Recouvrement des créances de l'Etat et des comunes
Logement des personnes défavorisées
(Habitat indigne)
N° 13/07
Ord. et rapport au Président de la République du 11.1.07 : JO du 12.1.07
La loi ENL a autorisé le gouvernement à prendre, par ordonnance, les mesures nécessaires pour améliorer les conditions dans lesquelles la collectivité publique garantit et recouvre, notamment par le bénéfice d'une sûreté réelle, le montant de la créance dont elle est titulaire à l'encontre du propriétaire d'un immeuble à usage total ou partiel d'habitation ou de la personne y exploitant un fonds de commerce utilisé aux mêmes fins, lorsque :
- elle a exécuté d'office des travaux sur ce bien,
- elle a assuré l'hébergement ou le relogement des occupants, incombant au propriétaire de l'immeuble ou à la personne y exploitant un fonds de commerce utilisé aux fins d'habitation.
Cette ordonnance devait être prise avant le 16 janvier 2007 (au plus tard dans les six mois suivant la publication de la présente loi), elle prévoit notamment :
La création d'un privilège spécial immobilier sur les immeubles insalubres ou dangereux (Code civil : art.2374 8°)
Sont visés les immeubles frappés d'un arrêté d'insalubrité, les arrêtés de péril non imminents, les hôtels meublés sous arrêtés de sécurité édictés sous menace de fermeture administrative ou assortis d'une interdiction temporaire d'habiter ou d'utiliser, les immeubles collectifs d'habitation sous arrêtés prescrivant des travaux de sécurité sur leurs équipements communs.
Sont exclus les situations d'urgence ou les arrêtés qui prescrivent des mesures immédiates souvent à caractère ponctuel ou palliatif, d'un montant peu élevé et à exécuter dans des délais courts (Rapport au Président de la République).
Ce privilège pourra faire l'objet soit d'une inscription en deux phases sur la base d'une évaluation des éventuels travaux et des frais d'hébergement (Code civil : art.2384-1 nouveau), soit d'une seule inscription au moment de l'émission du titre de recouvrement (Code civil : art.2384-2). Par ces options laissées à la puissance publique, il s'agit de permettre aux personnes publiques créancières (la commune et l'Etat) de rechercher la meilleure garantie de leur créance en leur permettant de procéder à ces inscriptions à différents moments de l'exécution de l'arrêté de police en fonction de la spécificité des circonstances rencontrées (importance des travaux, gravité des situations rencontrées, présence repérée de marchands de sommeil, complexité des situations de propriété…. ).
Le privilège n'est constitué qu'à la seconde inscription qui garantit une créance effectivement exigible mais prend rang à la date de la première inscription à concurrence du montant évalué ou de celui du titre de recouvrement s'il lui est inférieur (et à compter de la deuxième inscription pour la fraction du montant du titre de recouvrement qui serait supérieure au montant résultant de la première inscription).
En conséquence, la garantie de la créance par une hypothèque légale est supprimée.
Les frais de l'inscription sont à la charge des débiteurs.
L'effet non suspensif de l'opposition
L'opposition engagée devant le juge administratif au titre exécutoire émis par l'Etat ou par la commune en paiement d'une créance résultant de l'exécution d'office des mesures prescrites par les différents arrêtés de police ou du relogement et de l'hébergement des occupants n'est pas suspensive afin de ne pas bloquer dès ce stade toute l'action publique. Cette disposition s'applique à toutes les mesures de police exécutées d'office (mesures relatives au plomb accessible, à l'hygiène et à la sécurité en matière d'habitat).
Pour les créances des collectivités locales, cette disposition déroge au Code général des collectivités territoriales (CGCT : L.1617-5).
Une solidarité entre les propriétaires vendeurs d'immeubles sous arrêté de police et leurs acquéreurs est instituée (L.541-2)
Le champ d'application de cette disposition est identique à celui relatif au privilège spécial immobilier.
Dés lors que l'arrêté de police a été publié à la conservation des hypothèques ou au livre foncier, les propriétaires successifs qui ont acquis l'immeuble postérieurement à cette publicité sont solidairement tenus avec le propriétaire de l'immeuble à la date de l'arrêté du paiement des sommes résultant des mesures exécutées d'office et des frais de l'hébergement ou du relogement des occupants.
Le même principe de solidarité est posé entre les exploitants successifs de fonds de commerce utilisés aux fins d'habitation (les hôtels meublés) lorsqu'un arrêté a été publié sur le registre public tenu au greffe du tribunal dans le ressort duquel le fonds est exploité.
Toutes les formalités de publicité sont à la charge financière des propriétaires et des exploitants visés par les arrêtés de police.
Une solidarité croisée entre le propriétaire de l'immeuble et l'exploitant du fonds de commerce ainsi que leurs cessionnaires successifs
Elle s'applique, dès lors que l'arrêté de police les concernant a été publié à la conservation des hypothèques, ou au livre foncier, ainsi que sur le registre public tenu au greffe du tribunal de commerce dans le ressort duquel le fonds est exploité et concerne toutes les mesures prescrites, ainsi que les obligations relatives au relogement ou à l'hébergement des occupants.
