Expérimentation de l’encadrement du niveau des loyers dans les zones tendues
N° 2019-03 / À jour au 8 novembre 2024
Loi ELAN du 23.11.18 : art. 139 et 140 (JO du 24.11.18) / Loi 3DS du 21.2.22 : art. 85 (JO du 22.2.22) / Loi Pouvoir d’achat du 16.8.23 : art. 13 (JO du 17.8.22) / Décret n°2019-315 du 12.4.19 (JO du 13.4.19) / Décret n° 2019-437 du 13.5.19 (JO du 14.5.19) / Décret n° 2020-41 du 22.1.20 (JO du 24.1.20) / Décret n°2020-1619 du 17.12.20 (JO du 19.12.20) / Décret n° 2020-1818 du 30.12.20 / Décrets n° 2021-1143, n° 2021-1144, n° 2021-1145 du 2.9.21 (JO du 3.9.21), n° 2023-981 du 23.10.23 (JO du 25.10.23) et n°2023-1046 du 16.11.23 (JO du 18.11.23)
La loi ELAN du 23 novembre 2018 a instauré dans les zones dites "tendues" un encadrement du niveau des loyers (à la mise en location et au renouvellement du bail), à titre expérimental et pour une durée de 5 ans, soit jusqu’au 25 novembre 2023.
La loi dite "3DS" du 21 février 2022 a prolongé l’expérimentation pour trois années supplémentaires, soit jusqu’au 25 novembre 2026, afin de faciliter une évaluation appropriée du dispositif.
Ce dispositif s’ajoute à l’encadrement de l’évolution des loyers qui s’applique dans les agglomérations dites "tendues" (loi du 6.7.89 : art.18 / décret n° 2017-1198 du 27.7.17 modifié en dernier lieu par le décret n°2024-854 du 20.7.24).
Le décret du 13 mai 2019 fixe les conditions d’applications de ces mesures.
Champ d'application
Logements concernés
Le dispositif d’encadrement du niveau des loyers s’applique aux logements loués nus ou meublés, ainsi qu’au bail mobilité, soumis aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989.
En revanche, il ne s’applique pas :
- aux logements-foyers ;
- aux logements de fonction ;
- aux locations consenties aux travailleurs saisonniers ;
- aux logements appartenant à ou gérés par des organismes HLM ou appartenant à ou gérés par des SEM et faisant l'objet d'une convention APL ;
- dans les résidences meublées avec services, telles que définies par le Code général des impôts (CGI : art. 261 D 4°c).
Territoires concernés
L’expérimentation concerne les "zones d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement sur l'ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d'acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d'emménagements annuels dans le parc locatif social" (loi du 6.7.89 : art. 17). Le décret du 10 juin 2015 précise ce zonage, en renvoyant aux agglomérations listées en annexe 1° du décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 relatif au champ d'application de la taxe annuelle sur les logements vacants (par exemple : Bordeaux, Grenoble, Lille, Lyon, Marseille, Montpellier, Nantes, Nice, Paris, Strasbourg, Toulon, Toulouse, etc.).
L’encadrement s’applique sur demande :
- des Établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) compétents en matière d’habitat ;
- de la commune de Paris ou des Etablissements publics territoriaux (EPT) de la métropole du Grand Paris ;
- des métropoles de Lyon et d’Aix-Marseille-Provence.
La loi ELAN a prévu que les demandes soient transmises dans un délai de deux ans à compter de la publication de la loi, soit jusqu’au 25 novembre 2020. Toutefois, la loi 3DS a prolongé ce délai et permet aux collectivités visées par l’expérimentation de déposer leur demande auprès du Gouvernement jusqu’au 25 novembre 2022.
Leur demande peut porter sur tout ou partie de leur territoire, sous réserve que le marché locatif du secteur concerné respecte les conditions suivantes :
- un écart important entre le niveau de loyer moyen constaté dans le parc privé et celui pratiqué dans le parc social ;
- un niveau de loyer médian élevé ;
- un taux faible de logements commencés rapporté aux logements existants sur les cinq dernières années ;
- des perspectives limitées de production pluriannuelle de logements inscrites dans le PLH et de faibles perspectives d’évolution de celle-ci.
Lorsque la demande est approuvée, un décret délimite le territoire d’application de l’encadrement.
