Urbanisme et aménagement : rationalisation de la hiérarchie des normes et modernisation des schémas de cohérence territoriale
N° 2020-13 / À jour au 19 juin 2020
La loi Elan (art. 46) autorise le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour permettre une simplification de la hiérarchie des normes des documents d’urbanisme (cf. Habitat Actualité spécial Loi ELAN).
En application de ce texte, et à la suite d’une période de concertation intitulée "Planifions nos territoires ensemble", lancée en 2019, deux ordonnances du 17 juin 2020 ont été publiées au Journal officiel du 18 juin 2020.
Modernisation des schémas de cohérence territoriale
(Ordonnance n° 2020-744 du 17.6.20 relative à la modernisation des schémas de cohérence territoriale / Rapport au Président de la République)
Pour mémoire, le Schéma de cohérence territoriale (SCOT) est un document de planification stratégique à long terme, à l’échelle intercommunale, créé par la loi Solidarité et renouvellement urbains (SRU) du 13 décembre 2000.
L’ordonnance du 17 juin 2020 modifie le contenu et le périmètre des SCOT. Elle tient compte de la création des Schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) et du développement de Plans locaux d’urbanisme (PLU) à l’échelle des Établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre correspondant au périmètre des SCOT.
Les articles un à six de l’ordonnance adaptent la rédaction d'une partie du Code de l'urbanisme concernant le SCOT, à savoir les articles L.132-12 à L.132-13 de la section 5 du chapitre II, titre III et livre premier du Code de l'urbanisme, relatifs à la consultation, qui permettent désormais la consultation d'autres structures publiques, puis le chapitre premier relatif au contenu du SCOT.
Périmètre du SCOT
(ord. : art.5 / CU : L.143-3 et L.143-28)
Le périmètre du SCOT a été élargi à l’échelle du « bassin d'emploi » en lieu et place du « bassin de vie». À ce titre, le schéma devra prendre en compte :
- les déplacements et modes de vie quotidiens au sein du bassin d’emploi ;
- les besoins de protection des espaces naturels et agricoles ;
- les besoins et usages des habitants en matière de logements, d’équipements, d’espaces verts, de services et d’emplois.
Lorsque le périmètre du SCOT est identique à celui d'un Plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI), un examen de l'opportunité d'élargir le périmètre du schéma, en lien avec les territoires limitrophes est désormais prévu par l’autorité compétente. Un débat est par ailleurs organisé sur l’évolution du périmètre avant toute décision de maintien en vigueur du SCOT ou de sa révision.
Contenu du SCOT
(ord. : art.2, art.3 et art.6 / CU : L.134-1, L.141-2, L.141-3, L.141-15, L.143-18, L.143-29, L.143-30 et L.145-1)
Le contenu du SCOT a été transformé et allégé.
Le projet d’aménagement et de développement durable est remplacé par le projet d’aménagement stratégique qui définit les objectifs de développement et d’aménagement du territoire à un horizon de 20 ans sur la base d’une synthèse du diagnostic territorial et des enjeux qui s’en dégagent. Il devient ainsi la pièce centrale du schéma.
Ces objectifs devront favoriser :
- un équilibre et une complémentarité des polarités urbaines et rurales ;
- une gestion économe de l’espace limitant l’artificialisation des sols ;
- les transitions écologique, énergétique et climatique, une offre d’habitat, de services et de mobilités adaptés aux nouveaux modes de vie ;
- une agriculture contribuant notamment à la satisfaction des besoins alimentaires locaux, ainsi qu’en respectant et mettant en valeur la qualité des espaces urbains comme naturels et des paysages.
Le projet d'aménagement stratégique de cohérence peut par ailleurs tenir lieu de projet de territoire dès lors que le périmètre du schéma inclut celui du pôle d'équilibre territorial et rural.
Le document d'orientation et d'objectifs en tant que pièce maitresse du SCOT détermine les conditions d'application du projet d'aménagement stratégique. Il définit les orientations générales d'organisation de l'espace, de coordination des politiques publiques et de valorisation des territoires. Ce document est simplifié puisque trois grands thèmes complémentaires relatifs au développement économique, au logement et à la transition écologique, remplacent les 11 précédemment imposé.
Un des trois documents obligatoires du SCOT, à savoir le rapport de présentation, est supprimé. Toutefois, le contenu du rapport ne l’est pas. En effet, ses principales composantes (le diagnostic, l'évaluation environnementale, la justification des choix, ainsi que l'analyse de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers et la justification des objectifs chiffrés de limitation de cette consommation) sont placées en annexe. Elles conservent de ce fait leur caractère obligatoire.
Enfin, la justification de l'articulation avec les documents de rang supérieur est supprimée.
Mise en œuvre du SCOT
(ord. : art.1, art.3 et art.5 / CU : L.132-12-1, L.141-15, L.141-16, L.141-18, L.141-19 et L.143-1)
L’ordonnance complète la mise en œuvre du SCOT en introduisant la possibilité d’établir un programme d’actions destiné à accompagner les autorités et collectivités chargées de sa mise en œuvre. Il permet de préciser les actions prévues sur le territoire pour mettre en œuvre la stratégie, les orientations et les objectifs du SCOT.
