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Expertise technique des logements et protection du consommateur

ANIL, Habitat actualité, janvier 2000
Etude réalisée avec le concours de l'Observatoire des Pratiques du Conseil National de l'Habitat


Serait-il souhaitable d'introduire en France de façon systématique, à l'occasion des transactions, une expertise technique du logement qui aurait pour objet d'informer le particulier de l'état du bien dont il se porte acquéreur ? C'est une question qui revient régulièrement à l'ordre du jour. Le parallèle est souvent fait entre l'exigence d'un contrôle technique pour toute vente d'une automobile de plus de quatre ans et l'absence d'obligation de ce type concernant le logement. Il est vrai que le contrôle technique automobile est censé protéger la sécurité des tiers. Cependant, le fait qu'une part croissante des opérations les plus sociales se réalise dans l'ancien justifie un effort de protection du consommateur ; les ADIL voient trop d'accédants dans l'ancien découvrant après coup la nécessité d'effectuer des travaux beaucoup plus importants que prévu. Tout doit pouvoir être vendu, mais il est important de savoir ce que l'on achète.

L'évolution réglementaire va dans ce sens ; certaines informations doivent désormais être obligatoirement communiquées à l'acheteur : la surface, depuis la loi Carrez, l'état sanitaire concernant l'amiante, le radon, le saturnisme et les termites, depuis une date récente. Pour le reste, il est aisé de s'exonérer de toute obligation d'information sur l'état du logement, dès lors que l'on écarte le recours aux prêts réglementés (cf. Habitat-Actualité n° 72).
Est-il possible d'aller plus loin et de systématiser le recours à une expertise technique lors d'une vente ? Ceci pose plusieurs questions : cette expertise devrait-elle être obligatoire ou facultative ? A qui en incomberait la charge ? A quel stade devrait-elle intervenir ? Quels en seraient les effets juridiques sur la vente ? Quel serait le contenu de cette expertise ? Quels professionnels pourraient y procéder ? Quels seraient les liens entre cette expertise et le contrôle éventuel du respect de certaines normes ?

Pour y répondre, peut-on s'inspirer des expériences étrangères, et notamment de l'expertise technique dite "home inspection" qui est de pratique générale lors des ventes aux Etats-Unis ? Cet exercice permet de mesurer combien il est difficile de passer d'une logique de la réglementation à une logique de la transparence.


La "home inspection"aux Etats-Unis

Pour l'ensemble des acquéreurs, le recours à l'expertise technique et les conséquences juridiques qui lui sont attachées, découlent de la volonté des parties et du jeu de la concurrence. Le fait que la quasi-totalité des transactions y donne lieu ne résulte d'aucune obligation légale. L'expertise technique protège l'acheteur et lui permet d'évaluer le montant des travaux éventuellement nécessaires.

En général, si le vendeur n'a pas, de son propre chef, fait réaliser l'expertise technique, la vente est conclue sous la condition suspensive des résultats de celle que demandera l'acheteur ; trois types de clauses se rencontrent alors :

  • le vendeur s'engage à réduire son prix du montant des travaux jugés nécessaires, dans la limite d'un montant plafond ;
  • le vendeur s'engage à conduire lui-même les travaux jugés nécessaires, dans la limite d'un plafond ;
  • si le montant des travaux jugés nécessaires est trop élevé, l'acheteur est libre de se dégager.

Il est à noter que l'expert est dissuadé de minimiser le coût des travaux jugés nécessaires, car sa responsabilité pourrait être mise en cause.
Le choix entre ces trois types de clauses relève également du contrat signé entre les parties.

L'agent immobilier recommande systématiquement de recourir à l'expertise technique et conseille son client dans le choix d'une clause protectrice. Précisons que 85 ou 95 % des transactions, selon les estimations, se font par l'intermédiaire d'un agent et que ce dernier est le plus souvent mandaté par l'acheteur. En effet, la pratique la plus habituelle consiste pour un candidat au logement à signer avec un agent un mandat de recherche, par lequel il s'interdit d'acheter, autrement que par son intermédiaire, pendant une durée déterminée.

Le contenu de l'expertise technique ne relève pas de la loi, non plus que l'agrément de ceux qui y procèdent. Cela semble être le fait de trois organisations professionnelles qui les regroupent, attestent de leur compétence et normalisent leur intervention. L'inspecteur est un généraliste qui, s'il identifie un problème grave, oriente l'accédant vers un spécialiste. L'inspection donne lieu à un rapport, mais il est fortement conseillé à l'accédant d'accompagner l'inspecteur lors de l'expertise. Le coût moyen de cette inspection est de l'ordre de 1 500 à 3 000 F.

