Accession et flexibilité du marché en Europe
ANIL, Habitat actualité, avril 1998
Les réflexions sur la sécurisation de l'accession ne sont plus une préoccupation proprement française. Tous les pays industriels développés font, aujourd'hui, du développement de la propriété occupante un axe essentiel de leur politique du logement et tous sont confrontés à la même difficulté : comment poursuivre cette orientation dans un environnement caractérisé par un très faible niveau d'inflation et par une instabilité professionnelle et familiale croissante ?
Le regard de nos partenaires européens se porte d'emblée sur la pratique française : il s'agit moins d'un jugement sur l'efficacité des dispositifs existants que sur leur diversité. Notre pays est, en effet, le seul qui ait orienté depuis longtemps sa politique d'aide à l'accession vers les ménages modestes et qui, par tradition, confère aux pouvoirs publics une responsabilité centrale dans la maîtrise des risques et dans la protection des consommateurs : en conséquence, les systèmes tournés vers la sécurité des opérations sont nombreux, qu'ils soient préventifs ou curatifs.
Un ciblage plus social
Les pays qui, comme la Hollande et l'Allemagne, avaient jusqu'alors réservé la propriété aux ménages aisés et disposant d'apport personnel conséquent, souhaitent désormais orienter vers l'accession des catégories sociales plus modestes. Ils abordent le problème sous l'angle de l'accès au crédit : la sécurisation des créances est une des conditions de l'existence d'une offre de crédit pour les ménages modestes. Celle-ci peut passer par une amélioration de l'information préalable des accédants par des formules de mutualisation, comme celle mise en oeuvre par le FGAS, mais aussi, ce qui est moins favorables aux consommateurs, par une plus grande rapidité des voies d'exécution.
Assurance perte d'emploi et anti-sélection
Le problème de la Grande-Bretagne est différent puisqu'elle compte déjà 69 % de propriétaires occupants. L'assurance-crédit vient prolonger l'hypothèque pour garantir de façon satisfaisante le prêteur ; en revanche, la protection de l'emprunteur y est inexistante : en cas de revente et de perte finale, l'assurance-crédit, "Mortgage Indemnity Insurance" rembourse le banquier, mais peut se retourner contre l'emprunteur pendant douze ans, ce délai étant réduit à cinq ans en Ecosse. Les britanniques sont des prêteurs hypothécaires au sens strict, ce qui explique que l'assurance du gage soit seule obligatoire. Une allocation publique, l'"Income Support for Mortgage Interest", prenait immédiatement en charge, jusqu'en 1995, les intérêts des emprunts pour les ménages au chômage bénéficiant de "l'Income Support". Ce système public a volé en éclats avec la crise des années 80 : la montée du chômage l'a rendu budgétairement insupportable (de 539 millions de Livres en 1990 à 1,21 milliards de Livres en 1993). Le gouvernement alors a souhaité voir les assurances privées prendre le relais. Une assurance des personnes, facultative, la "Mortgage Payment Protection Insurance" est apparue sur le marché au début des années 80 qui couvre l'accident, la maladie et le chômage. Pour encourager sa souscription, les conditions d'intervention de l'aide publique, l'ISMI ont été restreintes à partir d'octobre 1995 : depuis cette date l 'ISMI n'est versée qu'après que neuf mois de chômage se soient écoulés. La montée en charge de la MPPI a été très progressive, 8 % à l'origine, 25 à 30 % en 1990 et plafonne entre 30 et 35 % aujourd'hui : certains prêteurs l'ont intégrée à leur offre, mais sous la pression de la concurrence, la plupart ont renoncé à l'exiger de leurs emprunteurs. Or la condition de succès d'une telle assurance est son universalité : actuellement de larges franges de la population restent sans protection et le coût de l'assurance, pour ceux qui la souscrivent, est prohibitif du fait de l'anti-sélection. Le recours à une assurance couvrant le risque lié à la perte d'emploi, s'accompagne nécessairement d'anti-sélection, dès lors que la souscription est laissée à l'appréciation de l'emprunteur, mieux à même d'évaluer le risque que l'assureur. Or il est difficile de généraliser l'assurance perte d'emploi sans intervention publique. Malgré leur répugnance pour les obligations légales, l'idée prévaut parmi les banquiers et les assureurs qu'il revient au gouvernement de faire en sorte que ce système d'assurance personnelle (invalidité et perte d'emploi) soit généralisé, de façon à couvrir la totalité des emprunteurs, comme c'est le cas en France pour les assurances décès-invalidité. Le débat reste ouvert entre les systèmes d'assurances et les formules de mutualisation sous l'égide des pouvoirs publics.
Il est intéressant de noter que, dans tous les pays, même là où les solutions de marché sont traditionnellement privilégiées, l'intervention publique apparaît comme nécessaire dans ce domaine, les gouvernement sont en outre le plus souvent à l'origine des réflexions.