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Le droit de préemption et la protection des locataires en cas de vente d'un immeuble de plus de dix logements

Location
(Location vide en parc privé)
loi du 13.6.06 : JO du 14.6.06 / loi du 31.12.75 : article 10-1
N° 27/06
  


Afin de limiter les ventes en bloc effectuées par les bailleurs institutionnels au profit d'acquéreurs qui, une fois l'immeuble acquis, procèdent à sa vente par lots et bénéficient d'une forte plus-value par rapport au prix payé pour l'immeuble acheté en bloc, il est créé un nouveau dispositif de préemption pour les locataires dès le stade de la première vente en bloc.

Désormais, préalablement à toute vente d'un immeuble de plus de dix logements, en totalité et en une seule fois, au profit d'un acquéreur personne physique ou morale refusant de proroger les baux en cours, le bailleur devra en avertir les locataires qui pourront se porter acquéreur de leur lot. Ce droit de préemption est donc subordonné au refus de l'acquéreur potentiel de l'immeuble de proroger les baux en cours.

Deux situations sont donc à distinguer selon le choix de l'acquéreur :

  • soit il ne souhaite pas proroger les baux en cours ce qui déclenche le droit de préemption des locataires ;
  • soit il prend l'engagement de proroger les baux en cours pour une durée minimale de six ans et le droit de préemption ne jouera pas.

Par ailleurs, pour inciter les acquéreurs de logement(s) vendu(s) par lots à maintenir l'immeuble sous statut locatif, la loi créé un dispositif fiscal avantageux au profit de l'acquéreur s'engageant à proroger les baux en cours pendant six ans (réduction du taux des droits d'enregistrement). L'application de ce dispositif est toutefois facultative car subordonnée à la volonté de la commune qui doit prendre une délibération en ce sens.

Enfin, la loi vient modifier les articles 11-1 et 15 II de la loi du 6.7.89.


Le droit de préemption du locataire o de l'occupant de bonne foi (loi du 13.6.06 : art. 1er / loi du 31.12.75 : art. 10-1)

Ce droit de préemption est autonome et s'ajoute aux deux dispositifs de préemption des locataires existant déjà :

  • lorsqu'en cours de bail, l'immeuble est vendu par lots consécutivement à la mise en copropriété (loi du 31.12.75 : art. 10) ;
  • lorsqu'en fin de bail, un congé aux fins de vendre libre est délivré au locataire (loi du 6.7.89 : art. 15).

L'hypothèse de ce nouveau droit de préemption est celle d'un locataire qui, en cours de bail, voit son immeuble vendu dans sa totalité et en une seule fois à un acquéreur qui ne s'engage pas à proroger les contrats de bail en cours pendant six ans.

Cas dans lesquels le droit de préemption joue

Le droit de préemption s'applique en cas de :

  • vente en cours de bail d'un immeuble à usage d'habitation ou à usage mixte d'habitation et professionnel, comprenant plus de dix logements, dans sa totalité et en une seule fois ;   
  • cession de la totalité des parts ou actions de sociétés lorsque ces parts ou actions portent attribution en propriété ou en jouissance à temps complet de chacun des logements d'un immeuble de plus de dix logements.
    Tous les types de sociétés sont visés notamment les sociétés civiles ordinaires (SCI par exemple), les sociétés de construction-vente (dont l'objet est la division d'un immeuble par fractions destinées à être attribuées aux associés en propriété ou en jouissance à temps complet).

Cas dans lesquels le droit de préemption ne joue pas

Le droit de préemption est exclu dans les cas suivants :

  • la vente de l'immeuble ou la cession de parts ou actions de sociétés intervient entre parents ou alliés jusqu'au quatrième degré inclus ;
  • l'immeuble est frappé du droit de préemption urbain ou du droit de préemption ouvert dans les zones d'aménagement différé (CU : art. L. 211-1 à L. 212-5) ;
  • lorsque l'acquéreur en bloc s'engage à maintenir les contrats de location à usage d'habitation en cours pendant six ans.

