Performance énergétique et décence
N° 2017-06 / À jour au 11 septembre 2023
Loi n° 2019-1147 du 8.11.19 : JO du 9.9.19 / Loi n° 2021-1104 du 22.8.21 / Décret n° 2017-312 du 9.3.17 : JO du 11.3.17 / Décret n° 2021-19 du 11.1.21 : JO du 13.1.21 / Décret n° 2023-796 du 18.8.23 : JO du 20.8.23
Pour mémoire, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent (loi n°89-462 du 6.7.89 : art. 6).
À ce titre, le logement :
- ne doit pas laisser apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé des occupants ;
- doit être exempt de toute infestation d'espèces nuisibles et parasites depuis la loi portant Évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) (loi n° 2018-1021 du 23.11.18, cf. Habitat actualité spécial loi ELAN).
La performance énergétique a été progressivement prise en compte dans l’appréciation de la décence d’un logement :
- au titre de la loi relative à la Transition énergétique pour la croissance verte (TECV), pour être qualifié de décent, le logement doit respecter des caractéristiques minimales de performance énergétique, comme la protection contre les infiltrations d’air (loi n° 2015-992 du 17.8.15, cf. Habitat Actualité spécial loi TECV) ;
- au titre de la loi Énergie et Climat, le logement doit respecter un seuil minimal et un objectif de performance énergétique (loi n° 2019-1147 du 8.11.19, cf. Analyse juridique n° 2019-17) ;
- au titre de la loi Climat et Résilience, le logement doit satisfaire à un niveau de performance énergétique minimal, indiqué dans le Diagnostic de performance énergétique (DPE) (loi n° 2021-1104 du 22.8.21, cf. Habitat Actualité spécial loi Climat et Résilience).
La présente note détaille les modalités d’application de ces exigences de décence énergétique dans les rapports locatifs.
Caractéristiques de la décence énergétique
La prise en compte de la performance énergétique au titre de la décence s’est opérée en plusieurs étapes.
Introduction de critères de performance énergétique dans la notion de décence
(loi du 17.8.15 : art. 12 / décret n° 2017-312 du 9.3.17)
Dans le contexte de la "COP21" menée en 2015 dans le cadre de la Convention des Nations unies sur les changements climatiques et des accords de Paris, la loi du 17 août 2015 relative à la Transition énergétique pour la croissance verte, dite "loi TECV", a introduit les premiers éléments de performance énergétique dans les caractéristiques du logement décent.
En ce sens, la loi TECV (art. 12) a modifié l’article 6 de la loi du 6 juillet 1986 tendant à améliorer les rapports locatifs (loi portant statut des baux d’habitation), dont les dispositions prévoient que : « le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation ».
Le décret n° 2017-312 du 9 mars 2017, pris en application de cette mesure, définit le critère de performance énergétique minimale à respecter et un calendrier de mise en œuvre échelonnée ; il modifie, en conséquence, le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent ("décret décence"). Il précise les qualités minimales que le logement doit recouvrir pour pouvoir être qualifié d’énergétiquement décent au sens de la loi TECV. Il s’agit d’éléments intrinsèques à sa conception, indépendants du mode d’occupation du logement et du coût de l’énergie.
Deux éléments sont intégrés au décret du 30 janvier 2002 ("décret décence").
Depuis le 1er janvier 2018, le logement doit être étanche à l’air :
- il doit être protégé contre les infiltrations d'air parasites (par exemple, les ouvrants tels que portes et fenêtres doivent être jointifs) ;
- les portes et fenêtres du logement, ainsi que les murs et parois de ce logement donnant sur l'extérieur ou des locaux non chauffés, doivent présenter une étanchéité à l'air suffisante ;
- les ouvertures des pièces donnant sur des locaux annexes non chauffés doivent être munies de portes ou de fenêtre ;
- les cheminées doivent être munies de trappes.
Ces dispositions ne sont pas applicables dans les départements situés en outre-mer.
Elles s’ajoutent à celles contenues dans le "décret décence" relatives à l’étanchéité à l’eau. En effet, le logement décent "assure le clos et le couvert", "protège les locaux contre les eaux de ruissellement et les remontées d’eau" et "les menuiseries extérieures et la couverture avec ses raccords assurent la protection contre les infiltrations d’eau".
