Diverses mesures relatives aux professionnels et au droit de la consommation et loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
N°2015-22 / À jour au 12 août 2015
Loi n°2015-990 du 6.8.15 : JO du 7.8.15
Mesures relatives aux professionnels
Tarifs réglementés / règles de compétence territoriale pour les avocats/ manquements des professionnels et sanctions
Réforme des tarifs réglementés des notaires et des huissiers de justice/ convention d’honoraires écrite pour les avocats (art. 50 et 51 / Code du commerce : L.444-1, L.444-2, L.444-3 et suivants)
Les tarifs de ces officiers publics (notaires, huissiers de justice, mandataires judiciaires, commissaires-priseurs judiciaires…) sont réglementés par l’État.
Ainsi, pour les notaires, le barème en vigueur est fixé par le décret du 8 mars 1978, modifié à plusieurs reprises. Ce décret réglemente la rémunération que le notaire peut percevoir à l'occasion de la rédaction des actes. Il peut prétendre à des émoluments proportionnels pour la rédaction de l'acte et à des émoluments de formalités pour la rémunération des démarches accompagnant la rédaction de l'acte (à chaque formalité correspond un nombre d'unités de valeur, unité dont le montant est fixé par le décret). Pour les huissiers, les tarifs sont fixés par le décret du 12 décembre 1996 modifié. Le coût de son intervention varie en fonction du type d'acte effectué, de la valeur des biens ou des montants à recouvrer. Il comprend des frais fixes, des débours (frais de serrurier, déménageur...), des taxes fiscales.
La loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a pour objectif d’orienter la définition des tarifs réglementés des notaires, huissiers de justice, administrateurs judicaires et mandataires judiciaires vers les coûts réels engendrés par ces actes et services. Elle définit de nouveaux principes de fixation et de révision de ces tarifs réglementés, inscrits dans le Code du commerce :
- Les tarifs, révisés tous les cinq ans, prendront en compte « les coûts pertinents du service rendu et une rémunération raisonnable, définie sur la base de critères objectifs ». Un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Autorité de la concurrence, précisera notamment les modes d’évaluation des coûts pertinents et de la rémunération raisonnable et les caractéristiques de la péréquation. L’Autorité de la concurrence pourra d’ailleurs, de sa propre initiative ou à la demande du ministre chargé de l’économie, donner son avis sur les tarifs réglementés. L’engagement d’une procédure d’avis sera rendue publique dans les cinq jours afin de permettre aux associations de donner leurs observations à l’Autorité de la concurrence.
- Le tarif de chaque prestation sera arrêté conjointement par les ministres de la Justice et de l’Économie. Pour la mise en place des nouveaux tarifs, le Ministre de l’économie peut recueillir toute donnée utile auprès des professionnels concernés par le nouveau tarif ainsi que des informations statistiques.
- Une péréquation des tarifs applicables à l’ensemble des prestations servies pourra être prévue. Cette péréquation pourra notamment prévoir que les tarifs des prestations relatives à des biens ou à des droits d’une valeur supérieure à un seuil fixé par arrêté conjoint des ministres de la justice et de l’économie soient fixés proportionnellement à la valeur du bien (comme dans le cadre actuel) ;
- Des remises pourront être consenties lorsqu’un tarif sera déterminé proportionnellement à la valeur d’un bien et lorsque l’assiette de ce tarif sera supérieure à un seuil défini par arrêté conjoint. Le taux des remises octroyées par un professionnel sera fixe, identique pour tous et compris dans des limites définies par voie réglementaire.
Les droits et émoluments de l’avocat en matière notamment de saisie immobilière seront également fixés sur la base du nouveau tarif réglementé.
Les tarifs devront être affichés par les professionnels, de manière visible et lisible, dans leur lieu d’exercice et sur leur site Internet.
Par ailleurs, les prestations que les professionnels accomplissent en concurrence avec celles, non soumises à un tarif, d’autres professionnels ne sont pas soumises à un tarif réglementé (cas d’un bail sous seing privé chez un notaire). Les honoraires rémunérant ces prestations tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par le professionnel, ... Les professionnels concernés concluent par écrit avec leur client une convention d’honoraires qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.
Sauf en cas d’urgence ou de force majeure, ou lorsqu’il intervient notamment au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de l’aide dans les procédures non juridictionnelles (loi du 10 juillet 1991 : art. 64 et suivants, procédure pénale, cas des auditions), l’avocat doit conclure par écrit une convention d’honoraires qui précise notamment le montant ou le mode de détermination des honoraires prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés (art. 51).
Au plus tard le 6 février 2016, l’article 1 de la loi du 29 mars 1944 relative aux tarifs des émoluments alloués aux officiers publics ou ministériels (notaires et huissiers notamment) sera abrogé à une date fixée par décret. Pour mémoire, c’est au visa de ce texte, complété par l’ordonnance du 8 septembre 1945, que les décrets de 78 et 96 ont été pris.