À ce stade, l’encadrement du niveau des loyers s’applique sur les territoires suivants :
- la commune de Paris (décret n° 2019-315 du 12.4.19 : JO du 13.4.19).
L’encadrement est entré en vigueur le 1er juillet 2019 (arrêté préfectoral du 28.5.19) et a été reconduit depuis (arrêtés préfectoraux des 3.6.20, 7.6.21, 1.6.22, du 31.5.23 et 28.5.24) ; - la commune de Lille et les communes associées : Hellemmes (arrêté préfectoral du 18.4.77) et Lomme (décret du 22.4.00) (décret n° 2020-41 du 22.1.20 : JO du 24.1.20). L’encadrement est entré en vigueur le 1er mars 2020 (arrêté préfectoral du 30.1.20) et a été reconduit depuis (arrêtés préfectoraux des 22.2.21, 2.2.22, 20.2.23 et 13.3.24) ;
- le territoire de l’Établissement public territorial (EPT) Plaine Commune, c'est-à-dire les communes suivantes : Aubervilliers, La Courneuve, Épinay-sur-Seine, L'Île-Saint-Denis, Pierrefitte-sur-Seine, Saint-Denis, Saint-Ouen-sur-Seine, Stains et Villetaneuse (décret n° 2020-1619 du 17.12.20 : JO du 19.12.20). L’encadrement est entré en vigueur le 1er juin 2021 (arrêté préfectoral du 1.4.21) et a été reconduit depuis (arrêtés préfectoraux des 6.5.22, 4.5.23 et 2.5.24) ;
- les communes de Lyon et Villeurbanne (décret n° 2021-1143 du 2.9.21 : JO du 3.9.21). L’encadrement est en vigueur depuis le 1er novembre 2021 (arrêté préfectoral du 29.9.21) et a été reconduit depuis (arrêtés préfectoraux des 28.9.22, 29.9.23 et du 22.10.24) ;
- le territoire de l’Établissement public territorial (EPT) Est Ensemble, c’est-à-dire les communes suivantes : Bagnolet, Bobigny, Bondy, Le Pré-Saint-Gervais, Les Lilas, Montreuil, Noisy-le-Sec, Pantin et Romainville (décret n° 2021-688 du 28.5.21 : JO du 30.5.21). L’encadrement est entré en vigueur le 1er décembre 2021 (arrêté préfectoral du 3.11.21) et a été reconduit depuis (arrêtés préfectoraux des 6.5.22, 4.5.23 et 2.5.24) ;
- la commune de Montpellier (décret n° 2021-1144 du 2.9.21 : JO du 3.9.21). L’encadrement est entré en vigueur le 1er juillet 2022 (arrêté préfectoral du 23.5.22) et a été reconduit depuis (arrêtés préfectoraux des 13.6.23 et 18.6.24) ;
- la commune de Bordeaux (décret n° 2021-1145 du 2.9.21 : JO du 3.9.21). L’encadrement est entré en vigueur le 15 juillet 2022 (arrêté préfectoral du 20.6.22) et a été reconduit depuis (arrêtés préfectoraux des 20.6.23 et 20.6.24) ;
- le territoire de la communauté d’agglomération du Pays basque, comprenant 24 communes (décret n° 2023-981 du 23.10.23 : JO du 25.10.23). L'encadrement entrera en vigueur le 25 novembre 2024 (arrêté préfectoral du 21.10.24) ;
- le territoire de Grenoble-Alpes Métropole, pour tout ou partie des 21 communes le composant (décret n° 2023-1046 du 16.11.23 : JO du 18.11.23). L’encadrement entrera en vigueur en fonction de la publication par arrêté préfectoral des loyers de référence pour ce territoire (à paraître).
Détermination des loyers de référence
Pour chaque territoire défini par décret, le préfet fixe chaque année, par arrêté, un loyer de référence, un loyer de référence majoré (supérieur de 20 %) et un loyer de référence minoré (diminué de 30 %), exprimé par un prix au mètre carré de surface habitable, par catégorie de logement et secteur géographique.
Chaque loyer médian est calculé à partir des niveaux de loyers constatés par l’Observatoire local des loyers (OLL).
Pour les locations meublées, les loyers de référence, loyers de référence majorés et minorés sont calculés en application d’une majoration unitaire par mètre carré aux loyers de référence évoqués ci-dessus pour tenir compte du caractère meublé du logement. Cette majoration est déterminée à partir des écarts constatés entre les loyers des logements loués nus et ceux des logements loués meublés observés par l’OLL.