Depuis le 1er juillet 2018, les caractéristiques de l’aération suffisante du logement sont précisées :
- les dispositifs d'ouverture, et les éventuels dispositifs de ventilation des logements, doivent être "en bon état" ;
- ces dispositifs doivent permettre, en plus du renouvellement de l'air que le décret prévoyait déjà, "une évacuation de l'humidité" (le renouvellement de l’air et l’évacuation de l’humidité devant être adaptés aux besoins d'une occupation normale du logement et au fonctionnement des équipements).
Les dispositions du "décret décence" relatives au chauffage n’ont pas été modifiées par le décret du 9 mars 2017 : le logement décent doit comporter une installation permettant un chauffage normal et adaptée aux caractéristiques du logement (décret du 30.2.02 : art. 3).
Introduction d’un seuil maximal de consommation d’énergie
(loi du 8.11.19 : art. 17 / décret n° 2021-19 du 11.1.21)
La loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat a modifié l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 pour préciser que le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent répondant à un critère de performance énergétique minimale, "défini par un seuil maximal de consommation d'énergie finale par mètre carré et par an". Elle a ainsi introduit un seuil objectif permettant d’apprécier la décence énergétique des logements.
Ce seuil est précisé par le décret n° 2021-19 du 11 janvier 2021 : "en France métropolitaine, le logement a une consommation d'énergie, estimée par le Diagnostic de performance énergétique (…) inférieure à 450 kilowattheures d'énergie finale par mètre carré de surface habitable et par an".
La surface habitable à prendre en compte pour déterminer ce seuil est celle définie à l'article R.156-1 du CCH (décret n° 2002-120 du 30.1.02 : art. 3 bis). Il s’agit de la surface de plancher construite, après déduction des surfaces occupées par les murs, cloisons, marches et cages d'escaliers, gaines, embrasures de portes et de fenêtres. Il n'est pas tenu compte de la superficie des combles non aménagés, caves, sous-sols, remises, garages, terrasses, loggias, balcons, séchoirs extérieurs au logement, vérandas, volumes vitrés, locaux communs et autres dépendances des logements, ni des parties de locaux d'une hauteur inférieure à 1,80 mètre.
Le décret du 18 août 2023 précise qu’il faut y inclure la superficie des vérandas chauffées, en principe écartée de la définition de surface habitable. Cette mesure est entrée en vigueur le 21 août 2023.
Prise en compte des nouvelles étiquettes énergétiques
Pour tenir compte de la réforme du DPE (cf. Analyse juridique n° 2021-09), la loi Climat et résilience du 22 août 2021 a inscrit dans la loi les sept classes énergétiques du DPE : de A "extrêmement performant" à G "extrêmement peu performant" (CCH : L.173-1-1). Elle a également supprimé, dans la définition de la décence énergétique, la notion de seuil maximum de consommation d’énergie finale, afin de prendre pour référence les étiquettes du DPE.
Elle modifie progressivement les exigences en matière de décence énergétique par rapport à celles prévues par la loi du 8 novembre 2019 Énergie et Climat.
Ainsi, le niveau de performance énergétique d’un logement décent, tel que mentionné dans le DPE, devra être compris :
- en France métropolitaine :
- à compter du 1er janvier 2025, entre les classes A et F ;
- à compter du 1er janvier 2028, entre les classes A et E ;
- à compter du 1er janvier 2034, entre les classes A et D ;
- en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à La Réunion et à Mayotte :
- à compter du 1er janvier 2028, entre les classes A et F ;
- à compter du 1er janvier 2031, entre les classes A et E.
Le décret n°2023-796 du 18 août 2023 intègre ces niveaux de performance énergétique minimaux :
Champ d’application
Contrats de location concernés
Les exigences de décence énergétique (loi du 6.7.89 : art. 6) sont applicables aux logements loués à titre de résidence principale soumis à la loi du 6 juillet 1989 (location vide, meublée et bail mobilité), ainsi qu’aux logements du parc HLM et aux logements conventionnés Anah (loi du 6.7.89 : art. 25-3, art. 25-12 et art. 40, I et III).
