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Du logement des ménages modestes en Amérique

ANIL, septembre 1997, 70 p. / résumé dans Habitat Actualité n°64, octobre 1997


Des orientations convergentes

Dans la plupart des pays développés, la politique du logement adopte des orientations assez proches : développement de l'accession à la propriété et recentrage des aides publiques vers les plus défavorisés. Face à la crise, les pouvoirs publics doivent inventer des modalités nouvelles, à la fois pour aider les ménages modestes à devenir propriétaires en maîtrisant les risques qui s'attachent à ce type d'opérations et pour répondre aux problèmes spécifiques d'accès au logement de ceux qui cumulent les handicaps, professionnels, sociaux et familiaux.

Dès lors, le regard se porte naturellement vers l'étranger pour essayer d'identifier des expériences innovantes et le cas échéant écarter les fausses solutions.

C'est pour répondre à ces préoccupations qu'un groupe de travail constitué de l'ANIL et de l'Université de Marne-la-Vallée, sous l'égide du Plan Construction, s'est penché sur l'exemple américain.

Dans cette optique, l'expérience américaine est particulièrement intéressante :

  • elle exprime un choix unanime et sans nuance en faveur de la propriété ;
  • la place centrale qu'occupent les associations dans la vie sociale américaine a depuis longtemps trouvé son application dans les programmes en faveur du logement des démunis, qui reposent très largement sur des partenariats noués au plan local entre « nonprofit » et « forprofit ».


Un choix unanime et sans nuance en faveur de la propriété

Aux Etats-Unis, la politique d'aide à l'accession s'adresse à un spectre très large de la population et certains programmes sont particulièrement ciblés vers des ménages ou des zones géographiques défavorisés. Il n'existe pas d'aide fédérale destinée à solvabiliser les accédants modestes, l'impact des aides fiscales à l'endettement étant proportionnel au revenu. En revanche, l'Etat fédéral intervient pour qu'existe toujours, partout et pour tous, une offre de crédits hypothécaires adaptés et d'un coût abordable. Chacun doit pouvoir tenter sa chance de devenir propriétaire. Les mécanismes mis en place reposent, d'une part, sur la garantie fédérale apportée aux prêts les plus sociaux et d'autre part, sur la mutualisation des risques entre les différentes catégories d'emprunteurs, mutualisation réalisée par les agences fédérales de titrisation, «FannieMae» et «FreddieMac». La titrisation suppose un exercice permanent d'analyse du risque ; celui-ci est conduit à partir de la totalité des prêts titrisés sur l'ensemble des Etats-Unis et non en se fondant, comme en France, sur l'examen, par chaque établissement, de son propre portefeuille de prêts. Les règles prudentielles qui en découlent sont donc définies au niveau fédéral, elles s'imposent aux prêteurs locaux, sont très précises et induisent une standardisation extrême des prêts immobiliers. Le recours à un conseil préventif indépendant, obligatoire pour les prêts les plus sociaux, comme l'engagement de rencontrer un conseiller dès l'apparition du premier retard de paiement, font partie de ces exigences fédérales. L'information sur le logement est considérée comme un élément essentiel de sécurisation des créances, grâce auquel elles seront mieux cotées sur le marché financier. Une grande attention est également portée à la gestion des défaillances des emprunteurs : elle se caractérise par la rapidité de réaction, l'intervention de conseillers extérieurs et la recherche de formules alternatives à la saisie.


Un système fondé sur la mobilité

Mais l'aspect le plus original de l'économie du système tient au fait que si l'accession est généralement tenue pour un obstacle à la mobilité, aux Etats-Unis, c'est la mobilité qui fonde le modèle d'accession à la propriété. Il ne faut voir là qu'un reflet de la mobilité générale de la société. La fréquence et l'aisance avec laquelle on déménage, font que la revente, lorsqu'elle intervient sous la pression de difficultés de remboursement, ne constitue pas un événement qui marque une famille du sceau de l'échec social, comme c'est le cas en France ; c'est donc un risque que l'on hésite moins à prendre. De surcroît, fiscalité, flexibilité des conditions d'emprunt et fluidité du marché ont pour effet d'entraîner une dissociation entre statut d'occupation et réalité patrimoniale, c'est-à-dire entre le fait d'accéder au statut, très valorisé, de propriétaire occupant et celui d'être propriétaire de la valeur de son logement ; le propriétaire occupant est « locataire d'argent » auprès de la banque et n'a pas nécessairement pour objectif d'amortir son emprunt.


La place centrale des associations

Les difficultés de logement ne sont qu'un des obstacles multiplesauxquels se heurtent les plus démunis ; il faut pour y répondre, au plus près du terrain, adopter une approche généraliste et réunir des compétences multiples. Dans ce domaine, aux Etats Unis, la légitimité des associations, les « nonprofit », précède celle de l'Etat ; cela leur confère une expérience ancienne et très développée dans le montage d'opérations qui réunissent, dans un cadre communautaire, des partenaires aussi divers que des associations, des agences publiques, des collectivités locales et des entreprises privées. Comme en France, ces opérations sont très coûteuses en fonds publics ou gratuits et l'Etat fédéral reste le principal contributeur, mais l'originalité de la pratique américaine réside surtout dans la stricte répartition des rôles entre « forprofit » et « nonprofit ». Ce qui relève d'une logique de gestion ou d'une compétence technique précise revient aux organismes privés, les « forprofit » : leurs modalités d'intervention sont les mêmes que celles qui s'appliquent aux opérations marchandes et leurs résultats sont jugés à l'aune des règles de gestion les plus orthodoxes. Ce qui exige une approche généraliste, le montage et la légitimation des opérations, la réunion des partenaires et des financements revient aux « nonprofit », qui assument en outre directement les tâches d'intermédiation et d'accompagnement social.

En France, la légitimité de l'Etat, et des pouvoirs publics au sens large, précède et continue de prévaloir sur celle des associations, mais celui-ci devant la difficulté de la tâche a tendance à leur demander de prendre le relais : proches du terrain et se définissant par rapport à un problème et non par rapport à une activité, elles seules peuvent avoir l'approche globale qui est nécessaire. Encore faut-il ne pas tout leur demander ; peut-être une stricte répartition des rôles, à l'image de celle qui prévaut aux Etats Unis est-elle le meilleur gage d'efficacité.

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