Fixation du loyer
Fixation initiale du loyer
Le loyer de base des logements mis en location est fixé librement entre les parties, dans la limite du loyer de référence majoré. Cette fixation du loyer doit également respecter les modalités de l’encadrement de l’évolution des loyers (cf. Analyse juridique n°2015-13).
Dans le cadre d’une colocation, la somme des loyers perçus de l’ensemble des colocataires ne peut pas être supérieure au montant du loyer applicable au logement.
Si le loyer de base prévu dans le contrat de bail est supérieur au loyer de référence majoré en vigueur à la date de signature de ce contrat, le locataire peut saisir la Commission départementale de conciliation (CDC). Il peut également engager une action en diminution de loyer.
Pour les contrats de location signés depuis le 24 août 2022, le loyer ne peut pas dépasser le dernier loyer appliqué au précédent locataire lorsque le logement appartient à la classe énergétique F ou G (au sens de CCH : L.173-1-1) (loi du 6.7.89 : art. 17).
Mention dans le bail
Le contrat de location doit indiquer le loyer de référence et le loyer de référence majoré correspondant à la catégorie de logement.
Si ces éléments d’information ne sont pas mentionnés, le locataire peut demander à ce qu’ils soient insérés au contrat, en adressant au bailleur une mise en demeure dans un délai d’un mois à compter de la prise d’effet du contrat de location.
En l’absence de réponse du bailleur dans un délai d’un mois, ou en cas de refus de ce dernier, le locataire peut saisir le juge, dans un délai de trois mois à compter de la mise en demeure afin d’obtenir, le cas échéant, la diminution du loyer.
Complément de loyer
Lorsque le montant du loyer établi est égal au montant du loyer majoré, un complément de loyer peut être appliqué au loyer de base. Ce complément devra être justifié par les caractéristiques de localisation ou de confort du logement, et par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique.
Un complément de loyer est également possible pour les logements en location meublée. Il doit tenir compte des équipements et services associés aux logements meublés.
Afin d’encadrer d’avantage les conditions dans lesquelles un complément de loyer peut être prévu au contrat, la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat précise les conditions dans lesquelles un complément de loyer peut être réclamé.
Ainsi, pour les contrats conclus depuis le 18 août 2022, aucun complément de loyer ne peut être appliqué lorsque le logement présente une ou plusieurs des caractéristiques suivantes :
- des sanitaires sur le palier ;
- des signes d’humidité sur certains murs ;
- un niveau de performance énergétique F ou G (au sens de CCH : L.173-1-1) ;
- des problèmes d’isolation thermique des murs ou du toit ;
- des fenêtres laissant anormalement passer l’air hors grille de ventilation ;
- un vis-à-vis à moins de dix mètres ;
- des infiltrations ou des inondations provenant de l’extérieur du logement ;
- des problèmes d’évacuation d’eau au cours des trois derniers mois ;
- une installation électrique dégradée ;
- une mauvaise exposition de la pièce principale.
Si les parties conviennent d’un tel complément, son montant et les caractéristiques le justifiant doivent être mentionnés au contrat de bail.
- Contestation du complément de loyer : le locataire qui souhaite contester le complément de loyer dispose d'un délai de trois mois à compter de la signature du bail pour saisir la Commission départementale de conciliation (CDC), sauf pour le bail mobilité. En cas de contestation, il appartient au bailleur de démontrer que le logement présente des caractéristiques de localisation ou de confort le justifiant, par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique.
- En cas de conciliation : le montant du loyer, tenant compte de l'éventuel complément de loyer, est celui fixé par le document de conciliation délivré par la CDC.
- En l'absence de conciliation : le locataire dispose d'un délai de trois mois à compter de la réception de l'avis de la CDC pour saisir le juge d'une demande en annulation ou en diminution du complément de loyer. La fin de non-recevoir tirée de l'absence de saisine préalable de la CDC peut être soulevée d'office par le juge.
Dans les deux cas, le loyer résultant du document de conciliation ou de la décision de justice s'applique à compter de la prise d'effet du bail.
Ajustement du loyer au renouvellement
Lors du renouvellement du contrat, le locataire peut engager une action en diminution de loyer si celui fixé au contrat (hors complément de loyer) est supérieur au loyer de référence majoré.