Modalités d’application dans le temps
Conformément au droit commun (Code civil : art. 1er et 2 / Code des relations entre le public et l’administration : L. 221-4), sauf s'il en est disposé autrement par la loi, une nouvelle réglementation ne s'applique pas aux contrats formés avant sa date d’entrée en vigueur.
Les nouvelles exigences de décence énergétique ne concernent donc que les nouveaux baux.
Selon les éléments publiés par le Ministère en charge du Logement (cf. FAQ "Interdiction de location et gel des loyers des passoires énergétiques"), la notion de "nouveau bail" s’entend :
- d’un contrat de location nouvellement signé par un locataire à l’entrée dans le logement ;
- d’un contrat de location qui se reconduit ou se renouvelle (Code civil : art. 1214 et art. 1215).
Au regard de ces éléments, les exigences de décence énergétique s’appliqueraient progressivement aux baux en cours, selon le calendrier prévu par les lois TECV, Energie et Climat, puis Climat Résilience.
Les dispositions issues de la loi TECV seraient applicables :
- aux contrats signés depuis le 1er janvier 2018 (concernant l’étanchéité à l’air) et depuis le 1er juillet 2018 (concernant l’aération) ;
- progressivement, aux contrats qui se sont reconduits ou renouvelés depuis ces dates.
Le seuil de performance énergétique prévu par la loi Énergie et Climat s’appliquerait :
- aux contrats signés à compter du 1er janvier 2023 :
- progressivement, aux contrats qui se reconduisent ou renouvèlent à compter de cette date.
Les niveaux de performance énergétique d’un logement décent, prévus par la loi Climat et Résilience, devraient s’appliquer de la façon suivante :
- en France métropolitaine :
- à compter du 1er janvier 2025 : entre les classes A et F ;
- à compter du 1er janvier 2028 : entre les classes A et E ;
- à compter du 1er janvier 2034 : entre les classes A et D.
- en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à La Réunion et à Mayotte :
- à compter du 1er janvier 2028, entre les classes A et F ;
- à compter du 1er janvier 2031, entre les classes A et E.
Ce calendrier de la loi Climat et Résilience s’appliquera aux nouveaux baux et progressivement, selon les échéances, aux baux reconduits ou renouvelés.
Demande de mise en conformité
Enjeux pour le bailleur
(loi du 6.7.89 : art. 20-1)
La non décence énergétique du logement ne remet pas en cause la validité du contrat de location en cours.
En revanche, le bailleur s’expose à :
- le cas échéant, la conservation par l’organisme payeur (Caf ou CCMA) de l’allocation de logement (cf. Analyse juridique n° 2015-03) ;
- être contraint par le juge à :
- la réalisation des travaux de rénovation ;
- et/ou la réduction ou suspension du loyer ;
- et l’indemnisation du préjudice du locataire.
Travaux de mise aux normes
Pour remédier au non-respect des critères de décence énergétique, le bailleur peut entreprendre des travaux de rénovation au sein du logement loué.
Pour la réalisation des travaux d’amélioration de la performance énergétique et ceux de mise aux normes de la décence, le locataire devra permettre l’accès aux lieux loués, dans les conditions prévues par l’article 7, e de la loi du 6 juillet 1989. Avant le début des travaux, le bailleur doit informer le locataire de la nature et des modalités d’exécution des travaux par une notification de travaux remise en main propre ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Les travaux ne peuvent pas être réalisés les samedis, dimanches et jours fériés sans l'accord exprès du locataire. À défaut de respecter ces conditions, ou si les travaux présentent un caractère abusif ou vexatoire, ou qu’ils rendent impossible ou dangereuse l’occupation du logement, le juge peut interdire ou interrompre les travaux entrepris.
Si les travaux durent plus de 21 jours, le locataire peut obtenir une diminution du loyer proportionnelle à la partie du logement dont il aura été privé. Si les travaux rendent le logement inhabitable, le locataire pourra obtenir la résiliation du bail (CC : art. 1724).
Règlement des litiges
Saisine de la commission départementale de conciliation
Pour mémoire, lorsque le logement ne satisfait pas aux conditions de décence, le locataire peut demander au propriétaire la mise en conformité de son logement. Cette demande peut être exprimée tout au long de la vie du contrat de location. Il est recommandé de formaliser cette demande par LRAR.