Compétence territoriale des avocats (art.13 / loi du 31.12.71 : art. 5)
La profession d’avocat est régie par la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, et par trois décrets d’application (décret n° 91-1197 des 27 novembre 1991, décret n° 92-680 20 juillet 1992 et décret n° 93-492 25 mars 1993).
L’article 5 de la loi du 31 décembre 1971 dispose que les avocats exercent leur ministère et peuvent plaider sans limitation territoriale devant toutes les juridictions et organismes juridictionnels ou disciplinaires. En revanche, ils ne peuvent exercer leur activité de représentation (postulation) que devant les tribunaux de grande instance près desquels leur barreau est constitué et devant la cour d’appel dont ce tribunal dépend, depuis la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 qui a supprimé la profession d’avoué.
Ce principe général connaît une exception appelée multipostulation, qui autorise les avocats inscrits au barreau de l’un des tribunaux de grande instance d’une même zone géographique à postuler devant chacune des juridictions. Cette faculté est actuellement limitée à trois régions : Bordeaux / Libourne, Nîmes / Alès et Paris / Bobigny / Créteil / Nanterre.
Désormais, la représentation des justiciables devant les juridictions (champ de la postulation des avocats) est élargie au ressort de la Cour d’appel. Ainsi, les avocats pourront introduire une instance et plaider devant tous les Tribunaux de Grande Instance (TGI) de ce ressort. Cette mesure permettra dans certains cas au justiciable d'éviter de faire appel à deux avocats : son avocat sollicité à l’origine qui plaide le dossier mais ne peut postuler en l’absence d’établissement de sa résidence professionnelle dans le ressort du TGI et celui qui remplit toutes les formalités relatives à la procédure.
Constat et sanctions des manquements des professionnels (huissiers de justice, notaires, avocats, administrateurs judiciaires…)
Les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (fonctionnaires habilités à cet effet par le ministre chargé de l'Économie) peuvent procéder à toute enquête pour rechercher et constater les manquements aux obligations des professionnels, notamment en matière d’affichage des tarifs (huissiers de justice, notaires, administrateurs judiciaires…), d’établissement d’une convention d’honoraires (avocat). Il s’agit d’une procédure contradictoire, octroyant un délai raisonnable au professionnel pour se conformer à ses obligations, cesser tout agissement illicite ou supprimer toute clause illicite. Ils peuvent enjoindre aux professionnels et à leurs instances représentatives de se conformer à leurs obligations dans certaines conditions.
Annonces immobilières relatives à la vente, la location et la recherche d’immeubles / Suppression de l'amende fiscale pour les publicités non-conformes (art. 210 / loi du 2 janvier 1970 : art. 17.2)
Toute publicité, quel que soit le support utilisé, effectuée par un professionnel relevant de la loi Hoguet doit mentionner le montant toutes taxes comprises (TTC) de ses honoraires. Pour les opérations de vente, la mention est indiquée en pourcentage du prix. Pour les autres opérations soumises à l’obligation, elle est indiquée en valeur absolue. Cette obligation d’indiquer les honoraires est visée par deux textes, l’arrêté du 29 juin 1990 relatif à la publicité des prix pratiqués par des professionnels intervenants dans les transactions immobilières et l’article 6-1 de la loi du 2 janvier 1970 (introduit par la loi Alur). Des dispositions relatives aux sanctions administratives ont été introduites au même moment par la loi relative à la consommation du 17 mars 2014 (3.000 € pour les personnes physiques et 15.000 € pour les personnes morales / Code de la consommation : L.113-3-2), alors que la loi Alur mettait en place une amende pénale de 1 500 € (art.17-2 loi 2 janvier 1970 / Code pénal : L.131.13).
Afin d’éviter le cumul des sanctions, la peine d’amende pénale prévue par la loi du 2 janvier 1970 est supprimée à compter du 1er juillet 2016, sauf pour les agents commerciaux qui omettraient de mentionner leur statut.
Mesures relatives au droit de la consommation
Lutte contre les clauses abusives
Suppression des clauses abusives dans tous les contrats identiques – champ d’application (art. 40 / Code de la consommation : L.141-1, L.421-2 et L.421-6)
La loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation (voir Analyse juridique n° 2014-05 / Loi relative à la consommation) a, notamment, renforcé les mesures de lutte contre les clauses abusives dans les contrats de consommation. Par exemple, elle permet aux associations de consommateurs agréées, lorsqu’elles interviennent à un litige individuel, de demander au juge de déclarer qu’une clause est réputée abusive pour tous les contrats identiques proposés par le même professionnel. Le présent texte précise que ces dispositifs s’appliquent à tous les contrats, en cours ou non.
Publication de l’injonction de suppression d’une clause abusives (art. 210, I, 4° / Code de la consommation : L.132-2)
Injonction peut être faite à un professionnel pour qu’il supprime de ses contrats ou offres de contrat une ou plusieurs clauses abusives. Cette mesure peut faire l’objet d’une publicité. Le présent texte précise en ce cas, que le professionnel est informé, lors de la procédure contradictoire préalable au prononcé de l’injonction, de la nature et des modalités de la publicité envisagée. En outre, les frais liés à cette publicité sont mis à la charge du professionnel.