De même, lorsque le loyer est inférieur au loyer de référence minoré, le bailleur peut proposer une réévaluation du loyer à son locataire. Cette proposition ne peut être supérieure au montant du loyer de référence minoré.
Depuis le 24 août 2022, aucune action en réévaluation ne peut être engagée par le bailleur pour les logements appartenant à la classe énergétique F ou G (au sens CCH : L.173-1-1).
La proposition de nouveau loyer doit être adressée dans un délai d’au moins six mois avant le terme du contrat lorsqu’elle émane du bailleur, d’au moins cinq mois avant le terme du contrat lorsqu’elle émane du locataire.
Sanction en cas de non-respect de l’encadrement de loyer par le bailleur
Si le préfet constate qu’un bail ne respecte pas le loyer de référence majoré prévu par arrêté, il peut adresser un courrier de mise en demeure au bailleur (loi ELAN : art.140 et décret n° 2019-437 du 13.5.19 : art. 1) :
- lui rappelant le manquement constaté ;
- l’enjoignant de mettre le contrat en conformité avec le loyer de référence et de restituer le trop-perçu de loyer à son locataire dans un délai de deux mois ;
- l’informant du montant maximal de la sanction encourue en l’absence de réaction ;
- lui indiquant qu’il dispose d’un délai d’un mois pour présenter ses observations.
Le bailleur, dans le délai imparti, doit transmettre au préfet une copie du contrat mis en conformité ainsi que les éléments lui permettant de justifier le remboursement de trop-perçu au locataire.
Si le bailleur ne réagit pas à cette mise en demeure, le préfet pourra prononcer une amende à son encontre (d’un montant maximum de 5 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale). Cette décision doit être motivée et indiquer les voies et délais de recours. Le montant de l’amende envisagée devra être proportionnée à la gravité des faits reprochés et précisé au bailleur. Ce dernier dispose d’un délai d’un mois pour présenter ses observations.
Au terme de ce délai, le préfet peut émettre un titre de perception, dans les deux ans suivant la mise en demeure, recouvré par le Trésor Public comme en matière de créance étrangère à l’impôt et au domaine.
Le prononcé de l’amende ne fait pas obstacle à ce que le locataire engage une action en diminution de loyer.
Le préfet peut déléguer sa compétence en matière de sanction, à leur demande, aux présidents des EPCI compétents en matière d’habitat, au maire de Paris, aux présidents des EPT de la métropole du Grand Paris, au président de la métropole de Lyon ou au président de la métropole d’Aix-Marseille-Provence.
Il peut mettre fin à cette délégation, dans les mêmes conditions, de sa propre initiative ou à leur demande.
Rapport d’évaluation de l’expérimentation
Au plus tard 6 mois avant son terme (soit le 25 juin 2026), le Gouvernement doit remettre au Parlement un rapport d’évaluation de cette expérimentation.
Conformité de l’expérimentation
(CE : 10.5.22 n° 454450, n° 449603, n° 442698, n° 431495 / CE : 25.5.23, n° 458153, n° 458155 et n° 458156)
Pour le Conseil d’État, les loyers de référence fixés par les préfets dans le cadre de l’encadrement du niveau des loyers présentent un rapport raisonnable de proportionnalité entre la limitation à l’exercice du droit de propriété et l'exigence d'intérêt général qu'elle poursuit. L’encadrement est donc compatible avec la protection du droit de propriété résultant des stipulations de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDH).
De plus, même si la mise en œuvre de ces dispositions peut avoir pour conséquence qu'un encadrement des loyers soit mis en place dans un territoire présentant des caractéristiques identiques à celles d'un autre territoire dans lequel aucun encadrement ne sera appliqué, faute de demande de la collectivité concernée, cette différence résulte du choix fait par chaque collectivité de mettre en œuvre une politique d'encadrement des loyers ou de ne pas le faire (et non pas des dispositions de la loi elles-mêmes). Ces dispositions n’introduisent donc pas une discrimination incompatible avec les stipulations de la CESDH.
Enfin, le Conseil d’État a, le 10 mai 2022, estimé que Paris, Lille, Plaine Commune et Est ensemble remplissaient toutes les conditions prévues par la loi ELAN pour la mise en œuvre de l’encadrement, au vu de la situation de leurs marchés locatifs respectifs. Il a confirmé cette analyse le 25 mai 2023 concernant Bordeaux, Lyon, Villeurbanne et Montpellier.