Le logement et la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016
N° 2016-06 / À jour au 3 février 2016
Loi n° 2016-41 du 26.01.16 : JO du 27.01.16
Le projet de loi de modernisation de notre système de santé a été adopté le 17 décembre 2015. Promulguée le 26 janvier 2016, cette loi s’inscrit dans le cadre de la stratégie nationale de santé lancée par le Gouvernement en 2013. Elle vise à renforcer la prévention et à créer de nouveaux droits pour les patients. L’analyse juridique suivante porte sur les mesures intéressant plus particulièrement le domaine du logement.
Accès au crédit immobilier et à l’assurance-emprunteur : risque aggravé de santé et « droit à l’oubli » (art 190 / Code de la santé publique : L 1141.5 et L1141-6 nouveaux / Code monétaire et financier : L 313-6-1)
A la suite du protocole d’accord signé le 24 mars 2015 par les professionnels de la banque et de l’assurance et les associations de malades sur « le droit à l’oubli » pour les personnes ayant été atteintes d’un cancer, la convention AERAS (s’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé), révisée le 2 septembre 2015, a introduit deux dispositions relatives à ce droit.
En premier lieu, aucune information médicale relative à une pathologie cancéreuse ne peut être sollicitée par un assureur dès lors que le protocole thérapeutique relatif à cette pathologie est achevé depuis plus de quinze ans. Pour les candidats à l’assurance qui ont eu un cancer diagnostiqué avant l’âge de 16 ans, ce délai est fixé à cinq ans. Conséquence de ce principe : l’assureur n’a pas à prendre en compte des informations médicales fournies par l’assuré relatives à ces pathologies passées et aucune surprime ni exclusion de garantie ne peut être appliquée.
La mesure est en vigueur depuis le 2 septembre 2015 (cf. Habitat Actualité n°147).
En second lieu, la convention révisée prévoit que devait être établie une grille de référence pour des pathologies cancéreuses et d’autres types de pathologies, y compris chroniques, visant à accélérer l'intégration du progrès médical au sein de la tarification des assurances emprunteur et à permettre de se rapprocher des conditions d’assurance standard, la grille devant entrer en vigueur avant le 1er janvier 2016.
Aux termes de la convention, la grille de référence doit :
- lister les pathologies pour lesquelles une assurance emprunteur peut être accordée, aux malades ou anciens malades, sans surprime, ni exclusion liée à la pathologie identifiée dans la liste. S’agissant des pathologies cancéreuses, la grille listera les pathologies permettant l’obtention d’une assurance dans des délais inférieurs à ceux prévus au titre du "droit à l’oubli "(cf. supra) ;
- intégrer les pathologies pour lesquelles les données de la science permettent de proposer une assurance dans des conditions se rapprochant des conditions standard ;
- définir par pathologie, les délais à compter desquels de telles assurances sont accordées. Elle précisera également la date de référence à partir de laquelle ces délais courent : la fin du protocole thérapeutique pour les pathologies cancéreuses ou des dates de référence adaptées à chaque autre type de pathologie.
Inscription dans la loi et aménagement du «droit à l’oubli» (Code de la santé publique : L 1141-5)
Dans le cadre de la loi du 26 janvier 2016, ces dispositions prévues conventionnellement pour les anciens malades du cancer (applicables depuis le 2 septembre 2015) et pour certains malades (mesure non encore effective à ce jour) sont intégrées, avec des modifications, au Code de la santé publique. La loi complète par deux nouveaux articles (L 1141-5 et 1141-6) les principes de la convention inclus depuis 2007 dans le Code de la santé publique (aux articles L.1141.2 à 4).
La loi du 26 janvier 2016 prévoit que « la convention AERAS détermine les modalités et les délais au-delà desquels les personnes ayant souffert d’une pathologie cancéreuse ne peuvent, de ce fait, se voir appliquer une majoration de tarifs ou une exclusion de garanties pour leurs contrats d’assurance[...]. La convention prévoit également les délais au-delà desquelles aucune information médicale relative aux pathologies cancéreuses ne peut être recueillie par les organismes assureurs » (CSP : L 1141-5)
Le texte légal fixe désormais à dix ans après la date de fin du protocole thérapeutique (au lieu de 15 ans prévu conventionnellement) le délai au-delà duquel le dispositif du «droit à l’oubli» s’applique pour tous les anciens malades d’un cancer.
Le délai de cinq ans (cf supra) qui concernait jusqu’alors les candidats à l’assurance et au crédit dont un cancer avait été diagnostiqué avant l’âge de 16 ans, concerne désormais les personnes dont le cancer a été diagnostiqué avant l’âge de 18 ans.
Au-delà de ces délais, aucune information médicale relative aux pathologies cancéreuses ne peut être recueillie par les organismes assureurs. Aucune majoration de tarifs ou exclusion de garanties ne peut être appliquée.
