Loi de finances rectificative pour 2022
Présenté lors du Conseil des ministres du 7 juillet 2022, le projet de loi de finances rectificative pour 2022 a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 26 juillet 2022 et par le Sénat le 2 août 2022.
Une Commission mixte paritaire a été réunie le 3 août 2022. Le texte issu de cette commission a été adopté le 4 août 2022 par les deux chambres.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 5 août 2022. Il a rendu sa décision le 12 aout 2022 (CC : 12.8.22, n°2022-842 DC), jugeant conformes (avec réserves) les dispositions qui lui étaient déférées ; sa décision
n’affecte pas les dispositions en lien avec le logement.
La loi du 16 août 2022 a été publiée au Journal officiel du 17 août 2022.
Ouverture de nouveaux crédits : aide exceptionnelle pour les ménages se chauffant au fioul et nouvelle enveloppe pour MaPrimeRénov’
(LFR 2022 : art.17 et état B annexé)
Le Parlement a procédé à une nouvelle répartition des crédits pour 2022, par missions et programmes, au titre du budget général.
Dans le cadre du programme “Énergie, climat et après-mines”, des crédits sont débloqués pour créer une aide exceptionnelle pour les particuliers utilisant du fioul, à hauteur de 230 millions d’euros.
Par ailleurs, concernant le budget dédié à la cohésion du territoire, sont ouverts de nouvelles autorisations d’engagement (à hauteur de 229 508 330 €) et des crédits de paiement supplémentaires (à hauteur de 214 508 330), comprenant notamment une enveloppe supplémentaire de 400 millions d’euros pour MaPrimeRenov’.
Prolongation du bouclier tarifaire sur le gaz
(LFR 2022 : art.37 / LF 2022 : art.181)
Au regard de l’augmentation des prix du gaz sur les marchés internationaux, le législateur est intervenu pour protéger les particuliers par l’instauration d’un bouclier tarifaire portant sur le gaz naturel, mis en place par la loi de finances pour 2022 du 30 décembre 2021 (cf. Analyse juridique n° 2021-15).
Ainsi, les Tarifs réglementés de vente de gaz naturel (TVRg) fournis par Engie étaient gelés du 31 octobre 2021 jusqu’au 30 juin 2022. Par conséquent, les TRVg des entreprises locales de distribution pouvaient évoluer jusqu’au niveau des TRVg d’Engie lorsqu’ils étaient inférieurs. Dans les autres cas, ils étaient fixés à leur niveau TTC en vigueur au 31 octobre 2021. Pour mémoire, ce bouclier s’applique aux clients résidentiels individuels bénéficiant des TRVg, mais aussi, depuis le décret du 9 avril 2022 (cf. Habitat actualité n° 187), aux personnes physiques habitant des logements d’habitation en copropriété chauffés au gaz et ne bénéficiant pas des TRVg.
La présente loi proroge le blocage des TRVg, à leur niveau d'octobre 2021, du 30 juin 2022 au 31 août 2022. Par ailleurs, elle abroge les dispositions relatives à la composante de rattrapage, qui auraient dû intégrer les TRVG lors de leur remise à niveau, à la fin du gel.
Elle pose par ailleurs un nouveau bouclier tarifaire pour le gaz (à leur niveau en vigueur au 31 octobre 2021), du 1er septembre au 31 décembre 2022, avec de nouvelles modalités de compensation des fournisseurs.
Le texte prévoit également que ce gel pourra être prolongé par arrêté conjoint des ministres chargés de l’économie et de l’énergie, à une date comprise entre le 1er janvier 2023 et le 30 juin 2023. Il précise que le niveau auquel sont fixés les tarifs réglementés peut être modifié par arrêté, sans pouvoir être inférieur à ce niveau, ni excéder celui qui résulterait de l’application de l’article L.445-3 du Code de l’énergie (dans sa rédaction antérieure à la loi du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat).