L’article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989 ouvre un délai de deux mois à compter de cette demande. À l’expiration de ce délai, si le bailleur n’a pas répondu ou si les parties n’ont pas réussi à trouver un accord, la Commission départementale de conciliation (CDC) peut être saisie et rendre un avis. La saisine de la CDC ou la remise de son avis ne constitue pas un préalable à la saisine du juge.
À noter
Si le locataire est bénéficiaire d’une Allocation de logement familiale ou sociale (ALF et ALS), il peut solliciter son organisme payeur (CAF ou CMSA) afin d’organiser une visite du logement. En cas de constat de non-décence, l’allocation sera conservée par l’organisme payeur, en vue d’inciter le bailleur à réaliser des travaux de mise aux normes (cf. Analyse juridique n° 2015-03).
Saisine et prérogatives du juge
(loi du 6.7.89 : art. 20-1 / décret n° 2023-796 du 18.8.23)
Le juge des contentieux de la protection peut être saisi par le locataire ou par le bailleur.
S’il constate une situation de non-décence, il pourra :
- déterminer, le cas échéant, la nature des travaux à réaliser et le délai de leur exécution ;
- réduire le montant du loyer ou suspendre, avec ou sans consignation, son paiement et la durée du bail jusqu'à l'exécution de ces travaux ;
- indemniser le locataire pour son préjudice.
En matière de décence énergétique, certains ajustements des prérogatives du juge sont prévus par la loi Énergie et Climat, puis par la loi Climat et Résilience, concernant certains logements en copropriété ou soumis à des contraintes architecturales ou patrimoniales.
Depuis le 1er janvier 2023, le juge ne peut ordonner la réalisation de travaux lorsque le copropriétaire démontre que, malgré ses démarches en vue d’obtenir les autorisations d’assemblée générale nécessaires à la réalisation de travaux relevant des parties communes ou d'équipements communs et la réalisation de travaux dans les parties privatives de son lot adaptés aux caractéristiques du bâtiment, il n’a pu parvenir à un niveau de consommation énergétique inférieur au seuil maximal.
À compter du 1er janvier 2025, la loi Climat et Résilience a ajouté une nouvelle exception à la possibilité pour le juge d’ordonner la réalisation des travaux lorsque le logement est soumis à des contraintes architecturales ou patrimoniales qui font obstacle à l’atteinte de ce niveau de performance minimal malgré la réalisation de travaux compatibles avec ces contraintes.
Ces contraintes sont définies par le décret n° 2023-796 du 18 août 2023, qui intègre un nouvel article au sein du décret du 30 janvier 2002 (article 3 ter [nouveau]). Il sera ainsi impossible pour le juge d’ordonner la réalisation de travaux lorsque :
- les travaux nécessaires feraient courir un risque de pathologie du bâti, affectant notamment les structures ou le clos et couvert des bâtiments, attesté par une note argumentée rédigée, sous sa responsabilité, par un homme de l'art ;
- les travaux ont fait l'objet d'un refus d'autorisation par l'autorité administrative compétente (Code du patrimoine : livre VI / Code de l’environnement : livre III, titre IV / Code de l'urbanisme : livre Ier) en raison des modifications de l'état des parties extérieures, y compris du second œuvre, ou de l'état des éléments d'architecture et de décoration de la construction qu’ils entraînent ;
- le propriétaire produit aux débats les pièces justifiant de l'impossibilité de réaliser les travaux visant à atteindre un niveau de performance minimal.
Le juge pourra, notamment, surseoir à statuer dans l'attente de l'intervention de la décision de l'autorité administrative compétente pour autoriser la réalisation de ces travaux.
Le juge pourra en revanche prononcer d’autres mesures, telles que la réduction du loyer, par exemple.
À savoirLes dispositions de l’article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989 ne sont pas applicables dans le cadre d’un bail mobilité (loi du 6.7.89 : art. 25-12). Le locataire peut néanmoins saisir un conciliateur de justice et/ou le tribunal judiciaire pour obtenir la réalisation des travaux, des dommages-intérêts, la suspension de tout ou partie du loyer |