Sur la base des propositions établies par l’Institut national du cancer, et conformément à une grille de référence, rendue publique et définie par la convention, des délais inférieurs au délai de 10 ou 5 ans seront fixés dans le cadre conventionnel pour certaines pathologies cancéreuses.
Pour rendre effective ces dispositions, la convention AERAS devra définir les modalités d’application des dispositions légales avant le 31 mars 2016. En outre, ces dispositions légales du « droit à l’oubli » seront complétées par :
- un décret en Conseil d’État qui déterminera les sanctions en cas de manquement au dispositif ;
- un décret simple qui définira les modalités d’information des candidats à l’assurance.
Extension du dispositif à d’autres pathologies (Code de la santé publique : L 1141-5)
La convention devra prévoir, au plus tard dans les dix-huit mois à compter de la promulgation de la loi, l’extension du dispositif du « droit à l’oubli » aux pathologies autres que cancéreuses, notamment les pathologies chroniques, dès lors que les progrès thérapeutiques et les données de la science attesteront de la capacité des traitements concernés à circonscrire significativement et durablement leurs effets.
A défaut, l’extension du dispositif fera l’objet d’un décret.
Accès à l’assurance pour les personnes ayant un risque aggravé de santé (Code de la santé publique : L 1141-6)
Les personnes atteintes ou ayant été atteintes d’une pathologie pour laquelle l’existence d’un risque aggravé de santé a été établie ne pourront se voir appliquer conjointement une majoration de tarifs et une exclusion de garantie. En effet, actuellement certaines pathologies lourdes donnent lieu à des décisions d’assurance prévoyant une surprime (sur le risque décès seulement) et une exclusion (partielle ou totale) sur la garantie invalidité.
Cette mesure devra également être mise en œuvre par la convention AERAS avant le 31 mars 2016.
Enfin, la loi du 26 janvier 2016 insère dans le chapitre du Code monétaire et financier consacré aux crédits, une sous- section 4 « Accès au crédit et risques aggravés ». Le nouvel article L 313.6.1 mentionne que l’accès au crédit est garanti dans les conditions des dispositions du Code de la Santé publique relatives à l’accès à l’assurance contre les risques d’invalidité ou de décès.
Nota bene : on rappellera que les demandes d’assurance concernées par ces dispositions dans le cadre d’un crédit immobilier doivent respecter les conditions de mise en jeu de la convention, à savoir :
- un financement en lien avec la résidence principale dont la part assurée, hors prêt relais, n’excède pas 320.000 €
- un financement immobilier sans lien avec la résidence principale dont la part assurée n’excède pas 320.000 € après avoir pris en compte s’il y a lieu, la part assurée des capitaux restant dus au titre des précédentes opérations de crédit de toute nature pour lesquelles le même assureur délivre déjà sa garantie
- un âge de l’emprunteur n’excédant pas 70 ans en fin de prêt.
Insalubrité : logements insalubres devenus vacants (art. 47)
Dans un arrêt récent, le Conseil d’État, saisi d’un recours en annulation d’un arrêté d’insalubrité remédiable, a considéré que les dispositions du Code de la santé publique (L.1331-26 et L.1331-28) « n'ont ni pour objet, ni pour effet de permettre à l'autorité administrative de prescrire la réalisation de travaux par le propriétaire de locaux à la fois inoccupés et libres de location et dont l'état ne constitue pas un danger pour la santé des voisins » (CE : 15.5.15 ; cf. Habitat Actualité n°145). Cette décision posant des difficultés pour la mise en œuvre du traitement de l’habitat insalubre dès lors que des logements pouvant être qualifiés d'insalubres sont soit vacants, soit devenus vacants postérieurement à l'édiction de l'arrêté, la loi du 26 janvier 2016 fait évoluer les dispositions du code de la santé publique.
Ainsi, son article 47 complète l’article L.1331-28 du CSP.
Une première disposition concerne l’hypothèse où, après la date de l’arrêté d’insalubrité remédiable, l’immeuble devient inoccupé et libre de location. Si, à la double condition qu’il soit sécurisé et ne constitue pas un danger pour la santé ou la sécurité des voisins, le propriétaire n’est plus tenu de réaliser les mesures prescrites dans le délai fixé par l’arrêté compte tenu du fait que le logement est devenu vacant, le logement reste interdit à l'habitation. Afin d'éviter toute réoccupation, le préfet peut prescrire ou faire exécuter d’office toutes mesures nécessaires pour empêcher l’accès et l’usage du logement, faute pour le propriétaire d'y avoir procédé lui-même. Les mesures prescrites pour remédier à l’insalubrité doivent, en tout état de cause, être exécutées avant toute nouvelle occupation, remise à disposition ou remise en location, sous peine de sanctions pénales (trois ans d’emprisonnement et une amende de 100 000 € / CSP : L.1337-4 III). La mainlevée de l’arrêté est ensuite prononcée par le préfet (dans les conditions du CSP : L.1331-28-3).
