Aller au contenu

Quel est le véritable taux des prêts à taux variable "dopés" ?

ANIL, Habitat actualité, octobre 1998


L'ANIL a déjà eu l'occasion d'attirer l'attention sur certaines pratiques en matière de présentation des taux qui, dans une période de concurrence très vive, nuisent à la bonne information du consommateur et par là-même à la sécurité des opérations.


Une présentation déloyal

L'une des plus répandues consiste à doter les prêts à taux variable d'une première phase d'un ou deux ans à taux fixe ; le niveau du taux de ce premier palier est déconnecté de l'index de référence et donc largement inférieur au taux qui résulte de l'addition de la marge à l'index de référence au jour de l'offre de prêt. Il va sans dire que la publicité est faite sur le taux du seul premier palier, qui ne reflète en rien le taux réel de l'ensemble du crédit. Cette présentation biaisée constitue même le seul objectif de ce montage ; il faut noter que le conseil d'administration de la SGFGAS l'a déconseillée pour les PAS.


Un risque de litige

La validité-même de certains contrats de prêts pourrait être remise en cause s'il s'avérait que le TAEG/taux annuel effectif global, qui figure dans l'offre de prêt et dans le contrat, se révélait inexact. Les emprunteurs pourraient saisir ce moyen pour remettre en cause leurs engagements. Si le juge leur donnait raison, le prêteur pourrait être déchu du droit des intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, si ce n'est même l'annulation du contrat de prêt (article L. 312-33 du Code de la consommation). Les tribunaux sont saisis régulièrement de demandes en contestation de la validité de certaines offres de prêt et tableaux d'amortissement aux regards des règles de protection et d'information du consommateur. Dans une précédente affaire de cette nature, les conséquences d'une décision de la Cour de cassation, favorable aux consommateurs, auraient été si lourdes qu'il avait fallu recourir à une loi rétroactive (Cass. Civ. I : 16.3.94). En l'occurrence, la déchéance du droit à intérêt avait été prononcée, car le tableau d'amortissement ne distinguait pas entre capital et intérêts


Une imprécision de la loi pour les taux variables

Texte de protection de l'emprunteur, la loi Scrivener s'accompagne d'un formalisme précis que le juge interprète rigoureusement, limitant toute liberté contractuelle qui aurait pour effet d'annihiler les garanties légales. Les règles de forme concernent essentiellement l'offre de prêt ; celle- ci doit préciser " la nature, l'objet, les modalités du prêt, notamment celles qui sont relatives aux dates et conditions de mise à disposition des fonds et comprendre un échéancier des amortissements détaillant, pour chaque échéance, la répartition entre le capital et les intérêts ". Cette dernière obligation, la fourniture d'un échéancier des amortissements détaillant, pour chaque échéance, la répartition entre le capital et les intérêts, ne concerne pas les prêts à taux variable (Code de la consommation : art. L. 312-8 al 2 et 2 bis). En revanche, l'offre doit préciser le taux effectif global du prêt, ainsi que, s'il y a lieu, les modalités de l'indexation (Code de la consommation : art. L. 312-8 al 3). Le seul arrêt rendu en matière de taux variable par la Cour de cassation (Cass. Civ. I : 19.11.96) concerne le tableau d'amortissement prévisionnel : il a été favorable à la banque qui avait par ailleurs informé très complètement l'emprunteur. Dès lors que les modalités de variations futures du taux d'intérêt variable ne peuvent être connues, ni au moment de l'offre, ni au moment de la conclusion du contrat, il ne peut être reproché à une banque de n'avoir pas dressé à l'avance un échéancier prenant en compte ces variations. Le décret n° 85-944 du 4 septembre 1985, relatif au calcul du taux effectif global, précise, dans son article premier, que : " le taux effectif global d'un prêt est un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires. Le taux de période est calculé actuariellement, à partir d'une période unitaire correspondant à la périodicité des versements effectués par l'emprunteur. Il assure, selon la méthode des intérêts composés, l'égalité entre, d'une part, les sommes prêtées et, d'autre part, tous les versements dus par l'emprunteur au titre de ce prêt, en capital, intérêts et frais divers, ces éléments étant, le cas échéant estimés."


Un taux fondé sur la valeur de l'index au jour de l'offre de prêt

S'agissant de prêts variables, ou pour être plus précis référencés, il n'est pas douteux que l'esprit de la loi exigerait que le taux soit calculé sur la base de l'index du jour de l'offre de prêt. Dans le cas des profils de prêts évoqués plus haut et qui peuvent être considérés comme à taux successifs, le calcul du TAEG doit tenir compte de l'incidence actuarielle du taux de la première phase à taux fixe et du taux des phases suivantes, la valeur de l'index étant celle du jour de la signature de l'offre de prêt. L'arrêt précité de la Cour de cassation précisait que pour que l'offre soit valable, il fallait que l'échéancier des amortissements soit établi sur la durée du crédit et que le taux effectif prévisionnel soit calculé à partir du seul taux applicable la première année. Ceci se justifie dès lors que le prêt à taux variable ne comporte pas de palier : le taux applicable la première année est le taux a priori qui résulte de l'addition de la marge à la référence au jour de l'offre de prêt. Or il semble que certains établissements ne calculent le TAEG que sur la base du taux du premier palier au motif que la valeur future de l'index ne serait pas connue. Cela ne reflète en aucun cas la valeur du taux a priori, c'est-à-dire en supposant l'index de référence fixe au niveau qui est le sien au jour de l'offre de prêt.


Un toilettage des textes nécessaire

A plus long terme, cela donne à penser que si les règles qui régissent l'information du consommateur en France sont parmi les plus protectrices, il conviendrait de préciser ou de réévaluer certains de ces outils. La réglementation européenne viendra peut-être accélérer cette mise à jour des textes. Ainsi, la mention du coût total du crédit, c'est-à-dire la somme en valeur non actualisée des intérêts et des accessoires est-elle obligatoire en France, alors qu'elle est sans signification et qu'elle peut, même du fait de sa simplicité apparente, induire le particulier en erreur. De même, le TAEG, s'il est le meilleur indicateur du coût réel du crédit, n'est assurément pas un outil de comparaison entre les offres publicitaires des établissements de crédit. Certains des frais annexes pris en compte dans le calcul du TAEG ne sont connus qu'au moment de l'offre de prêt : ils dépendent de l'emprunteur, de l'opération précise qui est financée et de l'étendue du service dont ils sont parfois la contrepartie (cf. assurances). C'est pourquoi la publicité se fait généralement sur le taux hors frais, hors assurance. Or la comparaison exige un indicateur unique. Ce pourrait être un taux annuel effectif, qui outre la charge de l'intérêt, ne prendrait en compte que les frais de dossiers, à l'exclusion des frais liés aux assurances et aux sûretés. C'est d'ailleurs la voie qui est à l'étude au sein de l'Union européenne.

Retour en haut de page