Action exercée dans l'intérêt collectif des consommateurs (art. 41 / Code de la consommation : L.421-7)
Une nouvelle action en vue de protéger l’intérêt collectif des consommateurs est instituée : l’action en réparation. À l’occasion d’une action portée devant les juridictions civiles et ayant pour objet la réparation d’un préjudice subi par un ou plusieurs consommateurs (pour des faits non constitutifs d’une infraction pénale), une association agréée peut « agir conjointement » ou intervenir pour obtenir réparation de tout fait portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif des consommateurs ; elle pourra, notamment, demander la suppression des clauses illicites ou abusives. Jusqu’alors, les associations de consommateurs ne pouvaient qu’intervenir en cours d’instance.
Action de groupe (art. 42 / Code de la consommation : L.423-6 modifié)
L’action de groupe, instaurée par la loi relative à la consommation du 17 mars 2014, permet de régler, au sein d’une seule procédure, les demandes de réparation émanant d’un groupe de consommateurs, qui se trouve dans une situation similaire et qui s’estime victime de pratiques illicites ou abusives d’un même professionnel (voir Analyse juridique n° 2014-05 / Loi relative à la consommation).
Lorsque le juge fait droit à la demande de l’association, les sommes versées par le professionnel au titre de sa condamnation sont déposées sur un compte à la Caisse des dépôts et consignations. Désormais, ces sommes pourront également être versées sur un compte ouvert par l’avocat de l’association auprès de la caisse des règlements pécuniaires des avocats du barreau (CARPA) dont il dépend.
Obligations des intermédiaires du commerce électronique (art. 134 / Code de la consommation : L.111-5-1)
Les obligations d’information à la charge des entreprises dont l’activité consiste à mettre en relation, par voie électronique, plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un bien ou d’un service, sont renforcées. Ces intermédiaires sont tenus de délivrer une information loyale, claire et transparente sur les conditions générales d’utilisation du service d’intermédiation et sur les modalités de référencement, de classement et de déréférencement des offres mises en ligne.
Si l’intermédiaire met en relation des consommateurs, il est également tenu de fournir une information loyale, claire et transparente sur la qualité de l’annonceur et les droits et obligations des parties en matière civile et fiscale.
Si l’intermédiaire met en relation des professionnels et des consommateurs, il est tenu de mettre à disposition des professionnels un espace leur permettant de communiquer les informations prévues par la règlementation relative aux contrats à distance (code de la consommation : L.121-17).
Le texte renvoie à un décret (à paraître) le soin de préciser le contenu des informations à transmettre et leurs modalités de communication.
Le dispositif est assorti de sanction : tout manquement est passible d’une amende administrative (maximum 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale).
Sanction des manquements aux règles de la consommation
Publication des amendes administratives (art. 210, I, 1° / Code de la consommation : L.141-1-2)
L’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation (DCCRF) est l’autorité compétente pour prononcer les amendes administratives sanctionnant, par exemple, les pratiques commerciales déloyales ou trompeuses, la méconnaissance de la règlementation applicable aux contrats conclus à distance et hors établissement, les abus de faiblesse ainsi que les infractions aux règles du crédit à la consommation. La décision prononcée par cette autorité peut être publiée. Le présent texte précise que cette publication est alors aux frais de la personne sanctionnée, après son information préalable sur la nature et les modalités de la publicité envisagée.
Élargissement de champ d’investigation des agents de la DGCCRF (art. 210, I, 5° / Code de la consommation : L.141-1)
Les agents habilités de la DGCCRF sont désormais autorisés à rechercher et constater les manquements à la règlementation applicable à la rémunération des syndics et au contrat type de syndic (loi du 1.7.65 : art. 18-1). Par ailleurs, de nouvelles compétences leur sont également ouvertes en matière immobilière : outre le dossier de diagnostic technique (déjà dans le champ), ils pourront investiguer en cas d’infraction aux mesures protectrices de l’acquéreur immobilier, notamment, au délai de rétractation (CCH : L.271-1, L.271-2). Pour rappel, leurs pouvoirs ont été accrus par la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation (voir Analyse juridique n° 2014-05 / Loi relative à la consommation) ; par exemple, ils peuvent, après une procédure contradictoire, enjoindre de se conformer à la règlementation en vigueur et de cesser tout agissement illicite.
Aménagement des sanctions administratives (art. 210, VII / Code de la consommation : L.213-2 et L.213-3)
La loi du 17 mars 2014 durcit les sanctions pour manquement aux règles de la consommation (voir Analyse juridique n°2014-05 / Loi relative à la consommation). Par exemple, pour certaines infractions (les pratiques commerciales trompeuses, notamment), la loi instaure une nouvelle sanction : une amende proportionnée au pourcentage (maximum 10 %) du chiffre d’affaires de l’entreprise en manquement. Le présent texte précise que le chiffre d’affaires pris en compte est le chiffre d’affaires moyen annuel calculé sur les 3 derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits (auparavant, la disposition faisait référence au chiffre d’affaires réalisé lors de l’exercice précédent).