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Logements vacants et personnes sans abri

ANIL, Habitat Actualité, juillet 2004
(Avec le concours de l'Observatoire des Pratiques du Conseil National de l'Habitat)


Les tensions sur le marché du logement ont pour conséquence logique la baisse du nombre de logements vacants. C'est le constat dressé par l'INSEE (Insee Première n° 880, janvier 2003), qui met en évidence la proportion de logements vacants la plus faible depuis 30 ans, le taux de vacance le plus faible s'observant dans la région parisienne, là où les tensions sont les plus vives. L'INSEE note également que les logements vacants sont anciens et appartiennent pour partie à un parc vétuste inadapté aux besoins et qui ne trouve plus preneur. Et cependant, que le marché soit détendu ou que l'on soit en présence d'une situation de crise, la question des logements vacants revient immanquablement sur le devant de la scène.

On peut reprendre aujourd'hui, sans rien changer, une note publiée en janvier 1995 dans Habitat-Actualité n°49 :

" Tout fonctionne comme si le fait inacceptable que constitue l'existence de personnes sans domicile fixe avait besoin, pour apparaître en pleine lumière, d'être mis en parallèle avec l'existence de logements vacants.

Cela permet d'appréhender la politique du logement en terme de recherche de coupable et de fédérer les indignations contre un adversaire abstrait, le propriétaire de logements vacants, qui est de surcroît assez mal connu. Le rapprochement entre " personnes sans logement et logements sans personne " est suffisamment efficace pour qu'on soit dispensé de vérifier sa pertinence. Pourtant, dès que l'on s'attache à trouver des solutions concrètes pour remettre ces hypothétiques logements vides sur le marché, les difficultés commencent. La première consiste à les identifier et à les dénombrer. Les études ne manquent pas. La dernière en date est celle du groupe de travail présidé par Claude Robert . Elle mettait en évidence le fait que sous le terme de " logements vacants ", l'INSEE recense une réalité très composite et que le nombre de logements effectivement réutilisables sans travaux est mal connu, mais probablement faible ; en tout état de cause, il n'y a pas là d'opportunité pour le logement des sans abri. Ce résultat, commun à la plupart des études, n'étant pas celui que l'on attend, il est vite oublié et le débat se place à nouveau sur le chiffre des logements vides fourni par l'INSEE.

En ce sens, les logements vacants sont à la politique du logement ce que les nombres imaginaires sont aux mathématiques : ils n'ont pas besoin d'exister pour être utiles. Utiles, ou à tout le moins, utilisés :

  • par les associations, comme révélateur de la situation des sans logis ;
  • par les représentants des bailleurs privés, pour demander une amélioration du statut du propriétaire bailleur, une revalorisation des aides aux travaux et pour dénoncer une fiscalité décourageante et les conséquences psychologiques désastreuses d'une mauvaise application des décisions de justice ;
  • par tous, pour demander un effort budgétaire plus important en faveur du logement.

Les ADIL pour leur part ont essayé de contribuer à la mobilisation de ce parc mal connu en sensibilisant, grâce à un logiciel informatique " ADILBAIL " (cf. HA n° 40), les éventuels propriétaires de logements vacants, bailleurs potentiels, à l'intérêt qu'ils pouvaient avoir à remettre leur logement en location et aux diverses opportunités qui s'offraient à eux. L'accueil réservé à cette opération démontrait que la question des logements vacants correspondait à une réelle préoccupation des élus et que la presse restait très réceptive à tout ce qui pouvait être fait dans ce domaine. Les consultations accordées à cette occasion n'ont pas été très nombreuses mais, outre qu'elles mettaient en évidence la mauvaise connaissance par les propriétaires des aides auxquelles ils pouvaient recourir, elles ont fourni des indications sur les causes de vacance des logements, assez proches de celles qui résultaient d'une enquête réalisée peu après par l'UNPI ". L'attention portée à la vacance n'est pas une particularité française ; le gouvernement du Royaume Uni y a consacré un rapport et plusieurs guides pratiques , avec cependant un angle d'attaque plus urbanistique que social. Un site Internet expérimental vient d'être crée par les autorités locales et les agents immobiliers à Londres, dont l'objectif est de mettre en relation les bailleurs et les promoteurs potentiels avec les propriétaires de locaux vacants.

Tout ce qui peut favoriser l'amélioration de logements actuellement désaffectés doit être mis en œuvre et l'ANAH s'y attache avec efficacité, mais il faut assurément disjoindre cette question de celle des démunis pour être efficace ; ce n'est pas en focalisant l'attention sur les phénomènes de vacance que l'on apportera une réponse au problème, lui très réel, des sans logis. "

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