La solidarité entre le propriétaire des murs et l'exploitant joue dès la notification de l'arrêté de police à chacun d'eux.
Si l'immeuble vendu dans le cadre d'un plan de cession d'entreprise (Code de commerce : art.L.631-22 ou L. 642-1 et suivants) est grevé d'un privilège spécial immobilier, la charge de ce privilège est transmise à l'acquéreur (ou au gérant en cas de location gérance). Il est tenu, avec le débiteur soumis à un redressement ou à une liquidation judiciaire, de s'acquitter de la somme restant due à la date du transfert de la propriété.
Il est ainsi permis à la collectivité publique créancière d'échapper au concours avec les créanciers de rang préférable du débiteur soumis à une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire et de bénéficier d'une dérogation à la règle prévue à l'article L. 642-12 du Code de commerce, selon laquelle le paiement complet du prix de cession emporte purge des inscriptions.
La solidarité entre propriétaires ou exploitants successifs (CCH : L.541-2 et L.541-3) ne s'applique pas aux repreneurs en cas de vente ordonnée ou autorisée judiciairement, au cours d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, et en cas de vente par adjudication (CCH : L.541-5).
Le notaire qui dresse l'acte de mutation (vente, succession, ou autre) d'un bien immobilier ou d'un fonds de commerce, frappé d'un arrêté de police, est tenu de notifier cette mutation à l'auteur de l'arrêté, c'est-à-dire au maire, en cas de péril, de sécurité-incendie des hôtels meublés ou d'arrêté concernant la sécurité des équipements communs des immeubles collectifs d'habitation, ou au préfet, en cas d'arrêté d'insalubrité ; dans ce dernier cas, la mutation est également notifiée au maire de la commune (CCH : L.541-6).
Des dispositions de coordination
L'institution du privilège spécial et du dispositif de solidarité rend nécessaire des dispositions de coordination insérées dans les textes de police figurant au Code de la santé publique et au code de la construction et de l'habitation.
Des précisions rédactionnelles sont notamment apportées à l'article L. 1331-30 du Code de la santé publique, relatif au champ de la créance recouvrable sur les propriétaires défaillants, en matière d'insalubrité. Il est indiqué que lorsque l'immeuble concerné est sous le statut de la copropriété le titre de recouvrement est adressé à chaque copropriétaire pour la fraction de créance dont il est redevable.
Des dispositions identiques précisent les champs de la créance recouvrable par la commune sur les propriétaires défaillants, en matière de péril ou de sécurité des équipements communs des immeubles collectifs d'habitation (CCH : L.129-4 et L.511-4).
L'application des nouveaux dispositifs aux situations en cours
Pour les immeubles déjà frappés d'un arrêté d'insalubrité ou de péril, les dispositions relatives à la solidarité entre propriétaires successifs s'appliqueront aux cessions postérieures à la publication de l'ordonnance, dès lors que l'arrêté d'insalubrité ou de péril frappant l'immeuble aura été publié à la conservation des hypothèques. Cette publication était déjà prévue par le code de la santé publique et le code de la construction et de l'habitation.
Les arrêtés d'insalubrité ou de péril antérieurs à la publication de l'ordonnance qui n'auraient pas été publiés devront l'être pour que la solidarité entre propriétaires successifs joue.
Lorsqu'il s'avère impossible d'effectuer cette publicité foncière, notamment lorsque le propriétaire mentionné dans l'arrêté n'est pas le propriétaire figurant au fichier immobilier, le texte prévoit que la solidarité pourra aussi être mise en œuvre si la mise en demeure (CSP : art.L.1331-29 II ou CCH : L.511-2 IV) fait l'objet de la première inscription (Code civil : art. 2384-1 1°nouveau). En effet, l'inscription est indépendante de la publication et est faite au nom du propriétaire figurant au fichier immobilier. Dans ce cas, la solidarité pourra être opposée aux propriétaires successifs à compter de l'inscription de cette mise en demeure (Rapport au Président de la République).
Les dispositions relatives à la solidarité s'appliquent aux cessions de fonds de commerce d'hôtels meublés, postérieures à la publication de la présente ordonnance dès lors que l'arrêté d'insalubrité ou de péril pris antérieurement à la publication de l'ordonnance aura été publié, avant la cession, sur le registre public tenu au greffe du tribunal de commerce.
Aucune disposition particulière n'est prévue pour que la solidarité entre propriétaires des murs et titulaires du fonds de commerce d'établissements d'hébergement s'applique aux situations en cours (CCH : L.541-3). Cette solidarité est donc d'application immédiate (Rapport au Président de la République).
Les prescriptions en matière de sécurité s'appliquant aux établissements d'hébergement recevant du public (hôtels meublés), n'étaient notifiées qu'aux exploitants, il convient de les notifier également aux propriétaires, ce qui rendra opposable aux propriétaires la solidarité.
Un décret en Conseil d'Etat pourra préciser, le cas échéant, les dispositions de la présente ordonnance.