Concernant les compensations des pertes de recettes subies par les fournisseurs entre le 1er septembre et la fin de la période de gel :
- le périmètre des offres concernées évolue ; auparavant, la compensation aux fournisseurs n’était prévue que pour les contrats TRVg et indexés sur les TRVG ; compte tenu des prix élevés du gaz, les clients disposant de contrats à prix fixes arrivant à échéance auraient pu être incités à basculer sur un contrat TRVG dans le contexte du bouclier, plutôt qu’à opter pour une offre à prix fixe ; le dispositif proposé étend donc la couverture des fournisseurs pour les pertes réalisées à tous les types de contrats conclus sur la période, y compris à prix fixes, sous conditions ;
- un mode unique de calcul de compensation est retenue.
Fiscalité locale
Taxe d’habitation
Compensation de la perte de taxe d’habitation des communes membres de syndicats intercommunaux et des communes et EPCI exerçant la compétence GEMAPI (LFR 2022 : art.11 et art.41 / LF 2020 : art.16, VI, A, 1°, a)
Pour mémoire, la loi du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 (art. 16) a prévu la suppression de la Taxe d'habitation sur les résidences principales (THRP). En compensation, il a été prévu que les communes bénéficient du produit de la part départementale de la Taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) à compter de l'année 2021 (cf. Analyse juridique n° 2019-20). Dans la mesure où le montant de la part départementale de TFPB redescendue ne coïncide pas nécessairement avec la THRP perdue par la commune, un mécanisme de coefficient correcteur a été institué pour éviter les sur-compensations ou les sous-compensations, conformément à l'objectif affiché par le Gouvernement de « compensation à l'euro près ».
Toutefois, le montant de THRP à compenser utilisé pour le calcul du coefficient correcteur ne prend pas en compte les éventuels transferts de taxe d’habitation de la commune à un syndicat intercommunal. Pour compenser l'impact de la suppression de la THRP sur les contributions fiscalisées au financement des syndicats intercommunaux, l'article 16 de la loi de finances initiale pour 2020 avait prévu que le produit de ces taxes serait désormais réparti entre les redevables des autres taxes restantes.
Dans une décision du 17 mars 2022 (CC : 17.3.22, n° 2021-982 QPC), le Conseil Constitutionnel a censuré la disposition prévoyant les modalités de prise en compte de la perte de taxe d'habitation à compenser dans la formule de calcul du coefficient correcteur (soit le a du 1° du A du IV de l'article 16 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020).
La présente loi tire les conséquences de cette décision du Conseil constitutionnel, d’abord, en modifiant les modalités de prise en compte de la perte de taxe d'habitation à compenser dans la formule de calcul du coefficient correcteur, de façon à prévoir que le taux communal de taxe d'habitation de 2017 soit majoré, le cas échéant, du taux syndical de taxe d'habitation appliqué en 2017 sur le territoire de la commune. Le dispositif s'applique, rétroactivement, à compter du 1er janvier 2022.
Par ailleurs, le présent texte crée, au titre de 2021, une nouvelle dotation budgétaire de l’Etat versée aux communes membres en 2020 d’un syndicat de communes dont le comité a décidé de lever la taxe d’habitation.
Enfin, dans la mesure où la taxe additionnelle pour la Gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI) présente un fonctionnement analogue aux contributions versées aux syndicats intercommunaux, la présente loi instaure une dotation de compensation, correspondant à la part supportée par les contribuables de la taxe d’habitation dans la répartition du produit de cette taxe.
Rapport d’évaluation (LFR 2022 : art.43 / LF 2020 : art.16, IV, H)
Pour mémoire, la loi de finances pour 2020 (art. 16) avait prévu la remise au Parlement d’un rapport d'évaluation sur le dispositif de compensation.
La présente loi avance d’un an la date limite de publication de ce rapport, soit au 1er mars 2023.
Taxe foncière et avis d’imposition
(LFR 2022 : art.42 / Livre des procédures fiscales : L.253)
La présente loi renforce l’information du contribuable sur les conséquences de la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales sur le schéma de financement de leur commune.
De nouvelles informations doivent figurer dans les avis d’imposition des contribuables assujettis à la Taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB).