La procédure d’élaboration du SCOT a également été redéfinie. L’initiative qui était reconnue aux communes pour lancer la procédure d’élaboration d’un SCOT est désormais réservée aux seules intercommunalités. Parallèlement, la collectivité pourra désigner les représentants de tout organisme public ou privé qui du fait de leur activité ou de leur taille, ont vocation à contribuer à l'élaboration ou à la mise en œuvre du SCOT. Il s’agira par exemple d’associations d’usagers ou d’association de défense de l’environnement.
Dans un objectif de renforcement du rôle du SCOT dans la transition énergétique, celui-ci pourra valoir Plan climat-air-énergie territorial (PCAET). Il reste toujours possible de mettre à jour le PCAET sans qu’il soit nécessaire de réviser ou de modifier l'ensemble du SCOT.
Application dans le temps
(ord. : art. 7)
Les dispositions de cette ordonnance sont applicables aux SCOT dont l’élaboration ou la révision est engagée au 1er avril 2021.
Des mesures transitoires sont prévues pour les schémas en cours d’élaboration ou de révision, afin de permettre aux collectivités d’effectuer la révision ou l’élaboration d’un SCOT sous le nouveau format sans attendre.
Conformément aux dispositions de la loi ELAN (art. 46), un projet de loi de ratification sera déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter du 18 juin 2020.
Simplification de la hiérarchie des normes en urbanisme
(Ordonnance n° 2020-745 du 17.6.20 : JO du 18.6.20 / Rapport au Président de la République)
Selon les territoires, jusqu’à une vingtaine de documents d’urbanisme s’appliquent en respectant une hiérarchie précise entre eux. Or, cette multitude de normes complexifie le travail d’élaboration de nouveaux documents d’urbanisme par les collectivités territoriales.
L'ordonnance du 17 juin 2020 limite et simplifie les obligations qui imposent aux documents d’urbanisme transversaux (SCOT, PLU et autres documents en tenant lieu), d’intégrer les enjeux d’autres documents de planification relevant de politiques sectorielles, tels que les risques, les continuités écologiques, les déplacements...
Renforcement du SCOT
(ord. : art. 1 / CU : L.112-4, L.131-1 et suivants)
Le SCOT est renforcé dans son rôle de document devant intégrer les enjeux de toutes les politiques sectorielles ayant une incidence en urbanisme. Si un territoire est couvert par un SCOT, c’est ce dernier qui doit être compatible avec les différents documents sectoriels et non le Plan local d’urbanisme (PLU).
Opposabilité des documents de planification sectoriels
(ord. : art 5 et 6 / C. rural et de la pêche marine : L.923-1-1, C. transports : L.1214-10 et L.1214-34)
Quatre documents de planification sectoriels ne sont désormais plus opposables aux SCOT, PLU (y compris PLUi) et cartes communales. Il s’agit des schémas régionaux de développement de l'aquaculture marine, des plans de déplacements urbains, du plan de déplacements urbains d'Ile-de-France et des plans locaux de déplacements.
Uniformisation des liens juridiques entre les documents sectoriels et les documents d'urbanisme
(ord. : art. 1, 2, 3 et 4 / CU : L.131-1 et L.131-2, CCH : L.302-1 / C. env. : L.219-4, L.350-1, L.371-3, L.515-3 / C. minier : L.621-5)
Le lien juridique dit de "prise en compte" d’un document sectoriel est remplacé par le lien juridique de compatibilité avec ce document et ce, afin d’unifier le lien juridique entre les documents sectoriels et ceux d’urbanisme.
La liste des documents sectoriels avec lesquels les SCOT doivent être compatibles est donc complétée par les documents sectoriels qui devaient seulement être pris en compte.
Toutefois, deux exceptions sont prévues : les programmes d’équipement et les objectifs des SRADDET demeurent seulement pris en compte et donc n’exigent pas un rapport de compatibilité.
Rationalisation des procédures de mise en compatibilité des documents d'urbanisme
(ord. : art.1 / CU : L.131-3, L.131-7 et L.131-8)
Les délais pour mettre en compatibilité les documents d’urbanisme avec les documents de planification sectoriels sont unifiés. Les collectivités territoriales devront examiner tous les trois ans la nécessité de mettre en compatibilité les documents d’urbanisme avec l’ensemble des documents sectoriels qui ont évolué pendant ces trois ans. Auparavant, ce processus devait être réitéré chaque fois qu’un nouveau document sectoriel entrait en vigueur ou était modifié, ce qui multipliait le nombre des procédures nécessaires.
Introduction de la note d’enjeux
(ord. : art.1 / CU : L.132-4-1)
La note d’enjeux est mise en place. Elle formalise une pratique existante qui permet aux collectivités élaborant des documents d’urbanisme de solliciter du représentant de l’État dans le département un exposé stratégique faisant état des enjeux qu’il identifie sur leur territoire et que le document d’urbanisme est appelé à traduire. Cela permettra d’accompagner et de faciliter l’élaboration des documents d’urbanisme et le dialogue entre la collectivité et l’État.
Application dans le temps
(ord. : art. 7)
Les dispositions de cette ordonnance sont applicables aux SCOT, aux PLU, aux documents en tenant lieu et aux cartes communales dont l’élaboration ou la révision est engagée à compter du 1er avril 2021. Il est cependant possible pour les SCOT en cours d’élaboration ou de révision d'appliquer ces simplifications par anticipation.