Conditions nécessaires pour faire jouer le droit de préemption

Plusieurs conditions cumulatives doivent être réunies :

  • l'immeuble comporte plus de dix logements ;
  • il est à usage d'habitation ou à usage mixte d'habitation et professionnel ;
  • le propriétaire vend l'immeuble dans sa totalité et en une seule fois ;
  • l'acquéreur ne s'engage pas à proroger l'ensemble des baux d'habitation en cours à la date de la conclusion de la vente pour une durée minimale de six ans à compter de la conclusion de la vente.

La notification de la vente au locataire (loi 31.12.75 : art 10-1. I. A)

Préalablement à la conclusion de la vente, et à peine de nullité de celle-ci, le bailleur doit faire connaître par lettre recommandée avec avis de réception à chacun des locataires ou occupants de bonne foi l'indication du prix et des conditions de la vente de l'immeuble dans sa totalité et en une seule fois, ainsi que le prix et les conditions de la vente du local qu'il occupe.
La notification vaut offre de vente au profit du locataire ou occupant de bonne foi.
Elle est valable pendant quatre mois à compter de sa réception.

La notification doit s'accompagner :

  • du projet de règlement de copropriété si un des locataires ou occupants de bonne foi réalise l'acte de vente ;
  • des résultats d'un diagnostic technique établi par un contrôleur technique (CCH : art. L. 111-23) ou un architecte, indépendant du propriétaire de l'immeuble ou de son mandataire. Il porte sur l'état apparent de la solidité du clos et du couvert, des conduites et canalisations collectives, ainsi que des équipements communs et de sécurité. Il s'agit du même diagnostic que celui exigé en cas de vente d'un logement dans les immeubles en copropriété depuis plus de quinze ans (CCH : art. L. 111-6-2). Les dépenses liées à l'élaboration de ce diagnostic sont à la charge du bailleur.

L'information du maire sur les conditions de la vente en bloc (loi 31.12.75 : art 10-1. I. B)

Préalablement à la conclusion de la vente, le bailleur est tenu de communiquer au maire de la commune sur le territoire de laquelle est situé l'immeuble le prix et les conditions de la vente de l'immeuble dans sa totalité et en une seule fois. Ce dispositif permet à la commune de préempter pour assurer le maintien dans les lieux des locataires (loi du 13.6.06 : art. 1er II / CU art. L. 210-2).

Toutefois, cette obligation d'information ne s'applique pas dans deux cas :

  • l'immeuble est soumis au droit de préemption urbain ou au droit de préemption ouvert dans les zones d'aménagement différé : la déclaration d'intention d'aliéner préalable (CU : art. L. 213-2) vaut communication au maire ;
  • la vente intervient entre parents et alliés jusqu'au quatrième degré inclus.

Délais pour réaliser la vente (loi 31.12.75 : art 10-1. I. A)

Si le locataire accepte l'offre de vente, il dispose d'un délai de deux mois, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur, pour la réalisation de l'acte de vente.
Si, dans sa réponse, il notifie au bailleur son intention de recourir à un prêt, son acceptation de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt. Le délai de réalisation de la vente est alors porté à quatre mois. Passé le délai de réalisation de l'acte de vente, l'acceptation de l'offre de vente est nulle de plein droit.

Vente à un prix plus avantageux (loi 31.12.75 : art 10-1. I. A)

Lorsque l'immeuble fait l'objet d'une mise en copropriété, en raison de la vente d'au moins un logement à un locataire ou occupant de bonne foi, et que le bailleur décide de vendre les lots occupés à des conditions ou à un prix plus avantageux à un tiers :

  • une nouvelle offre de vente avec indication des conditions et prix doit être notifiée au locataire ou occupant de bonne foi par le bailleur ou à défaut par le notaire, sous peine de nullité de la vente.
    L'offre est valable pendant un mois à compter de sa réception et devient caduque si elle n'est pas acceptée par le locataire dans ce délai.
  • Si le locataire ou occupant de bonne foi accepte la nouvelle offre ainsi notifiée, il dispose, à compter de l'envoi de sa réponse, d'un délai de deux mois pour réaliser la vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, son acceptation de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du crédit et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois.
    A l'expiration de ce délai, si la vente n'a pas été réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est nulle de plein droit.