Ces derniers devront mentionner, à titre indicatif :
- la différence entre, d’une part, le produit de la TFPB versé à la commune et, d’autre part, le produit net issu des rôles généraux de la TFPB émis au profit de cette commune (pour les communes dans lesquelles le produit des taxes foncières excède de 10 000 € le produit des taxes d’habitation) ;
- le montant du complément versé à la commune (pour les communes dans lesquelles le produit des taxes foncières excède le produit des taxes d’habitation).
Dotation exceptionnelle de l’État pour les communes et leurs groupements
(LFR 2022 : art.14)
La loi crée une dotation de soutien en faveur des communes et de leurs groupements les plus fragiles financièrement et les plus affectés par la revalorisation du point d'indice de la fonction publique et la hausse des prix de l'énergie.
En ce sens, pour l’année 2022, il est institué, par prélèvement sur les recettes de l’État, une dotation au profit des communes et de leurs groupements satisfaisant aux critères cumulatifs suivants :
- leur épargne brute au 31 décembre 2021 représentait moins de 22 % de leurs recettes réelles de fonctionnement ;
- leur épargne brute a enregistré en 2022 une baisse de plus de 25 %, en raison notamment des effets de l’inflation sur les dépenses d’approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain.
Seuls sont éligibles au versement de cette dotation :
- les communes dont le potentiel financier par habitant est inférieur au double du potentiel financier moyen par habitant de l’ensemble des communes appartenant au même groupe démographique ;
- les EPCI à fiscalité propre dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur, l’année de répartition, au double du potentiel fiscal par habitant moyen des établissements appartenant à la même catégorie.
La loi prévoit les modalités de calcul de cette dotation, en fonction des dépenses constatées en 2022 au titre :
- de la hausse du point d'indice de la fonction publique (décret n° 2022-994 du 7.7.22) ;
- de la hausse de dépenses d’approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain et d’achats de produits alimentaires.
Pour les communes et leurs groupements qui anticipent, à la fin de l’exercice 2022, une baisse d’épargne brute de plus de 25 %, la dotation peut faire l’objet, à leur demande, d’un acompte versé sur le fondement d’une estimation de leur situation financière.
Un décret précisera les modalités d’application de cette nouvelle dotation.
Autres mesures
Report d’un an de la suppression du tarif réduit de l’accise sur le gazole non routier
(LFR 2022 : art.22 / LF 2020 : art.60)
Le Gazole non routier (GNR) désigne le gazole utilisé pour le fonctionnement de moteurs qui ne servent pas à la propulsion de véhicules sur route. Il est identique au gazole ordinaire, mais bénéficie d’un régime fiscal avantageux, afin d’aider les acteurs de la construction et de l’agriculture qui en constituent les principaux bénéficiaires.
La loi de finances pour 2020 du 28 décembre 2019 (art. 60 / Analyse juridique n° 2019-20) avait acté la suppression du tarif réduit du GNR pour le 1er janvier 2022. La date effective de suppression avait cependant été reportée par la loi de finances rectificative pour 2020 (art. 6), puis par la loi de finances rectificative pour 2021 (art. 7) pour aboutir à une suppression au 1er janvier 2023.
La loi de finances rectificative pour 2022 diffère à nouveau la date de suppression, en repoussant son entrée en vigueur au 1er janvier 2024.
Généralisation de la facture électronique
(LFR 2022 : art.26 / CGI : art.289 bis, 290 et 290 A [nouveaux], 1737, 1788 D et 1788 E [nouveaux])
Cette mesure fait suite à la déclaration d’inconstitutionnalité par le Conseil constitutionnel pour cause de cavalier législatif d’une disposition relative à la facturation électronique contenue dans la loi de ratification de l’ordonnance n° 2021-1190 du 15 septembre 2021.
L’article 289 VI du CGI dispose que les factures électroniques tiennent lieu de factures d’origine, notamment au regard des obligations fiscales de l’entreprise. Toutefois, ce même Code soumet leur transmission et leur mise à disposition à l’acceptation du destinataire, ce qui constitue une contrainte dans la vie des affaires.
