Le "gazumping" : information du consommateur et fonctionnement du marché
ANIL, Habitat Actualité n° 83, octobre 2002
(Avec le concours de l'Observatoire des Pratiques du Conseil National de l'Habitat)
Les Anglais sont plus mobiles que les Français et ils sont en plus forte proportion propriétaires de leur logement ; la procédure d'achat d'un logement n'y est pas plus sécurisée pour autant, c'est même le contraire -si l'on en croit la presse britannique- et c'est ce qui justifie les réflexions en cours sur un projet de réglementation de l'information exigée lors de la mise en vente d'un logement. Il s'agit notamment d'éliminer le " gazumping ", pratique qui rend toute transaction incertaine jusqu'à sa conclusion définitive. Il y a " gazumping " lorsqu'un vendeur, qui s'est entendu avec un acheteur sur un prix, accepte ultérieurement l'offre plus élevée d'un autre acquéreur. Cette situation est très préjudiciable pour l'acquéreur qui doit, après le premier accord pour parachever la vente, engager des frais auprès de juristes et d'experts divers, notamment pour obtenir un crédit. Or, si un autre acheteur surenchérit, ces démarches auront été entreprises en pure perte, comme les frais qu'elles auront entraînés, puisque rien n'est légalement arrêté avant la signature définitive de l'acte de vente ; l'agent immobilier a même obligation de transmettre au vendeur toute nouvelle offre plus avantageuse. Le " gazundering " décrit la situation inverse, lorsque l'acheteur se dédit ou sollicite une baisse de prix en dernière minute. Illégales en Ecosse, ces pratiques sont monnaie courante en Angleterre et au Pays de Galles ; la promesse de vente que signent les Français chez l'agent immobilier ou chez le notaire n'existe pas ; tant l'acheteur que le vendeur peuvent revenir sur l'accord qu'ils ont conclu, laissant à la charge de l'autre partie les frais engagés en vue de la conclusion définitive de la vente. Le risque n'est pas mince et il est possible de souscrire une assurance contre les risques de " gazumping " et de "gazundering ".
C'est une des raisons qui motivent la réflexion en cours depuis décembre 1998 en Grande Bretagne et qui porte sur l'amélioration des procédures d'achat et de vente des logements. Cette initiative du gouvernement résulte notamment des critiques émises par les associations de consommateurs, qui déplorent les faiblesses de la réglementation actuelle et l'inefficacité du code de conduite volontaire adopté par l'organisation professionnelle représentative des prêteurs, le Council of Mortgage Lenders (CML). Il est donc envisagé de définir une liste des informations obligatoires, le " seller's information pack " (SIP), qui devrait accompagner la mise sur le marché d'un bien. Cette obligation n'a pas pour seul objet de protéger l'acheteur, lequel n'est pas nécessairement considéré chez les anglo-saxons comme en situation de faiblesse par rapport au vendeur, elle vise à améliorer le fonctionnement du marché en accélérant les processus de vente, trop souvent interrompus lorsqu'ils sont initiés par des acheteurs potentiels sur la base d'une information insuffisante : il s'agit d'écarter le risque de " gazumping ". Selon le gouvernement, une meilleure information sur le bien vendu serait de nature à raccourcir les délais nécessaires à la conclusion des ventes, réduisant ainsi les occasions de remettre en cause les accords préliminaires ; devraient ainsi figurer dans l'offre tous les éléments qui seront nécessaires à la signature définitive : titres de propriété, certificats divers, expertise de valeur et expertise technique sur l'état du logement. Il faut noter que l'expertise de valeur, destinée au prêteur, est parfaitement distincte de l'expertise technique, destinée à l'acheteur. De son côté, ce dernier devrait être en mesure de fournir l'accord de principe d'un établissement de crédit avant de pouvoir soumettre une offre. Lors des premiers travaux, le CML insistait, c'est une attitude nouvelle de sa part, sur le fait que le recours à ce " Seller's Information Pack " devrait être obligatoire pour être effectif, faute de quoi les parties reculeraient devant un coût supplémentaire. Plusieurs années auparavant une entreprise du même type, promue par la " Law society of England and Wales ", sur une base volontaire, avait échoué. L'adoption du " Seller's information pack ", qui faisait l'objet de l'accord de principe de la plupart des acteurs, associations de consommateurs, Chartered surveyors, prêteurs etc. a pourtant beaucoup de mal à se concrétiser : les plus optimistes pensent aujourd'hui que l'obligation pourrait passer dans la loi en 2004 ou 2005.
En France, les conditions de la vente sont déjà très sécurisées ; mais de la même façon, tout le monde s'accorde sur la nécessité de mieux informer l'acheteur sur l'état du bâti et des principaux équipements des logements anciens, (au-delà de ce que la réglementation exige en matière de surface, d'amiante, de termites ou de plomb, etc.), ainsi que sur l'étendue des travaux qu'il est raisonnable de prévoir à court terme. Les prêteurs pourraient l'exiger, à l'instar de ce qu'ils font pour l'assurance décès-invalidité, mais ce n'est pas pour eux d'un intérêt primordial et il faudrait qu'aucun d'entre eux ne fasse exception. L'accord de principe des notaires, des agents immobiliers, des établissements de crédit et des associations de consommateurs ne suffit donc pas à initier une nouvelle pratique ; une impulsion d'origine publique reste indispensable.