Les dispositions des six premiers alinéas de l'article 10-1 doivent être reproduites dans chaque notification à peine de nullité (loi du 13.6.06 : art. 1er / loi du 31.12.75 : art. 10-1. I. A).

L'engagement de l'acquéreur de proroger les baux en cours (loi du 31.12.75 : art. 10-1. I. A et loi du 6.7.89 : art. 15 II)

L'acquéreur peut souhaiter proroger les contrats de bail à usage d'habitation en cours à la date de la conclusion de la vente. Dans ce cas, il doit s'engager dans l'acte authentique à permettre à chaque locataire ou occupant de bonne foi de disposer du logement qu'il occupe pour une durée de six ans à compter de la signature de l'acte authentique de vente, qui contiendra la liste des locataires concernés par un engagement de prorogation du bail.

Dès lors, est nul de plein droit le congé pour vente délivré au locataire en violation de l'engagement de prorogation des contrats de bail en cours (loi du 6.7.89 : art. 15 II).


Le dispositif d'incitation fiscale (loi du 13.6.06 : art. 2 / Code général des impôts : art. 1584 bis et 1594 F sexies)

L'hypothèse visée par le texte est notamment celle de l'acquisition d'un ou plusieurs logements occupés (par des locataires dont le droit de préemption a été purgé) vendus dans le cadre d'une vente par lots.

Le conseil municipal a la faculté, sur délibération, de réduire le taux de la taxe additionnelle aux droits d'enregistrement ou à la taxe de publicité foncière jusqu'à 0,5 % (au lieu de 1,20%) pour les mutations à titre onéreux d'immeubles et de droits immobiliers.

L'acquéreur peut bénéficier de la réduction des droits de mutation dès lors que trois conditions cumulatives sont réunies :

  • la mutation s'inscrit :
    • soit dans le cadre d'une vente par lots déclenchant le droit de préemption après première division (loi du 31.12.75 : art. 10), ou le droit de préemption en cas de congé pour vente (loi du 6.7.89 : art. 15) ;
    • soit dans le cadre de la vente du reliquat des lots non préemptés par les locataires de l'immeuble vendu en bloc (loi du 31.12.75 : art. 10-1 nouveau).
      L'incitation fiscale est donc conçue de manière large puisqu'elle ne se limite pas aux acquisitions réalisées dans le cadre de ventes par lots subséquentes à l'exercice du droit de préemption nouvellement créé par l'un au moins des locataires ;
  • la mutation porte sur un logement occupé ;
  • l'acquéreur doit s'engager dans l'acte d'acquisition à affecter le logement à la location pendant une période minimale de six ans à compter de la date d'acquisition.
    En principe, si le bail vient à expirer pendant la période d'engagement du bailleur, celui-ci devra proroger le bail du locataire en place afin que le local reste sous statut locatif pour au moins six ans.
    Nb : l'engagement proposé ici à l'acquéreur est distinct de l'engagement de l'acquéreur d'un immeuble vendu dans sa totalité et en une seule fois (loi du 31.12.75 : art. 101).

En cas de non respect de son engagement de maintien de statut locatif, l'acquéreur devra restituer le montant total de l'avantage fiscal (Code général des impôts : art.1840 G ter).


Procédures de concertation

Extension par décret d'un accord collectif conclu au sein de la CNC (loi du 13.6.06 : art. 3 / loi du 23.12.86 : art. 41 ter)

Lorsqu'un accord collectif est conclu au sein de la Commission Nationale de Concertation entre une ou plusieurs organisations de bailleurs et de locataires, cet accord s'impose aux organisations signataires et aux adhérents de ces organisations et fait l'objet de la publication d'un avis au Journal Officiel. Un mois après cette publication, il peut être rendu obligatoire par décret pour tous les logements du secteur locatif concerné.
Toutefois, pour bloquer la procédure d'extension de l'accord collectif par décret, il suffit que la majorité des organisations représentatives des bailleurs ou la majorité des organisations représentatives des locataires s'y oppose.