L'examen des publicités des experts, les "home inspectors", comme celles des associations professionnelles qui les regroupent, donne à penser que le caractère plus ou moins complet des expertises et la qualification des professionnels sont des éléments de concurrence. Dans les faits, l'examen des logements est assez approfondi : il porte notamment sur les fondations, les fenêtres et les portes, intérieures et extérieures, le toit, les gouttières, les cheminées, la ventilation, la plomberie, l'état de l'installation électrique, du chauffage et de l'air conditionné, des caves des murs et des sols, du rattachement à l'égout ou, le cas échéant, de la fosse septique…

Tout ceci montre que la logique de protection du consommateur, aux Etats-Unis, repose essentiellement sur la qualité et la sincérité de l'information et sur l'interdiction du mélange des genres. Ceci n'exclut cependant pas, pour l'Etat fédéral ou pour chacun des Etats confédérés, la possibilité d'édicter des normes obligatoires correspondant à nos normes minimales d'habitabilité, par exemple les "minimum property standards for housing", ni les politiques volontaristes encourageant, pour les plus modestes, le recours à l'expertise technique. Ainsi, pour éviter que ces derniers ne soient tentés d'en faire l'économie, le ministère du logement (le HUD) a prévu que le FHA (Federal Housing Administration), dont le but est, à l'image de la SGFGAS (Société de Gestion du Fonds de Garantie de l'Accession Sociale en France), de garantir l'accès au crédit des ménages modestes, compte le coût de l'expertise technique dans le montant de l'apport personnel qui doit, au minimum, représenter 3 % du montant de l'opération.


Une réflexion en cours en Grande Bretagne

La question est posée en Grande Bretagne à l'occasion d'une consultation lancée, en décembre 1998, par le gouvernement sur l'amélioration des procédures d'achat et de vente des logements "the key to easier home buying and selling ".

Cette initiative résulte notamment des critiques émises par les associations de consommateurs, qui déplorent les faiblesses de la réglementation actuelle et l'inefficacité du code de conduite volontaire adopté par l'organisation professionnelle représentative des prêteurs, le Council of Mortgage Lenders (CML).

Il est envisagé de définir une liste des informations obligatoires, le "Seller's Information Pack" (SIP) qui devrait accompagner la mise sur le marché d'un bien. Le CML, dans sa réponse, souhaite que les informations techniques à inclure dans le SIP soient définies de façon précise et standardisée, de telle sorte que les parties à la transaction puissent se reposer sur ce rapport.

Le CML insiste, ce qui est une attitude nouvelle pour lui, sur le fait que le recours à ce SIP devrait être obligatoire pour être effectif, faute de quoi les parties reculeraient devant un coût supplémentaire. Plusieurs années auparavant une entreprise du même type, promue par la "Law society of England and Wales", sur une base volontaire, avait échoué.

Le CML pense qu'entre autres avantages, le SIP devrait avoir pour effet de sécuriser et d'accélérer les processus de ventes, actuellement initiés par des acheteurs potentiels sur la base d'une information insuffisante, et trop souvent interrompus. Il va sans dire que d'autres éléments d'information, portant notamment sur la sécurité juridique, seraient inclus dans le SIP ; en revanche, le CML souhaite qu'en soit exclue l'expertise de valeur, qui sert au prêteur pour s'assurer de la qualité de sa garantie, de peur qu'elle ne serve de base à la fixation du prix par les parties. Les préoccupations de mise en cause de la responsabilité des experts ne sont peut-être pas absentes de cette position.


Un système transposable en France ?

Il est difficile d'imaginer, en France, un système de protection qui ne soit pas obligatoire. Toutes les expériences montrent que le consommateur français est réticent à payer, de son plein gré, une prestation de conseil ou d'expertise, qu'au demeurant aucun professionnel de la transaction n'est prêt à encourager. L'expérience de l'état des lieux, obligatoire avec un prêt conventionné, a montré que les agents immobiliers, majoritairement mandatés par les vendeurs, souvent dotés d'un mandat simple, étaient hostiles à l'intervention d'un tiers susceptible de retarder, voire de remettre en cause la transaction.

En l'absence d'obligation, une incitation du type de celle pratiquée par le HUD serait-elle suffisante ? Il faudrait s'assurer qu'elle ne constitue pas, comme c'est le cas actuellement pour l'exigence de l'état de lieux, une incitation au contournement de procédures par ceux-là mêmes qu'elles sont censées protéger.

De la même façon, on peut difficilement imaginer en France que la loi ne définisse pas un contenu minimal pour l'expertise, à tout le moins pour intégrer les informations qui sont aujourd'hui obligatoires (surface, amiante, plomb, termites) et permettre de juger si le logement est conforme aux différentes catégories de normes (sécurité, NMH, APL, PTZ etc.).
Une telle expertise pourrait également être utile pour juger de l'opportunité des travaux d'amélioration.

Qui pourrait y procéder ? Elle devrait être le fait de professionnels qualifiés, sachant que les compétences requises existent sur le marché. Rendre obligatoire une telle expertise standardisée ferait apparaître une profession et l'on peut penser que l'exigence d'une assurance professionnelle de responsabilité suffirait peut-être à la réglementer.

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