L’obligation de facturation électronique existe déjà pour les personnes publiques (ord. n° 2014-697 du 26.6.14).
S’agissant des personnes privées, les dispositions du CGI et la déclaration d’inconstitutionnalité ont empêché la généralisation de la facturation électronique.
La loi de finances rectificative pour 2022 étend ainsi, de manière progressive, l’obligation de recourir à la facturation électronique.
Ainsi, pour les transactions domestiques réalisées entre assujettis à la TVA établis en France, sont instaurées :
- une obligation de réception des factures électroniques par toutes les entreprises à compter du 1er juillet 2024 ;
- une obligation d’émission de factures électroniques pour les grandes entreprises à compter de la même date, pour les Entreprises de taille intermédiaire (ETI) à compter du 1er janvier 2025 et pour les PME à compter du 1er janvier 2026.
Il est également désormais obligatoire de transmettre à l’administration fiscale :
- les données de transaction s’agissant des transactions non domestiques entre entreprises et de celles à destination de personnes non assujetties à la TVA, pour lesquelles une obligation de recours à la facturation électronique n’est pas introduite ;
- et les données de paiement s’agissant des prestations de service, pour lesquelles la TVA est exigible au moment du paiement.
Cette transmission doit s’opérer selon des normes définies par arrêté du ministre chargé du budget. Cette formule renvoie aux dispositions de l’arrêté du 9 décembre 2016 relatif au développement de la facturation électronique. Selon cet arrêté, la transmission est réalisée par le portail public de facturation Chorus Pro, déjà utilisé par les personnes publiques, et le cas échéant par l’intermédiaire d’opérateurs de plateforme de dématérialisation agréés.
En cas de manquement à ces obligations, des sanctions ont été prévues, notamment :
- une amende de 15 € par facture, sans que le total des amendes appliquées au titre d’une même année civile ne puisse excéder 15 000 € ;
- une amende de 250 euros par transmission, sans que le total des amendes appliquées au titre d’une même année civile ne puisse excéder 15 000 €.
Enfin, lorsqu’un assujetti doit assurer l’authenticité de l’origine de la facture, il était exigé le recours à la procédure de signature électronique avancée. Cette modalité est remplacée par le recours à la procédure de signature électronique qualifiée.
Rapport : financement des EHPAD
(LFR 2022 : art.32)
Avant le 31 décembre 2022, le Gouvernement devra remettre au Parlement un rapport évaluant les possibilités d’évolution du financement des établissements d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes, de sorte à réduire le coût de la prise en charge pour les résidents.
Mise en œuvre du Ségur de la Santé
(LFR 2022 : art.44 / LFSS 2020 : art.48)
Suite à la pandémie de la Covid-19, certains fonctionnaires et militaires bénéficient d’un complément de traitement indiciaire, qui s’ajoute à leur traitement de base. Il s’élève à ce jour à 183 €.
La liste des établissements au sein desquels ce complément est versé aux agents exerçant leurs fonctions sont étendues, notamment :
- aux établissements et services sociaux et médico‑sociaux (cf. CASF : L.312-1), à l’exception des services d’aide et d’accompagnement à domicile ;
- aux équipes mobiles chargées d’aller au contact des personnes sans abri ainsi que des accueils de jour mis en place dans le cadre des dispositifs de veille sociale ;
- aux structures exerçant les activités d’accompagnement social personnalisé (cf. CASF : L.271-1).
Accueil des réfugiés ukrainiens : ratification d’un décret d’avance
(LFR 2022 : art.45 / décret n° 2022-512 du 7.4.22)
En application de l’alinéa 3 de l’article 13 de la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF), la présente loi ratifie les modifications de crédits réalisées par le décret n° 2022-512 du 7 avril 2022 portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance.
Pour mémoire, ce décret avait ouvert des crédits, à hauteur de près de 5,86 milliards d’euros, pour financer les dépenses urgentes liées à la guerre en Ukraine, et notamment pour le financement des dépenses relatives à :
- la hausse des prix des carburants pour tous les particuliers et les professionnels ;
- l’accueil des réfugiés fuyant la guerre en Ukraine.