréguliers d’emprunter pour accéder à la propriété. C’était l’un des objets de la mission confiée par le Directeur général de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction et le Directeur général du Trésor et de la politique  économique à Claude Taffin et à Bernard Vorms. Or leur rapport est rendu public au moment même où la crise des « subprime lenders » aux Etats-Unis révèle les difficultés éprouvées par certains emprunteurs américains, parmi les plus fragiles, pour faire face à leurs charges de remboursement. Les « subprime lenders » sont en effet des établissements qui prêtent très cher à des clients qui présentent des risques particulièrement élevés. En Grande Bretagne, l’autorité de contrôle des services financiers vient également de consacrer un rapport sur les abus des « subprime lenders » et des courtiers qui commercialisent leurs produits. Ce rapprochement inspire plusieurs questions. La première consiste à se demander si élargir l’accès au crédit revient nécessairement pour les prêteurs, et partant pour les accédants, à accepter des risques plus importants ? Certes, il est possible d’inciter les établissements à assouplir leurs règles de recevabilité et cela peut se traduire par une hausse du niveau de la sinistralité. Le Fonds de garantie de l'accession sociale obéit partiellement à cette logique. Les primo accédants de revenus modestes peuvent présenter un risque plus élevé que les ménages aisés ; pour leur permettre d’emprunter à des conditions identiques à celles dont bénéficient les ménages aisés, le Fonds couvre la perte des établissements de crédit qui résulte des sinistres. Mais il le fait dans des conditions très encadrées et dans les limites d’un taux de sinistralité de référence. Ce taux peut être considéré comme représentant le niveau de sinistralité admissible en France aujourd’hui, aux yeux de l’Etat et des prêteurs, donc jugé socialement admissible et, dans ces limites strictement définies. Mais il est également possible de s’attacher à lever les obstacles spécifiques qui écartent certaines catégories d’emprunteurs. C’est l’optique des rapporteurs qui se sont concentrés sur deux types d’accédants actuellement rejetés, non parce que leurs revenus seraient insuffisants, mais parce qu'ils ne peuvent faire la preuve de leur régularité ou encore parce que leur âge leur interdit de souscrire une assurance décès invalidité. Dans les deux cas, les solutions proposées visent à permettre une approche du crédit prenant en compte de façon plus équilibrée, à la fois les revenus de l'emprunteur et la valeur du logement financé.
Mais alors, les mesures proposées sont-elles de nature à favoriser l’apparition de « subprime lenders » en France ? Comment s’explique déjà le fait qu’il n’en existe pas à ce jour ? Souvent mise en avant, l’attention que portent les prêteurs français au risque de réputation ne constitue pas une explication satisfaisante. En Grande Bretagne ou aux Etats-Unis, les grandes banques qui ont pignon sur rue, les « high street lenders », ne sont pas non plus indifférentes à leur réputation et elles délèguent à des filiales l'activité « subprime ». En tout état de cause, le souci qu’ont les banques françaises de leur image ne suffirait pas à expliquer l’absence d’établissements étrangers sur ce créneau, a fortiori l’échec de ceux qui ont tenté de s’implanter en France. Le contrôle social y a sa part : on se souvient de l'échec des magasins Crazy George qui vendaient des meubles et de l’électroménager exclusi-vement à crédit à des populations très modestes et qui ont été contraints de fermer boutique avant même d’avoir eu le temps de générer des sinistres. Mais l’essentiel est ailleurs. Il tient en partie à l'objet des prêts hypothécaires « subprime » qui sont pour une large part consacrés à financer autre chose que l'accession à la propriété et qui correspondent le plus souvent à de l’extraction hypothécaire. Or aucune offre de ce genre n’est encore apparue en France, bien que le cadre légal de l’hypothèque rechargeable, au demeurant très restrictif, soit en place depuis 2006. Mais surtout, l'existence d'un plafonnement légal des taux rend impossible l’équilibre de l’activité « subprime » : un risque très élevé suppose un taux très élevé, que la législation sur l'usure interdit de pratiquer en France. D'une certaine façon, la France préfère l'exclusion à la tarification. Or, si les modalités actuelles de la détermination du taux d'usure sont l'objet de fortes critiques, très rares sont ceux qui envisagent de renoncer au principe même d’un plafonnement légal des taux. Les propositions des rapporteurs, le prêt sécurisé à l’accession à la propriété pour les ménages à revenus irréguliers et le prêt hypothécaire cautionné pour les « seniors », visent donc à trouver des solutions qui, tout en maintenant le haut niveau de protection qui caractérise notre pays, n'écartent pas des personnes qui pourraient raisonnablement choisir d'accéder à la propriété.


Le logement, priorité du nouveau gouvernement britannique

Le nouveau premier ministre britannique a fait de la construction de logements une priorité. L’objectif est d’offrir des logements abordables au plus grand nombre. Les moyens qu’il est prévu de mettre en œuvre s’inscrivent dans le droit fil des conclusions du rapport Barker de 2004, présenté en introduction du débat organisé à l’occasion de l’assemblée générale de l’ANIL en décembre 2006 : il s’agit avant tout de libérer des terrains et de lever les obstacles que les collectivités locales dressent devant les projets de construction. 100 000 logements pourraient être construits sur près de 550 sites contrôlés par le gouvernement (armées ou service national de santé). Au total 3 millions de logements devraient être construits d’ici 2020. L’objectif annuel de construction passerait de 200 000 à 240 000 logements. Mais surtout le ministre des collectivités locales, Hazel Blears a indiqué que désormais la volonté de construire allait prendre le pas sur les préoccupations environ-nementales. Gordon Brown souhaite une « démocratie de propriétaires », mais l’essentiel reste de garantir à tous un logement abordable et l’effort portera à la fois sur la construction de logements en accession et de logements locatifs sociaux. Simultanément, un régime d’obligations foncières sera mis en place qui permettra d’offrir des prêts à taux fixe d’une durée de 20 à 25 ans, mais il s’agit probablement là de réduire les risques des accédants britanniques qui empruntent majoritairement à taux variables et qui supportent directement les conséquences des mouvements de taux.

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