La loi rend cette opposition plus difficile (et donc facilite l'extension de l'accord par décret) en modifiant la majorité d'opposition : désormais, il faut la majorité de l'ensemble des organisations représentatives des bailleurs et des locataires.
Cette modification permettrait d'étendre l'accord collectif du 16.3.05 relatif aux congés pour vente par lots dans les ensembles immobiliers d'habitation à la vente par lots de plus de dix logements appartenant à un même bailleur.

Congé pour vente délivré en violation des dispositions d'un accord collectif (loi du 13.6.06 : art. 5 / loi du 6.7.89 : art. 15 II)

Le congé pour vente délivré en violation des dispositions d'un accord collectif intervenu au sein de la Commission Nationale de Concertation et rendu obligatoire par décret (loi du 23.12.86 : art. 41 ter) encourt l'annulation.


Reconduction du bail au profit du locataire destinataire d'un congé pour vente (loi du 13.6.06 : art. 4 / loi du 6.7.89 : art. 11-1)

Lorsqu'un congé pour vente, délivré par un bailleur relevant des secteurs locatifs II ou III, intervient dans le cadre d'une vente par lots de plus de dix logements dans le même immeuble, le bail du locataire en place peut être expressément reconduit pour une durée inférieure à celle prévue à l'article 10 de la loi du 6 juillet 1989 (loi du 6.7.89 : art. 11-1).
Dans cette hypothèse, la reconduction doit être établie par un écrit, au plus tard quatre mois avant l'expiration du bail en cours. A l'expiration de la durée de reconduction, le bail est résilié de plein droit et le locataire est déchu de son droit d'occupation.
Toutefois, la reconduction du bail n'est pas un droit pour le locataire : elle reste soumise au bon vouloir du bailleur. La loi met en place une reconduction du bail qui est de droit si le locataire en fait la demande, à la condition que la délivrance du congé pour vente intervienne moins de deux ans avant le terme du bail. Le bail en cours devra alors obligatoirement être reconduit, si le locataire le demande, afin que celui-ci puisse disposer " dans tous les cas " du logement qu'il occupe pour une durée de deux ans à compter de la notification du congé pour vente.
Ainsi, à compter de la délivrance du congé, le locataire peut bénéficier de deux ans d'occupation avant la résiliation automatique de son bail : si le congé lui est délivré six mois avant la fin du bail, la durée de la reconduction sera au maximum de dix huit mois ; si le congé lui est délivré prématurément dix mois avant la fin du bail, le bail pourra être reconduit pour une durée de quatorze mois.


Hamonisation de la dérogation à l'application du droit de préemption du locataire en cas de vente dans le cercle  (loi du 13.6.06 : art. 5 / loi du 6.7.89 : art. 15 II)

Dans le dispositif actuel, les dérogations aux différents droits de préemption du locataire pour les transactions intervenant dans le cadre familial ne sont pas homogènes : 

Hamonisation de la dérogation à l'application du droit de préemption du locataire
ArticleDroit de préemption concernéDérogation dans le cadre familial
Art. 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989Droit de préemption en cas de congé pour ventePour les " actes intervenant entre parents jusqu'au troisième degré inclus, sous la condition que l'acquéreur occupe le logement pendant une durée qui ne peut être inférieure à deux ans à compter du délai de préavis "
Art. 10 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975Droit de préemption en cas de vente consécutive à la division ou à la subdivision de tout ou partie d'un immeuble par lotsPour les " actes intervenant entre parents ou alliés jusqu'au quatrième degré inclus "
Art. 10-1[nouveau] de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975Droit de préemption en cas de vente dans sa totalité et en une seule fois de l'immeublePour les " actes intervenant entre parents ou alliés jusqu'au quatrième degré inclus "

Dans un souci d'harmonisation, la vente qui a lieu entre parents ou alliés jusqu'au quatrième degré inclus prive le locataire d'exercer l'un quelconque de ses droits de préemption.

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