Une seconde disposition concerne un immeuble ou un logement pouvant être déclaré insalubre alors qu’il est inoccupé et libre de location, et qu’il ne constitue pas de danger pour la santé et la sécurité des voisins : la loi prévoit qu’il peut être interdit à l’habitation par arrêté du préfet. L’arrêté, le cas échéant, précise les mesures nécessaires pour empêcher tout accès ou toute occupation des lieux aux fins d’habitation. Il précise également les travaux à réaliser pour que puisse être levée cette interdiction.
Compte tenu de l'insertion de cet alinéa au I de l'article L1331-28, une interprétation stricte du texte conduit à considérer que cette disposition ne viserait que les locaux frappés d’un arrêté d’insalubrité irrémédiable. Cependant, si l’on s’attache à l’esprit du législateur qui avait pour intention de tirer les conséquences de l’arrêt du Conseil d’Etat précité, cette disposition devrait avoir vocation à s’appliquer aux logements frappés par un arrêté d’insalubrité remédiable, puisqu'il prévoit que l'arrêté du préfet peut préciser les travaux nécessaires à la sortie d'insalubrité, sous réserve de la jurisprudence à venir.
Renforcement de la lutte contre la pollution de l’air intérieur (art. 49)
Les textes prévoyaient déjà des travaux d’identification des facteurs de pollution de l’air contrôlés par l’État. Cet article vient renforcer les dispositions existantes par la mise en place des « valeurs-guides » pour la qualité de l’air intérieur et de niveaux de références pour le radon, qui sont déterminés par décret en Conseil d’État après avis de l’Autorité de sûreté nucléaire (Code de l’environnement : L.221-7 et L.227-1).
Renforcement de la lutte contre la présence de plomb et d’amiante (art. 48 et 52)
En matière de lutte contre le plomb, la règlementation actuelle organise le dépistage du saturnisme chez les personnes mineures, notamment en autorisant le directeur de l’Agence régionale de santé (ARS) à procéder à une enquête sur leur environnement. Dans ce cadre, il doit prendre toutes mesures nécessaires à l’information des professionnels de santé concernés. Le présent texte ouvre cette information aux femmes enceintes. En outre, le directeur de l’ARS peut inciter les titulaires de l’autorité parentale à prévoir une consultation auprès d’un médecin comme le texte le prévoit déjà pour les familles (Code de la santé publique : L.1134-1 et L.1334-12).
Concernant la lutte contre l’amiante, la loi prévoit une amélioration de la transmission d’informations sur la présence d’amiante dans les immeubles bâtis aux autorités administratives. L’observation de l’état du parc immobilier se fait à l’échelle nationale et plus seulement départementale. Il est également possible de disposer de l’ensemble des informations nécessaires à la gestion des risques et ce sous forme dématérialisée. Les informations sont mises à la disposition des maires concernés (Code de la santé publique : L.1334-14). La loi renforce les pouvoirs du préfet (Code de la santé publique : L.1334-15). Par exemple, le préfet peut suspendre l’accès aux locaux dont les propriétaires n’ont pas pris les mesures adéquates de détection et de gestion du risque amiante. Il peut également fixer un délai dans lequel les mesures prescrites (diagnostics, travaux) doivent être mises en œuvre pour évaluer et faire cesser l’exposition. À défaut, il peut les faire exécuter d’office (Code de la santé publique : L.1334-15).
Logements des établissements publics de santé : modalités de résiliation des baux en cours (art. 137)
Une disposition spécifique est insérée dans la loi du 6 juillet 1989 (art. 14-2) concernant les logements loués par l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), les hospices civils de Lyon et l’Assistance publique - Hôpitaux de Marseille, mais dont les locataires n'ont pas ou plus de liens avec ces établissements. Elle autorise ces bailleurs à résilier les contrats de location en cours pour reloger du personnel hospitalier, inscrit sur une liste tenue par ces établissements. Dans ce cas, ils doivent notifier au locataire en place leur décision de résilier le bail, en précisant le motif de résiliation et la nature des fonctions occupées par la personne à laquelle le bailleur envisage d’attribuer ou louer le logement. La résiliation ne peut produire effet avant l’expiration d’un délai de six mois à compter de cette notification. Si le logement n’est finalement pas attribué à une personne figurant sur la liste du personnel hospitalier ayant formulé une demande, l’ancien occupant peut, sur simple demande, obtenir un nouveau contrat de location pour une durée de six ans.
Cette possibilité de résiliation ne s’applique pas aux locataires dont les ressources sont équivalentes ou inférieures au plafond prévu pour les prêts locatifs sociaux.
Ce dispositif s’applique à compter du 28 janvier 2016. Pour les baux en cours, la notification de la décision de l’établissement public de santé concerné doit intervenir dans un délai de huit mois (et non six mois) avant la date d’effet de la résiliation.